Finance comportementale : de «l’homo economicus à l’homo sapiens»

La dernière publication de la revue Regards économiques, émanant de l'Institut de recherches économiques et sociales de l’UCL (Ires), s'est penchée sur la finance comportementale et l’impact de la psychologie sur les décisions des investisseurs.

«Trop longtemps, on a considéré les gens comme rationnels dans leur prise de décision. Mais les investisseurs peuvent commettre des erreurs aléatoires», explique Rudy de Winne (UCL), co-auteur de l’étude avec Catherine d’Hondt (UCL), dans le journal l’Echo. Ces comportements, considérés comme irrationnels au regard de la théorie financière classique, s’expliquent par l’influence de nombreux facteurs, notamment cognitifs et émotionnels, sur la prise de décision des investisseurs.

Ces facteurs, les experts de la finance comportementale les ont théorisés sous le nom de biais comportementaux, auxquels les individus seraient sujet. Les origines de ces biais sont multiples : le recours à des heuristiques, la sur-confiance et les mécanismes liés à l’estime de soi, les émotions et la maîtrise de soi, ou encore les interactions sociales. Ces différents phénomènes amènent parfois l’individu à poser des choix non rationnels d’un point de vue économique.

Cette propension est particulièrement présente chez l’investisseur à cause des caractéristiques des décisions auxquels il est confronté. En effet, ces décisions impliquent souvent des instruments financiers complexes par nature ainsi qu’un arbitrage entre le présent et le futur. De plus, les décisions financières nécessitent fréquemment de pouvoir évaluer le risque inhérent à celles-ci.

Les biais comportementaux les plus susceptibles de conduire l’investisseur à une gestion sous-optimale de son portefeuille d’actifs sont

  • le biais de représentativité qui peut se manifester par une tendance à acheter les titres dont les prix augmentent,
  • le biais de disponibilité qui peut amener l’investisseur à surestimer la probabilité d’une prochaine crise,
  • le biais de familiarité qui le pousse à privilégier les titres qui lui sont les plus familiers,
  • le biais de disposition qui amène l’investisseur à réaliser ses plus-values trop rapidement et à ne pas couper ses pertes assez vite,
  • le biais de sur-confiance qui le pousse à traiter des volumes importants et trop fréquemment.

Ces exemples révèlent à quel point le comportement des investisseurs, qu’ils soient individuels ou professionnels, est influencé par un mélange complexe d’heuristiques et d’émotions, qui peut lui-même être affecté par certains facteurs individuels et collectifs.

L’éclairage de la finance comportementale permet, expliquent les auteurs, de mieux comprendre les points faibles des décisionnaires afin de leur éviter les pièges que peuvent représenter leurs intuitions, leurs heuristiques, leurs émotions ou leurs excès de confiance. La finance comportementale nous invite ainsi à passer de l’«homo economicus» imaginé par la théorie financière classique à l’«homo sapiens» que nous sommes en réalité...

Publié le 21 mars 2017