L’intelligence artificielle accélère le développement des matériaux notamment dans les domaines de l’énergie et du développement durable. Mais, cela repose sur l’existence de bases de données qui de surcroît doivent se mettre au diapason pour décrire avec précision les propriétés des matériaux. La nouvelle version de la norme internationale OPTIMADE vise à établir des définitions communes.
Imaginez. Vous voulez réaliser un smoothie révolutionnaire aux propriétés détox. Chaque année de nouveaux « superaliments » sont répertoriés et vous avez bien l’intention d’en tirer le meilleur pour concevoir une toute nouvelle boisson santé et la proposer sur le marché. Vous avez bien en tête la texture, la saveur et les bienfaits sur la santé que vous voulez donner à ce smoothie. Mais pour le réaliser, vous devez surfer sur des dizaines de plateformes en lignes plus ou moins à jour, à peu près complètes et surtout avec chacune leur propre manière de définir et décrire les propriétés de ces nouveaux superaliments. Commence alors un travail véritable de fourmi pour recouper toutes les informations, tester chaque superaliment et pouvoir vous faire une idée précise de ceux que vous pourriez combiner pour obtenir votre boisson rêvée.
C’est (presque) exactement ce que vivent les chercheurs qui travaillent à la création de nouveaux matériaux pour les nouvelles technologies tels que les batteries, les cellules solaires, l’éclairage LED ou encore des matériaux biodégradables. Thomas Edison aurait ainsi testé plus de 3000 matériaux avant de mettre la main sur la fibre de bambou du Japon qui éclaira sa première ampoule.
Heureusement, depuis quelques années, les scientifiques peuvent compter sur l’aide de l’intelligence artificielle pour prédire les propriétés des nouveaux matériaux. Les données relatives à de nombreuses simulations sur des superordinateurs et les données générales sur les matériaux sont rassemblées dans de grandes bases de données. « Les chercheurs universitaires ou industriels qui souhaitent cartographier les matériaux à grande échelle ou former un modèle d'intelligence artificielle doivent extraire des informations de ces bases de données », explique Gian-Marco Rignanese, Professeur à l'Institut de la matière condensée et des nanosciences de l'UCLouvain. Et c’est là que le bât blesse : ces nombreuses bases de données, qui ont émergé de divers groupes et projets de recherche à travers le monde, fonctionnent différemment et utilisent souvent des propriétés définies de manière différente. « Une norme est donc nécessaire pour que les utilisateurs puissent communiquer avec toutes ces bibliothèques de données et comprendre les informations qu’ils reçoivent », poursuit Gian-Marco Rignanese.
La norme OPTIMADE (Open databases integration for materials design) a été développée au cours des huit dernières années. Cette norme repose sur un vaste réseau international* comprenant plus de 30 institutions dans le monde entier et de grandes bases de données sur les matériaux en Europe et aux États-Unis. L'objectif est de faciliter l'accès des utilisateurs aux bases de données sur les matériaux, qu'elles soient importantes ou moins connues. Avec la contribution de l’équipe du Professeur Rignanese, une nouvelle version de cette norme est en cours de publication et est décrite dans un article publié dans la revue Digital Discovery. L'un des principaux changements apportés par cette nouvelle version est l'amélioration considérable de la possibilité de décrire avec précision les différentes propriétés des matériaux et d'autres données à l'aide de définitions communes et bien fondées. Un travail qui devrait grandement faciliter la tâche des chercheurs en quête du bon cocktail pour la création de nouveaux matériaux à la hauteur des défis technologiques et environnementaux actuels.
* La collaboration internationale s'étend à l'UE, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Mexique, au Japon et à la Chine, avec des institutions telles que l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l'Université de Californie Berkeley, l'Université de Cambridge, l'Université Northwestern, l'Université Duke, l'Institut Paul Scherrer et l'Université Johns Hopkins. Une grande partie de la collaboration a lieu lors de réunions avec des ateliers annuels financés par le CECAM en Suisse, le premier ayant été financé par le Lorentz Center aux Pays-Bas. D'autres activités ont été soutenues par l'organisation Psi-k, le centre de compétence NCCR MARVEL, et le centre de recherche e-Science (SeRC) en Suède. Les chercheurs participant à la collaboration bénéficient du soutien de nombreux bailleurs de fonds.