Covid-19: méfiance envers les médias et les experts

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Depuis le début de la pandémie, les belges francophones ont modifié leur façon de s’informer sur le Covid-19. Une partie de la population consulte moins les médias traditionnels et la confiance envers les experts scientifiques diminue. Les informations circulent davantage via les réseaux sociaux avec un risque de mésinformation. Des chercheurs en communication de l’UCLouvain mettent en évidence l’augmentation de l’infodémie depuis un an. La vulnérabilité informationnelle qui en découle impacte le suivi des mesures sanitaires, l’adhésion à la vaccination et la perception de la crise.

Qu’est-ce que l’infodémie ? « C’est un flux massif d’informations (vraies ou fausses) sur le Covid-19 diffusées très rapidement notamment via les réseaux sociaux et qui sont parfois difficiles à gérer pour les individus », explique Grégoire Lits, chercheur au sein de l’Institut de recherche Langage et Communication de l’UCLouvain. Avec son équipe, il a étudié l’évolution de ce phénomène en Belgique francophone sur une année (mai 2020-mars 2021). Le constat est clair : l’infodémie a augmenté et les pratiques d’information de la population a évolué au cours de la crise. 28,9 % des répondants à l’enquête expriment aujourd’hui leur incapacité à s’informer correctement. Ce chiffre s’élevait à 12,4% au début de l’épidémie. Par ailleurs, le niveau de confiance dans les médias traditionnels a fortement diminué. La défiance touche l’ensemble des médias d’information mais surtout les experts scientifiques et les politiques.

Vulnérabilité informationnelle

Durant la pandémie, une partie de la population s’est informée de plus en plus sur les réseaux sociaux avec le danger de voir circuler de fausses informations et des théories complotistes. Qui sont les individus les plus à risque de mésinformation ? Dans le rapport qu’ils viennent de publier, les experts identifient 4 profils de vulnérabilité: la faible vulnérabilité, la vulnérabilité intermédiaire caractérisée par le fait d’éviter de s’informer, la « boulimie infodémique » (personnes qui n’ont pas confiance dans les médias traditionnels mais qui s’informent beaucoup via des sources différentes) et enfin la forte vulnérabilité (personnes qui s’informent peu via les médias traditionnels dans lesquels elles n’ont pas confiance et consultent principalement les réseaux sociaux). Les individus qui appartiennent à ces deux derniers groupes sont les plus susceptibles d’hésiter à se faire vacciner et de croire en des théories conspirationnistes. Le nombre d’hésitants à la vaccination a également augmenté au fil de la crise parmi les personnes qui s’informent via des groupes Facebook liés au sujet du Coronavirus. « La recherche active d’informations concernant la crise sanitaire sur les réseaux sociaux peut être considérée comme une pratique à risque dans l’épidémie » constate l’expert.

Communication ciblée

Comment communiquer efficacement vers ces publics afin d’augmenter les niveaux d’adhésion à la vaccination et lutter contre l’infodémie ? « Il semble important de développer des stratégies de communication ciblées pour chaque groupe », explique Grégoire Lits. « Privilégier par exemple le contact et l’interaction directe avec des professionnels de la santé et des proches, partager des informations valides sur les réseaux sociaux, ou encore publier sur des blogs des articles rédigés par des experts en épidémiologie ou virologie ». Diffuser des messages en dehors des médias traditionnels pourrait avoir un impact plus important auprès de celles et ceux qui ne font plus confiance aux sources d’information classiques et officielles. Le contexte médiatique belge francophone a changé, c’est indéniable. « Si la vulnérabilité informationnelle de la population se confirme dans le temps, elle pourrait rendre les médias moins résistants à la diffusion de mauvaises informations. Ce phénomène risquerait d’avoir des conséquences politiques à long terme, au-delà de la crise du Covid-19, sur le fonctionnement de la démocratie dans son ensemble ». 

Découvrir la recherche

À écouter aussi : Capito! le podcast qui aide à comprendre le complotisme avec Grégoire Lits.

Publié le 04 juin 2021