En 1995, une poignée de pionniers participaient à la fondation du CERISIS, ancêtre du CIRTES. Ils et elles s’attelaient à faire vivre à Charleroi un centre de recherche de l’UCLouvain animé par une équipe multidisciplinaire avec l’objectif de s’atteler à la compréhension des ratés de l’insertion sociale et professionnelle qui frappent certains groupes sociaux comme les jeunes sans emploi, chômeurs de longue durée, femmes cheffes de famille monoparentales. A partir d’une démarche résolument partenariale, nos collègues ont produit des savoirs importants sur la dynamique psychosociale, sociologique et économique du fonctionnement des processus d’exclusion, ainsi que leurs effets, et sur les politiques mises en place pour y palier.
Georges Liénard, fondateur du CERISIS, écrivait à ce propos en 2002 : « En partenariat avec les groupes concernés, (nos travaux) explicitent comment améliorer ces dispositifs tout en y renforçant les critères de dignité et de justice sociale. La recherche de l’égalité et de la dignité des hommes marqués par les inégalités ne constitue pas seulement un critère pour l’action humaine mais aussi pour toute science sociale digne de ce nom ». Il explicitait par là le cadre d’une recherche collaborative avec les pouvoirs publics et des organisations de terrain. Que reste-t-il comme traces, dans nos postures et travaux aujourd’hui, de la vision esquissée à travers ces quelques lignes ? A quoi ressemble la culture partenariale du CIRTES ? 27 ans après sa fondation, les partenaires ont changé, nos questions de recherches se sont diversifiées. A quels enjeux sociétaux et méthodes répond notre démarche d’analyse et d’intervention aujourd’hui ? Sur quels liens privilégiés et avec quels terrains d’action, en accord avec quelles valeurs partagées se fondent nos collaborations ?
La société actuelle connaît une série de changements, évolutions et transitions dans différents domaines qui invitent à repenser les liens entre individus et formes d’action collectives. En reprécisant les rapports aux collectifs (de différents formes et niveaux), nous voulons prendre appui sur cette entrée pour penser plus largement comment à travers un échange inter- et transdisciplinaire nous pouvons resituer la place des différentes formes d’engagement en collectivité. Cela renvoie à la fois au niveau de la prise en compte de l’individu, des formes d’action organisées et aussi à la manière dont on peut redonner sens à des mouvements sociaux et à la gouvernance à l’ère actuelle façonné par l’entrecroisement de crises.
Ces transformations invitent par la suite à questionner les manières d’engament, de l’action collective, de re-construction des collectifs et mouvements sociaux et des modes de représentations dans des structures représentatives plus ou moins institutionnalisées. Ces questionnements peuvent se décliner différemment selon les axes du CIRTES et les approches scientifiques. Nous invitons les différents axes thématiques du CIRTES à proposer un élargissement de ce questionnement initial selon leurs champs thématiques et approches disciplinaires. Plus loin d’un simple échange sur la place que prennent les collectifs dans les approches thématiques, nous voulons inviter à un échange qui touche à la fois des questions épistémologiques et méthodologiques sur la place que prennent les rapports collectifs dans nos disciplines respectives.
Les séminaires et conférences CIRTES précédents sur la recherche partenariale avaient permis d’identifier une série de tensions existantes entre acteurs de la recherche et acteurs de terrain (par exemple entre la temporalité différente de la recherche et celle des acteurs de terrain, ou encore les exigences de recommandations concrètes versus posture de l’analyse) pour expliciter et interroger à dire avant ? En particulier, et en premier lieu, que représente la notion de « collectif » pour les axes, quels sont les collectifs auxquels nous nous intéressons, quels sont leurs enjeux et, surtout, comment enquêtons-nous sur eux? Quel est l’intérêt et la spécificité, dans nos domaines, des questions méthodologiques et épistémologiques pour les étudier ? Nous invitons chaque axe à réfléchir pendant le colloque à ces questions dans le cadre de ses projets de recherche dont une des spécificités est, très souvent, d’intégrer une forte dimension partenariale.
Comment les partenaires du CIRTES se situent par rapport à nos cadres et choix méthodologiques et épistémologiques ? Comment est-ce que l’on peut alimenter par nos recherches les débats et actions de terrain ? L’idée est de faire de ces dilemmes pratiques autant d’occasions d’un dialogue futur avec nos partenaires sur les théories, méthodes, postures épistémologiques, sachant qu’il y a des terrains d’intervention très différents où ces questions se posent au CIRTES. En particulier les terrains de la transition, où la normativité est forte mais où le savoir sert des enjeux de la gouvernance. Comment les sciences sont-elles pensées dans l’action ? Quel est l’apport des recherches partenariales ? Comment apporter des théories et du savoir sans être dans le rapport de celui.celle qui sait à celui.celle qui ne sait pas ? Et notamment, quel sont les défis opérationnels que posent les questions méthodologiques et épistémologiques identifiées ?