Bâtir des cités résilientes grâce à l’archéologie

Le projet OsTIUM, vise à comprendre comment la ville antique d’Ostie a pu exister durant plus d’un millénaire dans un environnement hostile. Objectif : comprendre la robustesse de la cité romaine pour bâtir des sociétés contemporaines plus résilientes.

Comment l’archéologie peut-elle aider notre société à devenir plus résiliente face aux bouleversements contemporains ? C’est le sens d’OsTIUM, grand projet de fouilles archéologiques porté par l’UCLouvain (prof. Marco Cavalieri) et l’UNamur (prof. Julian Richard). OsTIUM vise à comprendre, à travers l'étude de la ville antique d'Ostie, comment, avec quels moyens et dans quel but l'humanité a transformé son espace urbain pour l'adapter à ses besoins aux ressources disponibles et aux contingences historiques. Et Ostie est le terrain de recherche idéal.

« Ostie était un endroit stratégique, situé à l’embouchure du Tibre et le long de la mer. C’était le port où passaient toutes les marchandises entrantes à Rome », explique Marco Cavalieri, archéologue à l’UCLouvain et directeur de la mission de fouille. Mais c’était aussi un endroit difficile à vivre, avec son lot d’inondations, de tsunamis, de séismes, d’épidémies… Malgré ce cadre hostile, Ostie existe durant plus de 1000 ans, se transformant au gré des événements positifs ou négatifs. La ville meurt après la chute de l’empire romain.

Ostie, un cadre exceptionnel de recherche

le site archéologique d'Ostie est l'un des plus célèbres du monde romain, en raison de son état de conservation exceptionnel et de son extension considérable, avec plus de 34 hectares de superficie fouillée. La ville antique s’étendait sur plus de 100 ha. C’est la seule ville romaine dont on connaît presque entièrement le plan, avec son système de rues, ses édifices publics, religieux, commerciaux et résidentiels et ses deux bassins portuaires, considérés comme le plus grand port de l'Antiquité. Tout cela fait d'Ostie l'un des sites archéologiques les plus importants d'Italie et du monde, non seulement pour son extension et son état de conservation, mais aussi pour la possibilité d'étudier l'évolution d'une ville romaine à travers une très longue période de temps.

Dans toutes les situations, la ville et sa population ont fait preuve d'adaptabilité et de robustesse. « Cette ville résiliente, nous avons voulu l’étudier à l’aune d’un contexte mondial de transformations et où l’on doit trouver de nouvelles manières de vivre, plus résilientes. » Et certaines réponses à des problématiques contemporaines se trouvent peut-être sous les vieilles pierres d’Ostie. « Par exemple, la gestion des déchets : c’est un problème pour toutes les grandes villes, comme Rome. Au fil du temps, Ostie a été capable de les recycler. »

Redessiner la vie quotidienne et revoir des idées préconçues

Concrètement, l’équipe d’archéologues a reçu l’autorisation de la part du Ministère de la Culture d’Italie de fouiller durant trois ans un îlot de près de 2000 m², situé le long de la principale artère commerçante, le decumanus maximus de la ville. La première période de fouilles vient de s’achever et s’est révélée enrichissante. « Nous avons mis au jour un ensemble d’éléments qui nous permettent de reconstituer la vie au quotidien du Ier au VIe siècle. Ces détails nous ouvrent de nouvelles perspectives et contredisent certaines idées préconçues, comme celle qu’Ostie était une ville partout en bon état au IVe siècle. En réalité, on trouve des maisons luxueuses à côté d’autres abandonnées, des nécropoles à côté de lieux de résidence…Ces fouilles nous donnent une image de la ville totalement différente. »

La prochaine période de fouilles aura lieu l’été prochain. L’objectif sera de remonter plus loin dans le temps et de tenter de retracer la vie d’Ostie avant le Ier siècle. D’ici là, l’équipe de recherche répertoriera et analysera les découvertes exhumées qui permettront de mieux connaître Ostie, mais pas que : « connaître Ostie, c’est connaître Rome », conclut Marco Cavalieri. Et connaître Rome, c’est connaître une civilisation apte à se transformer pour durer dans le temps.

Un projet interdisciplinaire

OsTIUM est une Action de Recherche Concertée (ARC), soit un projet de recherche collaboratif de grande envergure (60 mois), visant la valorisation économique et sociale des résultats de recherche et encourageant une approche de recherche interdisciplinaire. Pour étudier la résilience urbaine de l’antique ville d’Ostie, OsTIUM combine l’archéologie, l’économie et l’architecture. Ces trois disciplines doivent permettre d’explorer les dynamiques historiques, sociales, économiques, architecturales et urbaines à l'origine des transformations d'Ostie et de sa population.

Les partenaires du projet OsTIUM sont l’UCLouvain (instituts de recherche INCAL, LIDAM et faculté d’architecture LOCI), l’UNamur et la Fédération Wallonie-Bruxelles, via un financement du FNRS. La recherche se clôturera en 2026.

Pour en savoir plus : https://www.ostium-arc.be/

 

Publié le 11 août 2023