Nicolas Maigret - Artiste en résidence

La première exposition temporaire du Musée L porte sur les ‘Écritures numériques’. Piratage, détournement, censure, aberrations du web…tels sont les éléments qui inspirent et interpellent les artistes exposés, dont Nicolas Maigret, artiste en résidence à l'UCL en 2017-2018.

Cette première exposition temporaire a démarré au Musée L le 23 mars dernier. Les artistes y questionnent les révolutions numériques et technologiques en cours dans notre monde contemporain.

Que savons-nous des mutations technologiques qui nous entourent ?

Tous ces systèmes programmés comme les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les parcours GPS… sont pour la plupart des technologies rendues opaques et complexes. Ce sont des ‘boites noires’ qui, pour Nicolas Maigret, sont le lieu d’enjeux politique, économique, écologique… affectant la manière dont la société fonctionne et se structure.

En avons-nous conscience ? Comment les nouvelles technologues influencent le cours du monde ?

À travers les œuvres d’une série d’artistes d’arts numériques, l’exposition qui est présentée au Musée L - la première exposition temporaire depuis son ouverture en automne dernier - interrogera les systèmes numériques qui nous entourent et qui influencent nos sociétés.

L’artiste français Nicolas Maigret expérimente, par l’art numérique, la capacité des technologies contemporaines à générer des langages sonores ou visuels spécifiques. Dans ses réalisations, les caractéristiques internes des médias sont rendues perceptibles à travers leurs erreurs, dysfonctionnements, états limites ou seuils de rupture, dont il développe des expériences audiovisuelles à la fois sensorielles et immersives.

Vernissage au Musée L et Nuit du numérique : jeudi 22.03.18 (Expo du 23 mars au 13 mai 2018).

Autour de l’exposition 

  • Conférence-rencontre de Nicolas Maigret sur le thème ‘Futurs non conformes’, le 27/03, au Point Culture, Louvain-la-Neuve.
  • Journée famille au Musée L, le mercredi 11 avril 2018, de 10h à 12h et de 13h à 16h. www.museel.be
  • Journée d’étude interdisciplinaire, le mardi 08 mai 2018, de 9h15 à 17h. La réflexion portera sur deux concepts chers à Nicolas Maigret, artiste en résidence à l’UCL : la disnovation et l’hacktivisme. Au Sénat académique (Halles universitaires LLN) rens. : info-culture@uclouvain.be
  • Workshop avec François Zajéga « Introduction à la pratique de jeux vidéo créatifs » à la Bibliothèque des sciences, Louvain-la-Neuve.
  • Conférence/projection de Régis Cotentin « L’art du simulacre numérique »- Point Culture, Louvain-la-Neuve.
  • Visites guidées de l’exposition ‘Ecritures numériques’ en français > réservations : publics@museel.be, 010 47 48 45: vendredi 20/04/2018, de 13h à 14h - Dimanche 22/04/2018, de 15h à 16h

    Entretien - Nicolas Maigret

               « Les systèmes numériques sont des boîtes noires
                                dont le fonctionnement n’est pas directement intelligible… »

Vous démarrez votre résidence d’artiste à l’UCL et votre travail avec les étudiant·e·s. Qu’avez-vous envie de leur transmettre ?

L’environnement numérique prend une place de plus en plus importante dans nos quotidiens. Tous les secteurs de la vie humaine sont progressivement affectés par ces mutations technologiques. Parmi ces systèmes numériques, certains peuvent paraître assez simples (l’ouverture d’une porte avec un badge, etc.) mais la plupart d’entre eux sont le résultat de boites noires, c’est-à-dire des systèmes technologiques opaques et complexes dont le fonctionnement ne sont pas directement intelligible : les moteurs de recherche, les systèmes de recommandations d’achats, les optimisations de parcours, les parcours GPS, etc. Bien souvent, les règles de fonctionnement de ces systèmes sont délibérément tenue secrètes ou rendues opaques par les grands groupes qui les développent.

Ces systèmes ont une influence très importante sur nos vies et nos manières de vivre ensemble en tant que société. Le moindre changement dans ces algorithmes peut avoir un impact à long terme ou assez vaste sur la société. L’idée est, avec les étudiants, d’explorer ces boites noires.

Comment allez-vous travailler ? 

Nous leur avons proposé d’identifier des types de boites noires qui les entourent et qui les interpellent dans leur quotidien. Ensuite, nous définirons des méthodes pour révéler ou détourner ces boites noires : on peut imaginer, par exemple, révéler la manière dont fonctionne un moteur de recherche simplement en effectuant énormément de recherches de manière méthodique et en notant les types de résultats que l’on obtient, les types de biais, les types d’aberrations, de travers, etc. L’idée est de donner aux étudiants des méthodes pour pouvoir faire des investigations de ces boites noires. Enfin, ils travailleront par groupes afin de développer une série de scénarios, de tests, de prototypes et d’actions qui serviront à rendre le résultat de leur recherche partageable avec le public.

Quels étudiants ont choisi de suivre votre séminaire ?

Le background des étudiants est très divers. Ils proviennent de toutes les années : un thésard en philo, des chercheurs en intelligence artificielle, des étudiants en linguistique, en anthropologie… Cela crée une diversité et une richesse dans les échanges qui est assez intéressante. L’Université semble un environnement assez bienveillant et confortable pour les étudiants. Le modèle utopique et un peu insulaire de la ville nous intéresse. C’est un contexte particulier…

Comment en êtes-vous venu aux arts numériques ?

