Pensées décoloniales et littérature

ECR

Expo Congo Eza

L’exposition "Arts Congo Eza" (Anne Wetsi Mpoma, Septembre 2020) a mis en avant les oeuvres de 14 artistes belgo-congolais bruxellois dans un lieu public symbolique, à savoir le Parc Royal de Bruxelles.

« Décoloniser, c’est apprendre à voir de nouveau, de manière transversale, intersectionnelle, à dé-naturaliser le monde où nous évoluons, fabriqué par les êtres humains et les régimes économiques et politiques. » (Françoise Vergès, Décolonisons les arts, 2018)

Les pensées décoloniales sont ici envisagées comme une démarche qui prend pour objet le colonialisme (comme entreprise politique et économique intrinsèquement liée à la première modernité) et la colonialité (qui en est la matrice, laquelle persiste au-delà des indépendances formelles). Même si notre approche s'élabore en écho avec la résurgence de spectres coloniaux, elle tente de dépasser le ressassement et de voir comment les textes littéraires permettent de repérer et désapprendre leurs manières de catégoriser les êtres, les cultures et les langues. La tradition critique des études postcoloniales recentrées sur le point de vue de celles et ceux que la colonisation a laissé·es « sans voix » (Aimé Césaire) – dans le sillage des largement reconnues d’Achille Mbembe, Edward Saïd, Enrique Dussel, Walter Mignolo ou Gayatri Chakravorty Spivak notamment – est aujourd'hui en dialogue avec d'autres discours de « résistance » portant sur des enjeux contemporains cruciaux comme : la question de l’écologie (Malcolm Ferdinand, Arturo Escobar) également en lien avec celle du féminisme (éco-féminisme); la diversité des langues et la différence de légitimité qui leur est accordée (langues du colon, langues du colonisé) ; le poids toujours dominant des concepts et représentations culturelles et religieuses occidentales (par exemple les concepts et les rhétoriques de la réconciliation et du pardon) ; les représentations stéréotypées de « l’autre » depuis les schèmes de  l’Humanisme occidental de la Renaissance jusqu’à ceux du « primitivisme littéraire » des avant-gardes ainsi que le traitement discursif du motif de la « peau » ou de la violence structurelle. Ce projet, constitué d'ateliers de chercheurs, de séminaires avec les étudiants de Master et de conférences, se penche sur l’analyse d’un corpus littéraire croisé des différentes traditions linguistiques en présence (française, anglo-américaine, latino-américaine, néerlandaise, allemande); des textes contemporains exemplaires d’un regard décolonial sur la question de l’altérité et d’une perspective des « histoires connectées » (ou shared histories) y sont également convoqués.

Membres :

Véronique BRAGARD

Alicia LAMBERT

Geneviève FABRY

Hubert ROLAND

Stéphanie VANASTEN

Camille DASSELEER

Saskia VANDENBUSSCHE

Michel LISSE

Jonathan CHÂTEL

Doctorats

Projet de thèse en cours d'Alicia Lambert (Boursière FSR-UCLouvain), Décoloniser les stéréotypes : possibilités et limites de la bande dessinée contemporaine

Ce projet doctoral examine les stéréotypes dans un corpus de bandes dessinées et romans graphiques contemporains abordant le passé colonial belge. Il est question non seulement d’y identifier et d’examiner les stéréotypes sur l’Afrique, les (ex-)colonisés et les (ex-)colonisateurs qui continuent d’être renforcés, mais aussi de décrire et d’analyser les techniques narratives, discursives et visuelles employées pour les dénoncer, voire même les contrer. Nous visons ainsi à démontrer que la bande dessinée, malgré son caractère iconique et caricatural, peut offrir un terrain de déconstruction des stéréotypes.

Publications (récentes/majeures)

  • Bragard, Véronique ; Parent, Sabrina ; Amuri Mapala-Lutebele, Maurice. "Entre évitement et ressassement : le spectre colonial belge dans les productions littéraires, artistiques et culturelles". In: Revue Belge de Philologie et d'Histoire, Vol. 97, no.3, p. -- (2020).
  • Bragard, Véronique ; Fabry, Geneviève. "A Parrot without Feathers? Ventriloquy, Orality, and Nostalgia in Vargas Llosa's The Storyteller and Pauline Melville's The Ventriloquist's Tale". In: Comparative Literature Studies, Vol. 53, no.3, p. 454-477 (2016).
  • Bragard, Véronique. "Out of Darkness? Bofane's Afropean Ndombolo Trickster Resistance in Mathematiques congolaises". In: Essays in French Literature and Culture, Vol. 52, no.1, p. 63-78 (2015). 2014
  • Bragard, Véronique. "Ramasser les mots parmi les détritus : écriture et poétique de l’ordure dans l’œuvre de Jean-Luc Raharimanana". In: Les Lettres Romanes, Vol. 68, no.1-2, p. 149-171 (2014).
  • Roland, Hubert. « Le ‘primitivisme littéraire’ à l’heure de la modernité ». In : Franca Bruera & Barbara Meazzi (dir.), Plurilinguisme et Avant-gardes, Bruxelles/Bern (e.a.), P.I.E. Peter Lang, p. 385-400.

Conférences

  • Bragard, V. & Parent, S. Le passé colonial belge au prisme des productions littéraires et artistiques contemporaines (2000-2015) (ULB), 2017.
  • Bragard, V. et Parent, S. & Feyereisen, J. Utopie et migration : Renouveler l’imaginaire des frontières au XXIe siècle. Colloque international et multidisciplinaire (Oxford University, April 2021).

Statue

Statue de la Reine Isabel de Castille revêtue des habits indigènes traditionnels (dont le chapeau noir et l’aguayo, une couverture de laine colorée) pour protester contre l’imposition de standards culturels venus d’Europe. La manifestation avait lieu le jour de « la race », date à laquelle on célèbre traditionnellement la « découverte » de l’Amérique mais que beaucoup suggèrent d’appeler désormais le jour « de la décolonisation ». Sous la statue, on peut lire (au lieu du nom de la reine Isabel) « Plaza chola globalizada » : place de la métisse globalisée. La photo a été prise à La Paz en Bolivie le 12 octobre 2020.
Source : Página 7, 12 oct. 2020