Première mondiale: traitement d’une malformation vasculaire in utero

foetus

Les équipes du Centre des malformations vasculaires et du Service d’obstétrique des Cliniques Saint-Luc ainsi que du laboratoire de génétique moléculaire humaine de l’Institut de Duve à l’UCLouvain, ont traité in utero un fœtus atteint d’une malformation lymphatique. Débutée il y a 6 ans, cette prise en charge multidisciplinaire s’est accompagnée d’un suivi au long cours, ce qui représente une première mondiale. Aujourd’hui, l’enfant se porte bien et poursuit une croissance normale. Les résultats de cette intervention exceptionnelle sont publiés dans la revue « Nature Cardiovascular Research ».

Considérées comme des maladies rares, les malformations lymphatiques sont des lésions composées de vaisseaux lymphatiques anormaux. Les patients atteints par ces malformations souffrent de déformations, de douleurs importantes, d’impotences fonctionnelles, de faiblesses musculaires et de saignements. Leur qualité de vie est considérablement dégradée.

En 2016, une équipe pluridisciplinaire composée du Centre de malformations vasculaires (dirigé par le Pr Laurence Boon) et du Service d’obstétrique (équipe pluridisciplinaire du diagnostic anténatal) de Saint-Luc a pris en charge une maman dont le fœtus présentait une importante malformation lymphatique au niveau de la région cervicale et menaçant le développement. Durant la grossesse, cette lésion a entrainé une compression des voies respiratoires du fœtus et risquait de déboucher sur une interruption de grossesse.

Soigner le bébé… via la maman

Pour la première fois au monde, la malformation vasculaire a été traitée in utero via un médicament (Sirolimus) directement administré à la maman pendant sa grossesse. L’équipe multidisciplinaire s’est appuyée sur son expérience ainsi que les travaux du laboratoire de génétique moléculaire humaine de l’Institut de Duve à l’UCLouvain (dirigés par le Pr Miikka Vikkula, investigateur au WEL Research Institute). Plusieurs recherches de ce laboratoire ont en effet mis en évidence les propriétés du Sirolimus dans le traitement de malformations vasculaires à bas-débit telles que les malformations lymphatiques. Ces travaux ont permis d’élaborer de nombreuses études cliniques permettant d’évaluer et de confirmer l’efficacité du Sirolimus au sein des Cliniques universitaires Saint-Luc

Comme il ne comportait que peu d’effets secondaires, ce médicament a été administré à la maman pour atteindre le fœtus à travers la barrière placentaire, sous la surveillance du Dr Emmanuel Seront, du Service d’oncologie médicale, et du Pr Ann Van Damme, du Service d’oncologie et hématologie pédiatrique. Entre la 29e et la 34e semaine de grossesse, la taille de la lésion a considérablement diminué et l’accouchement s’est déroulé normalement.

Outre une sclérothérapie (injection d’un médicament dans les vaisseaux anormaux pour les assécher) à 11 mois puis une opération à 15 mois, le traitement s’est poursuivi chez l’enfant pendant quelques années. Désormais âgée de 6 ans, l’enfant se porte bien et poursuit normalement sa croissance.

Cette prouesse médicale est le fruit d’une collaboration multidisciplinaire entre de nombreux cliniciens et chercheurs. Les résultats de cette intervention exceptionnelle sont publiés dans la revue « Nature Cardiovascular Research ».

Vers plus de prises en charge in utero ?

Via des ponctions du cordon fœtal lors du traitement, l’équipe a pu mettre en évidence une correspondance entre les prises du Sirolimus chez la maman et le dosage de ce médicament dans le sang fœtal.

Il s’agit d’une avancée majeure pour la prise en charge de fœtus souffrant de malformations vasculaires importantes. Si l’équipe du Centre de malformation vasculaire insiste sur la nécessité d’indications médicales pour la réalisation de tels traitements et une prise en charge multidisciplinaire, cette prouesse médicale ouvre de nombreuses réflexions dans d’autres disciplines sur la possibilité d’initier des traitements le plus tôt possible.

Plus d’informations : https://www.nature.com/articles/s44161-023-00280-4

Liste des auteurs de la publication : Emmanuel Seront, Jean-Marc Biard, Ann Van Damme, Nicole Revencu, Benoît Lengelé, Sandra Schmitz, Caroline de Toeuf, Philippe Clapuyt, Francis Veyckemans, Caroline Prégardien, Miikka Vikkula, Pierre Bernard, Laurence Boon

 

Traitement d’une malformation vasculaire in utero : plus de 30 ans de collaboration

La 1ère mondiale annoncée ce 5 juin par les Cliniques universitaires Saint-Luc et l’Institut de Duve de l’UCLouvain est le résultat de plus de trente années de recherche et d’une collaboration très étroite entre le Centre des anomalies vasculaires coordonné par la Pre Laurence Boon et le Laboratoire de génétique moléculaire humaine dirigé par le Pr Miikka Vikkula (également investigateur au WEL Research Institute). L’interaction constante entre la recherche fondamentale et la recherche clinique est une des clés de cette réussite et de la réputation mondiale des deux équipes.

