Leçon au Collège Belgique par Myriam Watthee-Delmotte

28 novembre 2017

17:00

Namur

Palais provincial de Namur - Place Saint-Aubain 2 - 5000 Namur

Dépasser la mort : l’agir de la littérature

Si l’ensevelissement des morts est le propre de l’humanité, l’homme est aussi le seul être vivant doué d’écriture. Ces deux gestes peuvent n’en faire qu’un : les écrits qui commémorent les morts sont ce que l’on appelle des « Tombeaux littéraires ».
Que vise cette littérature ? Honorer le défunt, certes, mais aussi consolider le cercle éprouvé des endeuillés. En particulier, elle peut donner lieu à l’accomplissement symbolique de ce qui fait défaut dans le réel. On peut ainsi écrire contre le manque ou pour le combler.
Lutter contre l’oubli qui recouvre trop vite les morts ordinaires, c’est ce que fait Yun Sun Limet dans le roman « Joseph » (2012). La fiction recompose, au départ de faibles traces, le vécu d’un oncle jamais rencontré, car il a perdu la vie accidentellement dans sa jeunesse. Le récit convoque autour de lui divers enjeux identitaires : il apparaît peu à peu comme une singularité digne de mémoire, mais aussi comme une page de l’Histoire belge, et comme le signe d’un destin familial qui se répète par malédiction.
Écrire pour la résilience, tel est l’enjeu de la « Lettre en abyme » du poète belge Marc Dugardin (2016), où il revient sur la relation difficile entretenue avec sa mère. Le texte exorcise les douleurs, et parvient à « déterrer la femme aimante / enfouie / sous le tas de haine muette ».
Au fil des pages de ces deux textes superbes se dresse ainsi la stèle, manquante dans le réel, pour les valeurs à préserver qui donnent sens au vécu et rendent force aux vivants.