En 2020, l’équipe de Sophie Lucas au sein de l’Institut de Duve de l’UCLouvain parvient à neutraliser une molécule responsable du blocage des défenses immunitaires en cas de cancer. Aujourd’hui, la même équipe découvre que cette immunothérapie se révèle efficace contre certains cancers du sang difficiles à traiter.
Suite à la découverte faite en 2020, un essai clinique est lancé pour tester cette nouvelle immunothérapie en la combinant à une autre, déjà utilisée mais pas toujours efficace dans le mélanome et les cancers du poumon ou de la vessie. Aujourd’hui, la même équipe, et en particulier Sara Lecomte et Julien Devreux, découvre que cette immunothérapie se révèle efficace contre certains cancers du sang également, sans devoir la combiner à une autre. Cette découverte prometteuse - car ces cancers du sang sont difficiles à traiter - est publiée dans Blood, un journal à très fort impact dans le domaine de l’hématologie et de l’immunologie.
Des années de recherche
Ce résultat s’inscrit dans un long parcours de recherches menées par la présidente de l’Institut de Duve.
- 2004 : Sophie Lucas tente de comprendre le fonctionnement des cellules dites immunosuppressives, et en particulier les lymphocytes T régulateurs (T-REG), qui bloquent les réponses immunitaires en cas de cancer.
- 2009 : elle découvre la molécule GARP à la surface des T-REG.
- 2018 : la chercheuse parvient à comprendre le rôle de GARP : envoyer des signaux afin de bloquer les défenses immunitaires. Sophie Lucas et son équipe développent un outil, des anticorps anti-GARP, pour bloquer l’envoi de ces signaux. Cette découverte est publiée dans la revue Science.
- 2020 : les résultats des premiers tests qui combinent cette nouvelle immunothérapie et une autre ayant déjà fait ses preuves, sont prometteurs. Ils sont publiés dans Nature Communications et marquent le lancement d’une première phase de tests cliniques, actuellement en cours, avec un partenaire industriel.
Une immunothérapie pour contrer des cancers solides … et liquides
Aujourd’hui, le groupe de recherche de Sophie Lucas, investigatrice Welbio au sein du Wel Research Institut, a réussi à démontrer que les anticorps anti-GARP développés au sein du laboratoire se révèlent très efficaces contre certains cancers du sang, dits ‘liquides’, alors qu’ils avaient été mis au point et sont en phase de test pour des cancers dits ‘solides’ (vessie, poumon, intestin…). En outre, le nouveau traitement agit seul dans ces cancers du sang, sans devoir le combiner avec une autre immunothérapie.
Pour les scientifiques, la découverte était inattendue. Ils savaient depuis longtemps que GARP, la molécule ciblée avec les anticorps, est exprimée sur des cellules T-REG immunosuppressives, mais aussi sur les plaquettes et les mégacaryocytes (des cellules de la moelle osseuse qui donnent naissance aux plaquettes), anormalement abondantes dans certains cancers du sang.
Efficace… pour une raison inattendue
« Nous avons étudié ces cancers du sang en particulier parce qu’ils s’accompagnent d’une prolifération anormale des mégacaryocytes et des plaquettes. Nous pensions qu’il serait intéressant de cibler ces cellules cancéreuses avec nos anticorps anti-GARP », explique la présidente de l’Institut de Duve. Les résultats étaient concluants… mais la surprise au rendez-vous ! « Effectivement, plaquettes et mégacaryocytes cancéreux expriment bien GARP, mais ce n’est pas parce que nos anticorps ciblent ces cellules-là qu’ils sont efficaces, c’est parce qu’ils ciblent les T-REG. On ne s’attendait pas du tout à ça ! » Le point d’accroche – cancers du sang, mégacaryocytes, plaquettes… - explique d’ailleurs pourquoi l’équipe de Sophie Lucas a travaillé avec des hématologues (entre autres Julien Devreux) et pourquoi l’étude est publiée dans un journal d’hématologie, Blood.
Les scientifiques de l’UCLouvain ouvrent ainsi une nouvelle piste prometteuse pour combattre certains cancers du sang.