1991
Création du Centre des Malformations Vasculaires des Cliniques universitaires Saint-Luc, pluridisciplinaire et dédié aux patientes et patients atteints d’anomalies vasculaires (angiomes). À son actif : environ 300 nouveaux patients et 2000 consultations par an. Des séminaires hebdomadaires réunissent des spécialistes en chirurgie, dermatologie, radiologie, génétique, etc. afin d’améliorer la prise en charge des patients. Le traitement dépend en effet du type d’angiome et de la localisation. Le Centre des Malformations Vasculaires, coordonné par la Pre Laurence Boon, préside le réseau européen de référence des anomalies vasculaires VASCern-VASCA.

1996
Post-doctorants à la Harvard Medical School (Boston), Miikka Vikkula et Laurence Boon découvrent qu’un gène est muté dans la forme héréditaire des malformations veineuses (TEK). (Cell)

1997
Le Pr Miikka Vikkula crée un groupe de recherche sur la génétique humaine au sein de l’Institut de Duve, aujourd’hui le Laboratoire de génétique moléculaire humaine.

2009
Les équipes des Prs Vikkula et Boon découvrent le mécanisme d’une anomalie génétique qui explique une des formes de malformation vasculaire non-héréditaire. Cette première étape cruciale conduit les scientifiques de l’Institut de Duve et d’autres équipes dans le monde à identifier de nouvelles causes génétiques de plusieurs anomalies vasculaires. (Nature Genetics)

2013
Le Fonds InBev - Baillet Latour décerne son Prix annuel de la Recherche Clinique aux Prs Miikka Vikkula et Laurence Boon pour leurs recherches dans le domaine des maladies vasculaires et des lymphœdèmes.

2015
Première mondiale (août) : les équipes des Prs Vikkula et Boon découvrent une thérapie médicamenteuse qui améliore de façon impressionnante la qualité de vie des patients (de 30 à 90%), diminue la douleur, arrêtent pour certains les saignements et réduit la taille des lésions. La rapamycine, ou sirolimus, utilisé depuis longtemps pour traiter d’autres pathologies, est un inhibiteur de la molécule mTOR, une des protéines anormalement hyperactives dans les malformations veineuses. (Journal of Clinical Investigation)
Implication des oncologues adultes et pédiatriques dans le Centre pour une meilleure prise en charge de ces nouvelles thérapies basées sur la cause des malformations.

La même année (décembre), les équipes découvrent un gène dont les mutations permettent d’expliquer 20% des cas de malformation veineuse (American Journal of Human Genetics). Aujourd’hui, les scientifiques peuvent établir la cause de 60 à 80% des malformations vasculaires ; il en existe plus de 40 variantes, tant vasculaires que lymphatiques.

2018
Le Pr Vikkula est le premier lauréat du Prix Generet, géré par la Fondation Roi Baudouin, pour ses recherches sur les maladies rares. C’est une des plus importantes distinctions en matière de recherche médicale en Belgique.

2020
Le Laboratoire de génétique humaine de l’Institut de Duve découvre un nouveau gène impliqué dans le lymphœdème primaire, une maladie chronique fortement invalidante résultant du développement ou d’une fonction anormale du système lymphatique (la lymphe n’est pas drainée et s’accumule, le plus souvent dans les jambes et dans les bras, provoquant notamment gonflement, fibrose et prédisposition aux infections secondaires. (Science Translational Medicine)
2022
Les deux équipes testent les effets potentiels de la thalidomide - molécule médicamenteuse pointée du doigt pour ses conséquences sur les femmes enceintes mais réévaluée depuis pour son action sur les vaisseaux sanguins. Les résultats sont impressionnants : utilisé seul ou combiné à d’autres traitements, il permet de réduire la douleur, guérir les ulcérations, diminuer le volume des malformations, arrêter les saignements et résoudre l’insuffisance cardiaque. (Nature Cardiovascular Research)

2023
Le Pr Vikkula obtient le Earl P. Benditt Award de la North American Vascular Biology Organization. Ce prix lui sera remis officiellement en octobre à Newport, Rhode Island, aux Etats-Unis.

Le Centre des malformations vasculaires des Cliniques universitaires Saint-Luc et le Laboratoire de génétique moléculaire humaine de l’Institut de Duve (UCLouvain) annoncent avoir traité pour la première fois au monde, in utero et via la maman, un fœtus atteint d’une grave malformation lymphatique. L’enfant, aujourd’hui âgé de 6 ans, se porte bien. (Nature Cardiovascular Research)

Publié le 05 juin 2023