C’est venu assez vite, dès la fin des années 1990. Cela me paraissait évident : les zones de frictions et d’enjeux dans les mutations de la société se passaient du côté du numérique/technologique.

Pour vous, c’est le rôle d’un artiste : se situer dans ces ‘zones de frictions’ ?

Oui, ce n’est pas la définition que tout le monde donnerait mais c’est évident : s’interroger sur les frictions, les mutations et les enjeux de société, c’est le cœur de ce qui m’intéresse en tant qu’artiste.

Les arts numériques, c’est quoi exactement ? Qu’est-ce qui définit l’art numérique ?

Souvent, on associe ‘arts numériques’ à l’utilisation des nouvelles technologies. Nous, nous interrogeons plutôt sur la place du numérique dans la société: l’objet de notre travail, ce sont les mutations du numérique.

Qu’est-ce qui vous touche dans cet art ?

Des changements majeurs sont en train d’avoir lieu. Du point de vue politique, social, géographique, écologique… à tous ces niveaux, il y a un impact direct de la globalisation, de la mise en réseau, de l’idéologie des start-ups… Ce n’est pas juste technologique ; ce sont des changements profonds et essentiels de société. Et le grand public peut -à certains moments- passer à côté de ces enjeux.

Vous travaillez beaucoup en collectif ? Pourquoi travailler à plusieurs ?

Nous abordons des sujets complexes, en réunissant des expertises et des parcours complémentaires : comme ceux d’un anthropologue, d’une designer, d’un programmeur, d’un artiste, d’un historien, etc. Travailler ensemble crée des dynamiques d’enrichissement. Cela permet aussi de penser des enjeux de travail, de recherches au-delà d’un intérêt individuel. De penser une recherche comme un enjeu collectif.

Que pourra-t-on voir à l’exposition ‘Écritures numériques’?

Trois projets menés avec le Collectif ‘Transculture’.

  • Black Lists est un projet d’encyclopédie des adresses web restreintes ou interdites à travers le monde. Nous avons récupérés d’énormes listings commerciaux utilisés pour filtrer les réseaux. Ces millions d’adresses permettent de faciliter le filtrage et la restriction sur des réseaux collectifs. Nous en avons fait une encyclopédie, présentée comme un annuaire, en 13 tomes de 666 pages chacun. Ce sont donc des toutes petites adresses, organisées en colonne par ordre alphabétique que l’on peut consulter.
  • Ensuite, le projet Shanzhai Archeology. C’est à Shenzhen, en Chine, que sont produits la majorité des appareils technologiques au monde. L’essentiel de ces productions sont visibles ici, en Occident, au travers des grandes marques standardisées : ce sont des tablettes, des téléphones, des ordinateurs, des routers, etc. Mais il y a aussi une autre pants de production qui était destiné au marché asiatique ou de différents pays comme l’Inde, le Mexique, le Ghana, etc. Ces technologies alternatives cristallisent un imaginaire technologique complètement autre…
  • Le dernier se nomme Predictive Art Bot. Nous nous sommes intéressés à la manière dont les réseaux sociaux et les médias en ligne affectent nos imaginaires et la société en général. Nous avons créé un algorithme qui surveille les tendances émergentes, les nouveaux jargons, les motsclés, les nouveaux sujets… et qui produit des concepts ou des idées pour des œuvres d’art. Cet algorithme fabrique des idées et des concepts artistiques. Il court-circuite l’imaginaire artistique car il produit, en flux tendu et en direct, des propositions artistiques sur la base des flux de tendance et de sujets qui résonnent sur les réseaux.

Si vous deviez choisir un objet important pour vous, quel serait-il ?

Je prendrais la machine à vapeur : le brevet de la machine à vapeur est considéré comme le moment charnière qui aurait fait entrer la civilisation dans l’aire de l’anthropocène, période où l’influence de l’homme devient le paramètre le plus marquant de l’évolution terrestre.  

Une phrase, une citation ou une personne qui vous inspire ?

Kate Crawford. Elle a mis en place un groupe de recherche qui s’appelle Artificiel intelligence Now, qui explore les enjeux éthiques et politiques qui entourent le développement de l’intelligence artificielle. > Propos recueillis par Alice Thelen

> Lire aussi l'interview de Nicolas Maigret publiée le vendredi 04 mai sur le site 

 > En savoir plus sur le site d'UCL CULTURE


L'UCL, une université de culture

Parce qu’elle veut former des êtres humains libres, à l’esprit ouvert et critique, l’UCL a décidé de se laisser questionner en son centre par des créateurs de toutes disciplines. C’est ainsi que, depuis 2005, dans le cadre de la mineure en culture et création, l’UCL accueille des artistes en résidence. Cette expérience, unique en Belgique, apporte un formidable enrichissement au monde universitaire et lui ouvre de nouveaux horizons. C’est une chance formidable pour les étudiants, enseignants et chercheurs de pouvoir dialoguer avec des artistes, de se confronter à leur vision de l’homme et du monde, d’œuvrer avec eux à un projet artistique commun ! A partir de son travail et de sa démarche propre, aussi exigeante que la démarche universitaire, un dialogue s’engage entre les étudiants de Bacs 2 et 3 et l’artiste accueilli en résidence. Durant un semestre, l’artiste leur fait partager son expérience et les initie à une pratique artistique. Au terme du séminaire, ces étudiants présentent au grand public le fruit de leur travail de création dans des domaines aussi variés que le cinéma, la littérature, la musique, les arts plastiques…

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