Migration ukrainienne: quel impact sur l’économie?

accueil refugies

Plus de 5 millions de personnes ont fui l’Ukraine depuis le début de la guerre. Un flux migratoire inédit en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Quelles sont les potentielles conséquences économiques de cet exode? Le dernier numéro de Regards économiques se penche sur la question. Les expert·es soulignent le besoin d’une coordination européenne renforcée.

L’afflux massif de réfugié·es en provenance d’Ukraine est exceptionnel dans l’histoire européenne. Certaines sources prédisent un total de 10 millions de personnes concernées si la guerre perdure. Faut-il craindre des effets néfastes de cette migration sur notre économie ? Pas nécessairement, répond Jean-François Maystadt, professeur d’économie à la faculté ESPO et chercheur qualifié FNRS au sein du Louvain Institute of Data Analysis and Modelling in economics and statistics (LIDAM) de L’UCLouvain. « Les conséquences économiques seront probablement mineures ou positives, en particulier si l’Union européenne assure une responsabilité partagée entre états membres. Mais le processus d'intégration prendra du temps », commente l’expert. Explications.

Quelles sont les conséquences économiques possibles de cette migration?

« A moyen terme, les réfugiés ukrainiens peuvent contribuer positivement à notre économie. Il existe un consensus assez large parmi les économistes pour dire que la migration n’a pas les effets néfastes qu’on lui attribue que ce soit sur les finances publiques ou sur le marché du travail. Les migrants occupent souvent des métiers en pénurie par exemple dans le service aux personnes, les soins de santé ou la construction. Des études portant plus spécifiquement sur les réfugiés ou demandeurs d’asile aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suède ou dans les pays de l’OECD ont trouvé des effets similaires. De même, on estime à 1% du PIB l’apport de migrants sur les finances publiques ».

L’impact est-il rapide ?

« Ces effets ne se matérialisent pas immédiatement dans l'économie du pays d'accueil. Les réfugiés ont souvent vécu des traumatismes. Contrairement aux migrants économiques, ils sont souvent moins préparés. Cela se traduit par des difficultés à maîtriser la langue du pays de destination ou par un manque de compétences spécifiques pour intégrer rapidement son marché du travail. A court terme, d’énormes efforts doivent être consentis pour favoriser leur intégration. Au mieux les réfugiés sont intégrés, au plus vite les bénéfices de l’accueil se feront ressentir ».

Comment s’organiser en Europe?

« La réussite des mesures prises sera certainement possible si l’afflux d’Ukrainiens n’excède pas les capacités d’absorption de chaque pays. Cet élément souligne l’importance d’une responsabilité partagée et la nécessité d’une coordination plus structurée et pérenne entre les pays de l’Union européenne. Avec l’activation de la Protection Temporaire des réfugiés en provenance d’Ukraine, ceux-ci peuvent librement choisir le pays de destination dans lequel demander ce soutien. Sans coordination, deux facteurs vont jouer un rôle central dans leur choix de localisation: la distance et les réseaux. Les réfugiés sont souvent pris au dépourvu et n’ont pas la capacité de fuir très loin. Environ 7 sur 10 d’entre eux sont pour le moment dans un pays frontalier à l’Ukraine. Si la guerre perdure, on devrait en voir certains se déplacer vers d’autres territoires. Les personnes bougent davantage à proximité mais également là où elles ont de la famille, des amis, des connaissances. C’est ce qu’on appelle en économie de la migration, les effets réseaux. L’entraide facilite l’intégration sur le marché du travail, la recherche d’un logement ou d’une école ».

Quelle répartition envisager ?

« Nous ne faisons pas de prédictions mais en répartissant par exemple 10 millions de personnes réfugiées sur base des pays les plus attractifs pour les diasporas ukrainiennes ces cinq dernières années, nous aboutirions à une distribution très inégale dans l’Union Européenne. Les pays les plus visés seraient l’Allemagne, la Pologne ou encore la Roumanie, la Hongrie et la Tchéquie. L’Italie et l’Espagne accueilleraient également un nombre considérable de réfugiés. A contrario, des pays d’Europe de l’ouest comme la France et la Belgique n’en accueilleraient qu’un nombre limité. Des systèmes de répartition plus ou moins complexes ont été proposés depuis l’afflux massif de réfugiés syriens en 2015 mais de simples clés de répartition basées par exemple sur des critères comme la population, le PIB ou une combinaison des deux équilibreraient déjà la distribution des personnes réfugiées au sein de l’UE. L’exode ukrainien actuel peut offrir une occasion de réformer la politique d'asile européenne ».

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Publié le 22 avril 2022