L’antioxydant manquant

Une équipe de chercheurs de l’UCL a récemment découvert la fonction de Nit1, une enzyme de réparation métabolique. Si elle venait à manquer, elle pourrait être à l’origine d’une maladie métabolique.  

Nos cellules utilisent l’oxygène pour brûler les sucres et les graisses afin de fabriquer l’ATP, l’énergie dont elles ont besoin pour fonctionner. « C’est le côté positif de l’oxygène ! » commente le Pr Émile Van Schaftingen, professeur de biochimie à l’UCL. « Mais il y a un inconvénient : l’oxygène est très réactionnel et il a tendance à abîmer certaines molécules et protéines dans nos cellules. C’est ce qu’on appelle le stress oxydatif. »

La cystéine, un précieux antioxydant

Il existe des substances antioxydantes qui luttent contre les méfaits de l’oxygène. Le glutathion en est une. Cette molécule, abondante dans nos cellules, contient de la cystéine. « La cystéine est le principe actif du glutathion ; c’est elle qui a une action antioxydante », explique le Pr Van Schaftingen. « Et comme notre corps ne peut virtuellement pas fabriquer lui-même la cystéine, il est essentiel de ne pas la gaspiller… »

Or, il arrive que les enzymes, autres substances qui travaillent dans nos cellules, se trompent de cible et modifient inopinément le glutathion… qui devient inopérant, inutile. De tels métabolites anormaux peuvent être nocifs pour l’organisme, surtout s’ils s’accumulent (1). Il faut donc s’en débarrasser.

La mission recyclage de Nit1

Notre corps a deux façons de traiter les déchets : soit il les jette et les évacue (par les urines ou les selles, par exemple), soit il les recycle pour en faire quelque chose d’utile. Dans le cas du glutathion abîmé, c’est normalement la seconde option qui prévaut : le recyclage ! « Nous avons découvert que Nit1, une enzyme de réparation métabolique, sert à découper un premier morceau du glutathion abîmé pour en récupérer la précieuse cystéine », explique le Pr Van Schaftingen. « Un peu comme un mécanicien qui démonte un moteur cassé pour en récupérer des pièces détachées encore utiles ! »

La fonction de Nit1 a été découverte grâce à des études d’abord réalisées sur l’enzyme Nit1, purifiée par 2 membres de l’équipe du Pr Van Schaftingen : le Pr Alessio Peracchi, de l’université de Parme, en séjour sabbatique à l’UCL, et le Dr Maria Veiga da Cunha. Ces chercheurs ont ensuite confirmé leur hypothèse sur le rôle de Nit1 en analysant les urines de souris génétiquement modifiées, qui ne possédaient pas cette enzyme. « Ces urines contiennent du glutathion abîmé, encore pourvu de sa précieuse cystéine », explique le Pr Van Schaftingen. « Or, il n’y en a pas dans les urines de souris normales ! Ce qui signifie que, sans l’enzyme Nit1, le recyclage du glutathion abimé ne s’effectue pas. »

Cette découverte a fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue américaine PNAS (2). Elle ouvre d’intéressantes perspectives.

Une maladie du glutathion abîmé ?

L’équipe du Pr Van Schaftingen étudie les « ratés » des enzymes du métabolisme et les mécanismes de réparation métabolique depuis une dizaine d’années. Leur hypothèse de départ (qui a été vérifiée) : si une enzyme de réparation métabolique fait défaut, à cause de mutations dans le gène qui l’encode, une maladie métabolique peut en découler.

En théorie, le traitement d’une telle maladie consisterait à pallier la déficience enzymatique. Par exemple, en administrant au patient l’enzyme qui lui manque ou le gène qui la code. Dans le cas qui nous intéresse ici, cependant, plusieurs faits doivent d’abord être établis. « Premièrement, nous devons découvrir si une déficience enzymatique en Nit1 est possible et existe chez l’homme », explique le Pr Van Schaftingen. « Deuxièmement, même s’il est probable qu’elle existe, il faut encore déterminer quels sont les symptômes qui résultent d’une déficience enzymatique en Nit1. En Occident, les apports alimentaires en cystéine sont généralement suffisants. Par contre, dans certaines régions du monde, où les gens manquent de protéines (3), il est possible que les apports en cystéine soient insuffisants. Une déficience enzymatique en Nit1 accentuerait une carence en cystéine. Ce qui engendrerait sans doute des symptômes. » L’avenir dira s’il existe des patients souffrant de cette affection…

Candice Leblanc

 

***notes***

(1) Voir l’article « Enzymes et maladies métaboliques »

(2) Peracchi, Veiga da Cunha et al., « Nit1 is a metabolite repair enzyme that hydrolyzes deaminated glutathione », PNAS, mars 2017.

(3) Les apports en cystéine proviennent principalement des protéines animales.

 

Coup d'oeil sur la bio d’Émile Van Schaftingen

Emile Van Schaftingen

1978                        Diplôme de docteur en médecine (UCL)

1978-1985              Thèse d’agrégation à l’Institut de Duve (UCL)

1985-1995              Chercheur qualifié du FNRS

1986-1987              Postdoctorat au National Institutes of Health (Bethesda, Maryland, USA)

Depuis 1987           Direction d’un groupe de recherche au sein de l’Institut de Duve

1992                        Lauréat du Prix Minkowski

Depuis 1995           Professeur de biochimie à la Faculté de médecine de l’UCL

2003                        Lauréat du Prix van Gysel

Depuis 2004          Directeur de l’Institut de Duve AISBL

 

Les recherches du Pr Van Schaftingen ont été principalement financées par WELBIO, le FNRS, l’UCL, la Fondation contre le Cancer et le mécénat de l’Institut De Duve.

Publié le 11 mai 2017