La solidarité internationale n’a pas de frontières

 

Le témoignage d’Agnès de Pourbaix, gestionnaire de mobilité au bureau des relations internationales de la Faculté de droit de l’UCLouvain

Premières décisions pour le bien-être et la sécurité de nos étudiant·es 

« Ma collègue Virginie Malapert et moi-même avons été rapidement confrontées à la problématique du COVID-19, comme nos collègues des autres facultés, et ce, bien avant que notre pays soit impacté et à l’isolement. Comme nous collaborons avec plus d’une centaine d’universités dans le monde, avant tout pour les échanges étudiants, notre premier défi avec le Coronavirus a débuté avec les premiers cas en Chine dès le début du mois de janvier. Nous avions quatre étudiant·es en droit qui devaient partir à Xiamen au début du mois de février, mais comme la situation de crise sanitaire s’est accélérée sur place, les autorités universitaires de l’UCLouvain ont préféré annuler tous les départs vers la Chine pour le bien-être et la sécurité de nos étudiant·es. Evidemment, leur déception a été très grande puisque c’est un projet qu’elles·ils avaient construit depuis plus d’une année mais rapidement, elles·ils se sont rendu compte que leur santé était plus importante. Ma collègue et moi avons vite proposé aux étudiant·es d’autres destinations qu’elles·ils ont rapidement rejointes. Tout s’est fait en un week-end ! Il s’agissait notamment de les réorienter vers l’Australie et vers l’Italie.

Le temps de l'accueil 

Au même moment, nous avons accueilli, à Louvain-la-Neuve, 80 étudiant·es Erasmus venant des quatre coins du monde. Une partie en provenance du continent européen (Belgique, France, Espagne, Suisse, Luxembourg, Autriche, Irlande, Portugal et un grand nombre d’étudiant·es italiens) et puis des étudiant·es Mercator, donc hors Europe, en provenance de pays comme l’Argentine, l’Australie, le Brésil, la Colombie, le Mexique, le Canada et la Chine. Etant donné qu’aucune décision n’avait été prise pour l’entrée sur le territoire belge des ressortissant·es chinois·ses, nous avons accueilli 8 étudiant·es chinois·es avec bienveillance, au même régime que les autres. Elles·ils ont d’ailleurs été rapidement intégré·es auprès des autres étudiant·es Ersamus lors des journées d’accueil organisées par la Faculté de droit et par l’UCLouvain au début du mois de février. A l’heure d’aujourd’hui, elles·ils sont toujours en bonne santé!

Les questions de l'après-retour 

Et puis malheureusement, le virus est arrivé en Europe et a touché de plein fouet l’Italie où nous avions 22 étudiant·es sur place, dont les trois qui avaient été redirigé·es après l’annulation de leur départ en Chine. Malheureusement, une seconde forte déception pour eux. Au début, tout le monde était attentif à l’évolution de la situation au quotidien mais plus elle devenait critique, plus j’avais des appels téléphoniques ou des mails des étudiant·es sur place de plus en plus inquiets pour certain·es. Les universités italiennes ont très vite réagi face à cette situation qui évoluait constamment en mettant en place des conseils de mesures d’hygiène et de distanciation sociale. Très rapidement, les directives pour les cours en non présentiel ont été décidées par les universités italiennes et je pense que c’est là que tout s’est accéléré. Beaucoup d’étudiant·es présent·es en Italie ont pris conscience que la situation changeait et ont souhaité rentrer en Belgique. Bien sûr, hormis les questions de non-contamination des proches et d’une quarantaine de 15 jours, les étudiant·es commençaient à se poser des questions sur l’« après leur retour ». Pouvaient-ils continuer à suivre les cours de l’université italienne online? Quid des examens? Devaient-ils reprendre le cursus de l’UCLouvain et abandonner leur Erasmus? Et quelles étaient les conséquences financières de leur retour précipité?

Prise de conscience et retour (parfois précipité) à la maison 

Et puis, le virus a continué sa route, oubliant les frontières et s’est précipité en Espagne et en France où nous avions toutes les deux des étudiant·es et notamment à Madrid où le foyer de contamination était le plus intense. À nouveau, nous avons géré la crise en rassurant les étudiant·es et en leur proposant de rentrer si elles·ils le souhaitaient. La majorité de celles et ceux parti·es durant ce second semestre poursuit aujourd’hui les cours en ligne proposés par les universités partenaires et n’a pas souhaité réintégrer le cursus classique à l’UCLouvain.

