Revaloriser l’aide à domicile

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Les métiers de l’accompagnement à domicile sont traditionnellement peu valorisés. Et la crise du Covid-19 a encore aggravé la situation. Annalisa Casini et Florence Degavre, chercheuses UCLouvain, se sont penchées sur les conditions de travail éprouvantes d’un personnel majoritairement féminin. Un coup de projecteur récompensé par le Prix exceptionnel "Genre & Covid-19" du Comité femmes & sciences de l’ARES. 

Elles sont infirmières, aides-familiales, aides-soignantes, gardes à domicile ou encore aides-ménagères. Leurs fonctions représentent un maillon incontournable de la chaîne de l’aide et des soins. Pourtant, leur travail demeure le plus souvent dévalorisé, même ignoré. Pourquoi? « Les métiers du secteur socio-sanitaire sont fort féminisés et les femmes sont souvent issues de catégories marginalisées de la population. Du coup, elles sont quasi absentes des niveaux décisionnels et des instances de négociation ou des organes de représentation, voire des luttes » expliquent Annalisa Casini de l’Institut de recherche en sciences psychologiques (IPSY) et Florence Degavre de l’Institut d’analyse du changement dans l’histoire et les sociétés contemporaines (IACCHOS), toutes deux collaboratrices au Centre interdisciplinaire de recherche travail, état et société (CIRTES).

Le Care vs le Cure

Dans le secteur socio-sanitaire, il existe une distinction entre le care (relation étroite à l’Autre, attachement émotionnel aux usager·es et implication morale) et le cure (soin médical associé aux savoirs de haute technicité, universalisme et neutralité affective). « Ces deux dimensions pourtant imbriquées dans la pratique, ne bénéficient pas de la même considération » constatent les chercheuses. « Le care est vu comme secondaire par rapport au cure. Plus on s’éloigne de l’hôpital et du médical, moins la fonction est valorisée, financièrement et symboliquement ». La réponse essentiellement sanitaire à la crise provoquée par le Coronavirus a renforcé cette hiérarchie en excluant les métiers du domicile (care) de la communication politique. Le personnel des soins à domicile fait souvent face à des conditions de travail difficiles rendues plus dures encore par la pandémie. « En plus d’appartenir à la catégorie de sexe la plus exposée au risque, les travailleuses de première ligne font face, chez elles, à des tâches supplémentaires liées au confinement de leurs propres familles. Cette situation inédite exacerbe leur charge mentale et augmente les risques post-traumatiques ».

Le souci des autres   

Quel est l’impact réel de la crise sanitaire du Covid-19 sur l’articulation vie familiale- vie professionnelle des travailleur·euses du secteur de l’accompagnement à domicile ? Quelles sont les stratégies individuelles et collectives mises en place pour faire face à la situation ? Annalisa Casini et Florence Degavre ont étudié la question et vont poursuivre leurs travaux grâce au Prix « Genre & Covid-19 » du Comité femmes & sciences de l’ARES qu’elles viennent de recevoir. Leurs résultats leur permettront de formuler des recommandations au niveau des organisations et des politiques afin d’améliorer les conditions de travail de tout un secteur. « Des pistes pour permettre de « travailler avec le virus » à moyen et long terme doivent être discutées et mises en place pour que ces métiers essentiels continuent de fonctionner et de deviennent plus attractifs. Plus globalement, le care comme souci des autres est un appel à ce que tout le monde se rende disponible au soin, à une réorganisation fondamentale de l’économie autour de ce principe, à une meilleure redistribution du travail et des richesses entre hommes et femmes. Ainsi serons-nous moins vulnérables dans les crises à venir ».

Publié le 03 décembre 2020