Du cannabis pour dépolluer les sols d’Europe ?

chanvre

On estime qu’en Europe, environ 137 000 km²* de terres agricoles sont contaminées à des degrés divers par les métaux lourds. Des terres qui ne peuvent dès lors plus être utilisées qu’à des fins de production non alimentaires. Des chercheur.e.s de l’UCLouvain explorent la piste prometteuse de l’utilisation du cannabis pour relever les défis que cette problématique soulève!

Plante largement utilisée par l’homme depuis plus de 10.000 ans, le cannabis ou le chanvre, a mauvaise presse depuis quelques décennies et sa culture est interdite dans de nombreux pays. En cause ? Les effets addictifs et néfastes sur le cerveau des jeunes qui en font un usage psychotrope récréatif régulier.

Et pourtant, cette plante, dont il existe de nombreuses variétés sans effets psychotropes, a des qualités indéniables et pourrait rendre encore de précieux services à nos sociétés. C’est là-dessus que se concentrent les travaux de Marie Luyckx, doctorante au sein du groupe de recherche en Physiologie végétale, dirigé par le Professeur Stanley Lutts, du Earth and Life Institute. Parmi les aspects particulièrement intéressant du chanvre on compte :

  • sa capacité à extraire les métaux lourds du sol
  • ses tiges, sources de fibres utilisées dans l’industrie du textile ou de la construction
  • ses fleurs qui contiennent des substances, les cannabinoïdes, d’intérêts pharmaceutiques divers

Tournés vers les problématiques environnementales, dont l’utilisation des plantes pour la gestion des sols contaminés par les métaux lourds (phytoremédiation), les chercheurs de l’UCLouvain ont commencé par investiguer les deux premiers aspects. Une approche originale, avec comme question et hypothèse de départ : peut-on utiliser le chanvre pour dépolluer des sols contaminés en métaux lourds tout en permettant de produire des fibres de qualité ? Avec un triple avantage si les recherches s’avèrent concluantes :

  • dépolluer des sols agricoles, contaminés aux métaux lourds (cadmium, zinc, plomb…) largués directement dans les sols ou dans l’atmosphère par des sites industriels ou une utilisation excessive de fertilisants
  • maintenir la productivité de sols impropres à des cultures à visée alimentaire
  • et, enfin, assurer un couvert végétal sur ces terres nues et éviter ainsi l’érosion des sols par l’eau ou le vent et donc la pollution des cours d’eau et terres adjacentes.

Pour mener à bien ses investigations, Marie Luyckx a développé des projets et expériences avec deux partenaires, l’ISA Lille et l’Université du Luxembourg. La première étape de ses recherches doctorales a permis de conclure que le chanvre est bel et bien une plante capable de tolérer la contamination aux métaux lourds et qu’elle met en place des stratégies des résistance face à un environnement pollué. La seconde étape consistait à vérifier sa capacité d’accumulation des métaux lourds. « Nous avons pu constater que le chanvre accumule les métaux lourds dans ses parties aériennes à des taux qui sont très intéressants », explique Marie Luyckx. Enfin, les fibres de ces plantes « contaminées » ont été analysées et les résultats montrent que leurs propriétés mécaniques ne sont pas altérées par la présence des métaux lourds. « Ces fibres pourraient donc continuer à être valorisées dans l’industrie de la construction ou du textile, en fonction des normes Oeko-tex fixées et/ou de traitement associés pour éviter que les métaux lourds ne soient libérés par la suite ».

Enfin, les chercheurs UCLouvain vont également lancer prochainement des recherches concernant les fleurs du chanvre. Celles-ci contiennent les cannabinoïdes qui font de plus en plus parler d’eux dans le secteur pharmaceutique. Les fleurs des plantes - qui auront poussé sur des sols pollués et accumulé des métaux lourds dans leurs parties aérienne - seront-elles saines et exploitables pour en tirer des cannabinoïdes à usage thérapeutique ? Les chercheurs ont de bonnes raisons de croire que oui mais les recherches le confirmeront. Suite au prochain épisode….

*Tóth, G., Hermann, T., Da Silva, M. R., & Montanarella, L. (2016). Heavy metals in agricultural soils of the European Union with implications for food safety. Environment international, 88, 299309.

Sanisol, pour un potager santé !

Toujours autour de la pollution des sols par les métaux lourds mais cette fois en lien avec nos potagers, des chercheurs de l’UCLouvain ont développé un outil permettant à chacun de faire analyser et dépolluer son sol avant d’entreprendre d’y faire pousser ses légumes. Car, à quoi bon déployer toute l’énergie nécessaire à faire pousser ses propres légumes, si c’est pour qu’ils soient au bout du compte moins bon pour la santé que ceux de la grande distribution ?
La pratique du jardinage est en recrudescence et elle démontre plusieurs bienfaits physiques, sociaux et psychiques. Cependant, l’autoproduction en jardins collectifs ou privatifs se heurte aux interrogations grandissantes quant aux risques sanitaires liés à la pollution en métaux (arsenic, cadmium, mercure, plomb, zinc, etc.) relevée dans certains sols en Wallonie. C’est dans ce contexte que les partenaires du projet SANISOL ont mobilisé des compétences pluridisciplinaires en matière d’échantillonnage et d’analyses de sols et de légumes ainsi que de biomonitoring avec prélèvements d’échantillons biologiques (cheveux, sang, urine.  L’outil Sanisol vous offre ainsi la possibilité de faire analyser vos échantillons de terre ou vos légumes afin d’en avoir le cœur net. Vous trouverez également tout un tas de recommandations pour préparer votre sol au mieux, pour cultiver malgré tout sur un sol pollué sans danger ou pour éviter de polluer votre terre sans le savoir ! A vos potagers, prêt ? Partez !

 

Coup d’œil sur le parcours de Marie Luyckx

Doctorante du Groupe de recherche en Physiologie végétale au Earth and Life Institute

D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Marie Luyckx a toujours été passionnée par les Sciences. Pour elle, la biologie est un domaine fascinant où toute réponse obtenue suscite de nouvelles questions: de quoi nourrir sa curiosité insatiable! Le choix de la biologie végétale a été une évidence: le monde végétal est une composante essentielle de tous les écosystèmes, « il nous entoure, où que nous soyons, et nous y prêtons souvent trop peu d'attention ». Marie a toujours voulu se consacrer à la recherche de solutions aux problématiques environnementales majeures de notre époque, et surtout, que sa recherche puisse sortir du domaine théorique et avoir des applications concrètes. Le cannabis lui est apparu comme la solution idéale : combiner la remédiation de sols contaminés, avec la production d’une plante aux multiples voies de valorisation, rendant ainsi la phytoremédiation économiquement envisageable. Il faut également reconnaître qu’une plante avec un tel historique ne laisse personne indifférent ! D’ailleurs elle garde un souvenir marquant de ses premiers essais en serre : des étudiants s’arrêtaient, interloqués de voir des plants de cannabis dans les serres de l’université ! « Et que dire des essais de terrain, les voitures ralentissant pour prendre des photos de nos cultures ! ». Ce que Marie retiendra surtout de ses années de thèse, c’est la joie de pouvoir mener à bien son propre projet de recherche, et toutes les précieuses compétences acquises au contact de chercheurs aussi passionnés qu’elle.

La recherche de Marie sur le cannabis en 2 mots :

 

Publié le 24 juin 2021