Quelle justice pour protéger les droits humains?

Un véritable sentiment d’impunité. C’est ce que ressent la population du nord et du sud Kivu dans le domaine des droits humains. Pourquoi ? Comment la justice est-elle rendue dans cette partie de la République Démocratique du Congo? L’UCLouvain coordonne un projet de recherche sur cette question en collaboration avec ses docteurs honoris causa sur place.

L’objectif de l’étude est de comprendre comment des faits récoltés sur le terrain sont relayés auprès des institutions, quel est le processus juridictionnel mis en place et comment la population perçoit l’information en retour. Il s’agit d’identifier les éventuels dysfonctionnements ou blocages qui contribuent au sentiment d’injustice. L’approche se veut bottom up. « La société civile dans la région est extrêmement dynamique. Nous avons décidé de donner la parole aux acteurs de terrain et de travailler ensemble sur la base des potentialités de la complémentarité sur fond de confiance mutuelle », explique Sylvie Sarolea, professeure de droit international des droits humains à l’UCLouvain, chercheuse à l’Institut pour la recherche interdisciplinaire en sciences juridiques et coordinatrice du projet.

Relais privilégiés

Face aux violations des droits humains, les approches développées sont le plus souvent top down. Une démarche fondée sur le fonctionnement des institutions est tributaire de facteurs externes géopolitiques ou socioéconomiques sur lesquels les scientifiques n’ont aucun pouvoir. « Nous allons travailler différemment et nous appuyer sur les ressources de la société civile avec la collaboration des docteurs honoris causa de l’UCLouvain ». Trois d’entre eux se sont impliqués avec enthousiasme dans le projet dès sa naissance il y a 4 ans : Venantie Bisimwa (secrétaire générale du Réseau des femmes pour la défense des droits et de la paix à Bukavu), Denis Mukwege (gynécologue et prix Nobel de la Paix en 2018 pour son combat contre les violences faites aux femmes) et Solange Lusiku (éditrice responsable du journal Le Souverain, décédée en 2018, mais dont les équipes continuent son travail d’information). Toutes ces personnalités font de la justice face aux violations des droits humains le cœur de leur engagement. « Ce projet nous permet de participer concrètement à leurs actions et de renforcer les liens qui nous unissent. Leur aide est précieuse pour réunir les acteurs-clés les plus pertinents pour nos recherches ».

Confiance essentielle

En discutant avec les gens, les chercheurs et chercheuses ont déjà mis le doigt sur deux obstacles importants qui génèrent une sentiment d’impunité : le manque de confiance entre les différents intervenants et la mauvaise circulation des informations. « Nous allons étudier la façon dont la justice se construit avec des juristes mais aussi des journalistes pour les questions relatives à la communication et des anthropologues pour ce qui concerne le sentiment de sécurité ». Le projet est résolument interdisciplinaire. Baptisé DIRE, il a été retenu par l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES). Les équipes de recherche de l’UCLouvain, de l’Université Catholique de Bukavu et de l’ULB travailleront ensemble durant 5 ans.

Le chemin entre les faits et la justice.

Publié le 18 janvier 2022