Genèse et réception de l’Ovide moralisé (II)

Louvain-La-Neuve

Notre projet vient s’inscrire dans un vaste réseau international réunissant des chercheur·es de plusieurs Universités européennes (Belgique, France, Suisse, Allemagne, Italie). Le volet belge, porté par M. Cavagna et C. Baker (ULB), vient d’obtenir un deuxième financement par le FNRS. Le premier financement a abouti, entre autres, à deux publications de grande envergure : le premier volume de l’édition intégrale est paru en 2017, à la Société des Anciens Textes Français (en deux tomes) ; les actes du colloque qui s’est tenu à Louvain-la-Neuve et Bruxelles en décembre 2018 viennent de paraître chez Garnier. Ce deuxième financement permettra surtout à Pauline Otzenberger, qui a été accueillie dans l’équipe en 2018 et qui a déjà apporté sa contribution au deuxième volume cité, de mener à bien sa thèse consacrée à certains aspects de la réception du texte.

Pour rappel, l’Ovide moralisé est l’adaptation en français des Métamorphoses d’Ovide. Autour de 1320, l’auteur anonyme, un savant franciscain, a traduit les mythes en octosyllabes à rime plate et a accompagné la narration de longues et complexes explications selon la technique de l’exégèse biblique – souvent il est possible de distinguer entre une lecture historique, ou évhémériste, une lecture allégorique, morale et anagogique. Le texte est conservé par 22 manuscrits qui présentent des différences notables tant au niveau du texte – déplacement ou suppression des allégories, réécriture de certaines sections – qu’au niveau du paratexte : ajout de gloses marginales en latin et en français, ajout de rubriques, de titres courants, de miniatures, d’un nouveau système de repérage qui oriente la lecture. Au XVe siècle, le texte fait l’objet de deux opérations de réécriture et de mises en prose. La deuxième de ces mises en prose, réalisée à la cour de Bourgogne connaît ensuite un succès important et durable dans le monde de l’imprimerie.

Pauline Otzenberger a décidé de valoriser tout particulièrement une version réalisée par le célèbre imprimeur brugeois Colard Mansion en 1484, ainsi que l’unique témoin de la première réécriture. Celle-ci, loin de se contenter d’un travail de résumé dans lequel on pourrait avoir tendance à l’enfermer, offre une toute nouvelle lecture de l’œuvre à travers des choix narratifs parfois éloignés du texte source, mais toujours construits selon un dessein global réfléchi et minutieusement respecté.

Concernant l’incunable brugeois, les études réalisées jusqu’ici considèrent que Colard Mansion se contente essentiellement de reprendre et d’imprimer la version bourguignonne en la faisant précéder d’un autre texte : la version française du De Formis Figurisque Deorum de Pierre Bersuire. En réalité, les recherches de Pauline Otzenberger montrent que son rôle est beaucoup plus complexe et se rapproche de celui du compilateur, car il porte à contribution d’autres textes indépendants de la tradition ovidienne.