Ion man : plongée au tréfonds des plasmas

Cela semblait impossible et pourtant il l’a fait ! Matthieu Génévriez est parvenu à observer des états de Rydberg au sein des ions moléculaires, ces particules chargées qui sont un des composants du plasma. De quoi mieux comprendre le comportement de ce quatrième état de la matière, présent dans les couches externes entourant les planètes et les étoiles.

Dans les couches les plus lointaines de l’atmosphère ou les plus externes du soleil, on retrouve du plasma. Observable sur Terre sous forme de foudre, d’étoile filante ou encore d’aurore boréale, ce quatrième état de la matière au côté des états solides, liquides et gazeux, est composé majoritairement de particules chargées (positivement ou négativement). Il intéresse les astrophysiciens qui tentent d’en comprendre le comportement afin de le modéliser et de pouvoir faire des prédictions. Pour ce faire, il est nécessaire de d’abord comprendre le comportement des particules qui les composent, les ions, et plus particulièrement leur structure et leur réactivité. Soit par exemple leur capacité à entrer en collision et/ou à s’assembler les uns avec les autres.

Après un doctorat en physique atomique et moléculaire à l’UCLouvain, Matthieu Génévriez a rejoint l’ETH de Zürich pour un post-doctorat. Là, il s’est intéressé plus particulièrement aux états de Rydberg des ions moléculaires. Aux quoi ?! « Les états de Rydberg sont des états où une molécule ou un atome possède un électron hautement excité qui passe son temps loin du centre de la molécule ou de l’atome ». Ces états sont connus à l’échelle de l’atome et de la molécule neutre mais l’étaient encore très mal pour les ions moléculaires, c’est-à-dire les molécules chargées telles que celle qu’on trouve au sein des plasmas. Mais c’était sans compter sur Matthieu Génévriez qui s’est mis sur le coup : « Ils sont en effet difficiles à observer pour ces ions moléculaires et nous avons cherché à savoir comment les observer et les caractériser ». Pour ce faire, le jeune chercheur a développé une nouvelle technique. Ou plutôt, il a détourné l’utilisation d’une technique existante pour relever son défi ! « Nous avons utilisé le contrôle quantique par laser. Cette technique est à priori utilisée pour contrôler les résultats d’une réaction chimique. Ici nous l’avons utilisée pour observer les états de Rydberg au sein des ions moléculaires ».

Résultat : Dans une étude publiée dans Physical Review, Matthieu Génévriez et ses collègues ont démontré que :

  • les états de Rydberg sont bien présents dans les ions moléculaires,
  • il est possible de les observer et de les caractériser grâce à la technique qu’ils ont développée
  • ces états donnent des informations sur la réactivité des ions dans le plasma
  • les ions moléculaires excités dans un état de Rydberg ont tendance à casser très vite car la charge positive a tendance à sauter d’un atome à l’autre

L’excellence de ces travaux n’a pas échappé aux éditeurs de Physics, le magazine de l’American Physical Society, qui en a fait sa couverture.  Celui-ci met en valeur quelques publications scientifiques par an dont la qualité des résultats est jugée exceptionnelle et qui "va changer le cours de la recherche, inspirer une nouvelle façon de penser ou attiser la curiosité ». Très peu de publications sont sélectionnées par an et leur apparition dans Physics permet une diffusion très large des résultats dans toute la communauté des physiciens.

Aujourd’hui, de retour à l’UCLouvain avec cette nouvelle expertise, le professeur de la faculté des sciences va utiliser la technique du contrôle quantique pour déceler les états de Rydberg au sein d’ions moléculaires d’intérêts.  Comme dans le CO2+ - qui se trouve dans les couches les plus externes de l’atmosphère –, le diazote (N2+), l’oxygène (O2+) ou encore l’hélium (He2+).

Publié le 09 novembre 2021