La science démystifiée sur YouTube

Connaissez-vous la pratique du débunkage? La démarche consiste à démystifier une information jugée problématique ou trompeuse. Des youtubeurs et youtubeuses utilisent ce procédé pour lutter contre la désinformation et développer l’esprit critique. Monica Baur, doctorante en communication à l’UCLouvain a analysé le phénomène quelle considère comme une pratique de vulgarisation scientifique.

Les vidéos sur YouTube connaissent un succès indéniable. Les usagers de la plateforme numérique peuvent y produire et y diffuser leurs propres contenus, dans tous les domaines. La pratique comporte des risques. Lesquels ? La désinformation ou la propagation d’informations approximatives voire volontairement trompeuses. Dans ce contexte de démocratisation des connaissances et de liberté de création, Monica Baur, chercheuse à l’Institut Langage et Communication de l’UCLouvains’est intéressée à la lutte contre la désinformation spécifiquement sur la chaîne YouTube. L’experte a analysé les pratiques de vulgarisation des vidéastes qui visent à éveiller le sens critique du public. Elle a identifié un procédé particulier appelé le débunkage. D’où provient ce terme ? L’expression vient de l’anglais debunk, qui signifie « discréditer (une théorie), dévoiler ou révéler (un mensonge), briser (un mythe) ». La traduction française pourrait être « démystifier ». La littérature scientifique ne propose pas de définition précise. Un membre de la chaîne YouTube de vulgarisation « La Tronche en biais » donne cette explication du néologisme: « le débunkage un exercice qui consiste à prendre des déclarations et à montrer en quoi elles sont erronées ou trompeuses ».

Stratégies de communication

La chercheuse s’est concentrée sur l’étude du film « La Révélation des Pyramides », uneproduction française de 2010 identifiée comme conspirationniste. Le film publié sur YouTube a engrangé près de 7 millions de vues, un franc succès.La diffusion a suscité de nombreuses réactions, notamment sous la forme de vidéos de débunkage. Monica Baur en a analysé cinq. « Mon objectif était de comprendre les stratégies communicationnelles de ces vidéastes vulgarisateurs dans un contexte où les internautes jouent un rôle important dans la validation des productions », explique l’experte. Son étude révèle plusieurs constats. Tout d’abord les créateurs et créatrices exploitent les mécanismes de la plateforme pour gagner de la visibilité face aux contenus de désinformation qu’ils ou elles dénoncent. Les vidéastes engagent le public qui, en tant que communauté, contribue à leur crédibilité. Ensuite, les vulgarisateurs et vulgarisatrices entretiennent un rapport de proximité avec les personnes qui les regardent en se présentant comme des gens ordinaires, sur un même pied d’égalité. Enfin les vidéastes apparaissent sous différents profils: vulgarisateur·ice, chercheur·euse, youtubeur·euse, journaliste ou internaute. « C’est leur réflexion, la mise en scène de la transparence de leur démarche intellectuelle et leur travail qui est mis en avant plus qu’une éventuelle légitimité scientifique liée à leur formation ».

Eduquer aux médias

La spécialise pointe finalement la double facette de la pratique du débunkage. Le message se construit généralement en réaction à des discours comme des théories du complot ou des interventions médiatiques. « La vulgarisation vise à la fois la transmission de connaissances et la communication de ce que devrait être notre rapport-même au savoir, à travers notamment la valorisation du développement de l’esprit critique. Les vidéastes sur YouTube veulent proposer des outils aux gens pour démystifier les contenus sur Internet en vérifiant, par exemple, la source d’une image ou l’identité d’un expert qui s’exprime ».

L’étude de Monica Baur a récemment été publiée dans la revue en ligne Communication de l’Université de Laval au Canada. La doctorante (FRESH-FNRS) poursuit actuellement ses recherches sur les pratiques de vulgarisation scientifique et culturelle à travers la vidéo YouTube et le podcast natif francophones non-institutionnalisés au sein de l’Institut Langage et Communication de l’UCLouvain.

Publié le 03 décembre 2021