Quand le virus est arrivé en Belgique, je pense que certain·es étudiant·es ont pris conscience encore plus rapidement que le danger était près de nous et aux portes de leurs proches. Un léger vent de panique s’est installé le jour où la Belgique est entrée en confinement car cela signifiait la fermeture rapide des frontières et des retours précipités vers la maison et pour certain·es de nos étudiant·es, qui parfois ont laissé la moitié de leurs affaires dans des kots loués en à l’étranger. Il faut savoir que nous avions plus de 150 étudiant·es réparti·es au 4 coins du monde. Tous les étudiant·es qui partent en échange en droit le font uniquement durant leur dernière année de Master, ce qui implique à la fois de terminer leurs études, rendre leur mémoire et être diplômé·e. C’est déjà un énorme challenge pour eux·elles de poursuivre leur cursus, que ce soit un semestre ou une année complète, dans une université étrangère et dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle.

Malgré cela, certain·es étudiant·es ont décidé, en pleine conscience, de rester dans leur pays d’accueil mais toujours en confinement. Nous restons toujours en contact avec elles·eux pour savoir si tout va toujours bien et ainsi permettre de maintenir le contact dans cette situation compliquée pour chacun·e d’entre elles·eux. Quand le tsunami du virus a ébranlé le monde international, nous avons aidé à rapatrier des étudiant·es parfois coincé·es dans des pays où les vols commerciaux avaient été supprimés du jour a lendemain. Souvent, on se sent plus rassuré·e auprès de sa famille et de ses proches que seul dans un pays étranger. C’est selon le caractère de chacun·e.

Un groupe sur Teams pour garder le contact avec les étudiant·es IN 

Nous avons été très épaulées par les instances universitaires et par l’Administration des Relations Internationales qui nous ont donné les bons conseils au bon moment et qui nous ont aidées à gérer la crise quotidiennement durant près de trois semaines très perturbées. Notre faculté a été également très présente et de très bon conseil du point de vue des possibilités académiques qui pourraient leur être offertes après leur retour. Durant cette période assez intense, Virginie et moi avons été le lien entre les instances universitaires de l’UCLouvain, les universités partenaires, nos responsables facultaires et nos étudiant·es belges à l’étranger. Nous devions également gérer le stress de nos étudiant·es Erasmus qui ont vécu le début de la crise loin de leur famille tout en les rassurant sur la continuité de leur cursus online mis également très rapidement en place à l’UCLouvain, qu’ils retournent chez eux ou non.

Beaucoup d’universités en dehors de l’Europe ont exigé le rapatriement immédiat de leurs ressortissant·es donc certain·es étudiant·es Mercator ont rapidement quitté l’UCLouvain mais continuent de suivre les cours en ligne. Tous et toutes souhaitent passer leurs examens à distance avec l’accord de nos enseignant·es. D’autres sont resté·es à Louvain-la-Neuve. Nous avons effectué un sondage auprès des 80 Erasmus présents début février et près d’un tiers réside encore sur notre campus universitaire et poursuit son cursus online tout en restant en confinement dans leur kot. Nous avons d’ailleurs créé un groupe sur Teams pour garder un contact permanent avec ces étudiant·es afin qu’elles·ils ne se sentent pas délaissé·es et elles·ils se portent à merveille!

"On ne fait pas de l'international sans l'être humain"

Juste avant le confinement, nous avons eu le temps de procéder aux présélections des étudiant·es de la première année de Master qui avaient postulé au terme de la session de janvier, à un séjour d’échange pour l’année académique 2020-2021. Ils sont au nombre de 156. La majorité souhaite partir au second semestre mais une quinzaine d’entre elles·eux ont plutôt choisi un départ au premier semestre dont plusieurs étudiant·es pour le Canada, les Etats-Unis et certaines destinations en Europe. Nous sommes également en contact avec elles·eux car certain·es se demandent s’il sera possible de partir vers leur destination fin août. Nul ne sait quelle sera la situation avec l’ouverture ou non des frontières à cette période de l’année mais nos partenaires, notamment du Canada, nous assurent que, pour l’instant, ils sont prêts à accueillir nos étudiant·es. Nous nous adapterons en fonction de la situation qui sera plus claire dans quelques mois.

Un des aspects très enrichissant de notre travail est justement le contact avec les étudiant·es et c’est ce qui nous manque cruellement durant ce confinement. Mais grâce à Teams, nous maintenons le contact et c’est primordial dans notre métier. On ne fait pas de l’International sans l’être humain et sans voyager! Chaque étudiant·e est unique et nous prenons le temps de les écouter et de les renseigner. Nous créons un certain lien puisque nous les prenons en main à la moitié de leur première année de Master pour les accompagner jusqu’à la fin de leur séjour et de leur cursus à l’UCLouvain.

Cette crise du Coronavirus a renforcé de manière considérable le monde de l’International. Toutes les universités du monde sont dans le même bateau et l’entraide déjà existante avec nos partenaires s’est considérablement renforcée et c’est là que l’on se dit que si le Coronavirus n’a pas de frontières, la solidarité internationale non plus car elle va au-delà des langues, des cultures et des fuseaux-horaires. »