Des scientifiques de l’UCLouvain ont analysé les conséquences du culte de l’enfant au sein des familles et des écoles. Les résultats montrent qu’outre qu’il provoque anxiété, narcissisme et problèmes physiques chez l’enfant et épuisement chez les parents, ce culte constitue une menace pour nos sociétés démocratiques.
Alors qu’il a été négligé, voire méprisé, pendant des siècles, l’enfant est de nos jours chéri et protégé. Ce phénomène, appelé le « culte de l’enfant » ou, poussé à son extrême, « enfant roi », s’est accompagné d’un changement des pratiques éducatives au sein de nombreuses familles et écoles : il s’agit aujourd’hui de respecter chacun de leurs besoins, d’être attentif à leur bien-être, de diminuer les exigences et de les protéger de tout éventuel danger.
Une équipe de scientifiques de la Faculté de psychologie et de l’éducation de l’UCLouvain - Serge Dupont, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak -, a examiné, d’un point de vue historique, cette évolution des représentations associées à l’enfance. L’objectif était d’examiner les changements des pratiques éducatives au sein des familles et des écoles et d’analyser, en s’appuyant sur plusieurs études empiriques en psychologie, les conséquences de ce culte. Les résultats sont publiés dans la revue scientifique Social Sciences.
Narcissisme
Si cette volonté de protéger l’intérêt supérieur des enfants a engendré de nombreux bénéfices - plus de reconnaissance de leurs droits et moins de violence à leur égard -, les scientifiques UCLouvain ont également identifié de possibles conséquences négatives. Les enfants objets de ce culte risquent en effet de pâtir de problèmes de santé mentale (symptômes dépressifs et anxiété) et physique (risques d’obésité), de devenir plus narcissiques et moins matures et de développer moins de compétences cognitives. Les adultes risquent en outre de s’épuiser toujours plus dans leur volonté de se rapprocher des besoins et intérêts des enfants.
Plus inattendu, les scientifiques soulignent que nos sociétés démocratiques sont menacées par ce culte dans la mesure où ces pratiques éducatives produisent des individus très éloignés d’un idéal de citoyenneté à la hauteur des enjeux politiques, économiques et écologiques de notre époque. Par exemple, le narcissisme induit par le culte ôte aux enfants leur esprit critique et leur capacité à privilégier l’intérêt général. Un enfant individualiste ou avec moins de compétences cognitives éprouvera des difficultés à s’engager pour la cause climatique par exemple (laquelle nécessite une part de sacrifice, d’aller au-delà de son intérêt personnel).
En conclusion, l’équipe de l’UCLouvain, préconise un nouvel équilibre dans l’éducation des enfants en ne restant plus fixé sur les bénéfices à court terme mais en prenant également en compte les perspectives à long terme en lien avec un idéal de citoyenneté. En d’autres termes, de considérer, outre les besoins des enfants, ceux des autres et du monde. L’éducation doit combiner une discipline ferme et juste avec de la bienveillance et laisser les enfants respirer, vivre des expériences et surmonter des épreuves sans la présence parfois étouffante des parents.