La réserve précieuse à l’ère numérique

Grâce à un scanner ultra performant, l’UCLouvain a numérisé une collection exceptionnelle de plus de 700 imprimés des 16e et 17e siècles. Les documents juridiques et politiques conservés dans la réserve précieuse des bibliothèques de l'université sont désormais accessibles en ligne aux scientifiques. Le projet baptisé Imprim@Lex témoigne d’une conversion digitale exemplaire. En route vers l’Open Science !

La réserve précieuse de l’UCLouvain regorge d’ouvrages anciens d’une valeur inestimable. Ils sont gardés précautionneusement dans un lieu quasi secret. Parmi ces trésors, une collection composée de 733 imprimés datant des 16e et 17e siècles. Des actes législatifs, les premières ordonnances imprimées modernes, des pamphlets politiques, etc. Ces objets étaient alors des instruments de communication politique. « Les imprimés que nous avons scannés sont non seulement des témoins uniques du savoir-faire de l’époque en matière de typographie mais ils nous apprennent aussi beaucoup sur la façon dont les gouvernants communiquaient avec les gouvernés durant cette période. Sur les 733 objets de la collection, plus de 500 sont des lois uniquement prises pour les territoires de la Belgique actuelle », explique Nicolas Simon, attaché scientifique à l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et collaborateur scientifique UCLouvain.

Voyage dans le temps

La collection scientifique révèle également un grand intérêt historique pour le patrimoine juridique belge. « Ces imprimés nous permettent de comprendre comment le droit et la justice se sont construits dans la durée, en même temps que l’Etat, ajoute Xavier Rousseaux, directeurdu Centre d’histoire du droit et de la justice de l’UCLouvain. « L’Université de Louvain qui aura 600 ans en 2025 existait à l’époque où ces textes ont été produits mais pas l’Etat belge. Ce sont des pépites qui témoignent d’une continuité dans les préoccupations des chercheur·es et des professeur·es de l’université dont certain·es sont cité·es dans ces textes législatifs. C’est un véritable voyage dans le temps. Les ordonnances criminelles du Duc d’Albe par exemple permettent une évocation de la justice telle qu’elle était pensée en 1570. Certaines mesures de l’époque sont aujourd’hui choquantes, comme la torture ou la peine de mort. Que serait-il arrivé au citoyen au temps du Duc d’Albe s’il n’avait pas porté son masque ? » questionne l’expert avec un brin d’humour.

Transition numérique exemplaire

Le patrimoine documentaire jusqu’ici préservé dans la réserve précieuse nous plonge dans l’ancien temps, plus que les murs de l’université qui date du Moyen âge. Grâce au soutien du FNRS, la numérisation a été réalisée en très haute définition. Les documents d’époque sont désormais accessibles à toutes et tous, même s’il s’agit en priorité d’un outil moderne destiné à la recherche scientifique. « Sur notre vitrine numérique « DIAL.num », nous avons développé et mis en ligne des outils qui permettent une manipulation des images la plus performante possible », explique Emilie Vilcot, conservatrice à la réserve précieuse de l’UCLouvain. Dans ce projet, chacun a apporté son expertise. « Cette mise en commun des savoirs et des compétences est très riche. En tant que bibliothécaires, nos métiers évoluent. Nous devons maîtriser les standards de métadonnées numériques notamment. Pour nous, le travail avec les chercheur·es et les professeur·es est absolument indispensable. En tant que responsable de la réserve précieuse, je suis spécialisée dans certains domaines et j’ai des connaissances sur des époques et des thématiques spécifiques mais je ne suis pas scientifiquement experte sur le contenu des documents. La collaboration avec les entités de recherche est une plus-value énorme pour moi ». Tout comme l’expertise des bibliothécaires est un atout indéniable pour le travail des scientifiques.

A l’heure actuelle, les bibliothèques ne sont plus considérées uniquement comme des endroits où l’on conserve des livres. Elles s’ouvrent et évoluent. « Quand Gutenberg inventa l’imprimerie au 15e siècle, c’était une révolution pour les gens. L’information allait être diffusée de façon mécanique. Aujourd’hui, nous vivons une autre révolution, numérique cette fois. Elle nous impose de nouvelles manières de faire, commente Xavier Rousseaux. « Nous innovons dans la façon d’approcher les ouvrages afin de partager les savoirs avec le plus grand nombre de personnes, les scientifiques du monde entier mais aussi un public plus large sans oublier les étudiants ». En modernisant la gestion de son patrimoine, L’UCLouvain se tourne résolument vers l’avenir et participe indéniablement au courant de l’Open Science. Lamondialisation des connaissances est d’ailleurs une des priorités de l’Université mentionnées dans son plan stratégique 2021-2025 à l’horizon de son 600ième anniversaire.

La réserve précieuse des bibliothèques UCLouvain

Le saviez-vous ? Sous les pavés de Louvain-la-Neuve, entre la Grand place et la place du Cardinal Mercier s'étendent, sur 3 étages, 8600 m² d'espaces préservés où reposent plus d'un million de documents. La grande réserve des bibliothèques de l'UCLouvain accueille des publications transférées par toutes les bibliothèques de l’université pour assurer leur conservation pérenne. Au cœur de ces espaces, la réserve précieuse rassemble les ouvrages les plus anciens et rares: incunables, manuscrits orientaux, livres imprimés occidentaux et asiatiques des débuts de l'imprimerie jusqu'à nos jours, atlas ou encore cartes anciennes de nos régions et du vaste monde.

Photo: Des imprimés anciens numérisés grâce à un scanner de pointe.

Publié le 30 septembre 2021