Bilan de la recherche en neurosciences

Lancée en décembre 2014, la campagne en neurosciences avait pour objectif de récolter 1,2 million d’euros afin de financer la recherche pour la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques et la douleur chronique. L’objectif, largement atteint, a permis aux chercheurs de l’Institute of Neuroscience (IoNS) de faire de réelles avancées dans leurs domaines respectifs. En voici un aperçu.

La maladie d'Alzheimer 
La maladie de Parkinson 
La sclérose en plaques 
La douleur chronique 
Les équipements
 

RECHERCHE TRANSVERSALE SUR LA MALADIE D’ALZHEIMER

La maladie d’Alzheimer est la maladie neurodégénérative la plus fréquente. Sa prévalence est de l’ordre de 2 % à l’âge de 60 ans, mais double tous les cinq ans pour atteindre 32 % à l’âge de 85 ans. Son incidence est de l’ordre de 37 nouveaux cas par jour en Belgique.

Le soutien que l’IoNS a reçu a permis plusieurs avancées importantes sur la compréhension des mécanismes de la maladie d’Alzheimer mais aussi d’affiner le diagnostic des patients. Ces deux aspects sont fondamentaux pour que les résultats de la recherche puissent se traduire par des approches qui permettront, à terme, de prévenir, soulager, et espérons-le, soigner les malades dont le nombre ne fait que croître.

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par l’accumulation de deux protéines : la protéine tau et le peptide β-amyloïde. De nombreux essais cliniques ont tenté de stopper la neurodégénérescence due à la maladie d’Alzheimer en bloquant l’accumulation du peptide β-amyloïde. Plusieurs essais ont permis de diminuer la charge amyloïde cérébrale. Malheureusement, bien que le cerveau des participants à ces essais ait été « nettoyé », ces derniers ont vu leurs performances cognitives décliner.

Ces échecs sont dus au fait que les patients sont déjà à un stade avancé de la maladie, celui de la démence. Il faut donc développer de nouveaux outils permettant d’identifier les personnes à risque de développer la maladie d’Alzheimer bien avant sa survenue.
C’est dans ce cadre que le Louvain Aging Brain Lab s’intéresse aux stades précliniques de la maladie d’Alzheimer. Deux symptômes sont étudiés : l’anosognosie (incapacité des patients de se rendre compte de leurs troubles cognitifs) et les troubles de l’orientation spatiale.
Depuis cette année, grâce au travail du Pr Hanseeuw au Massachusetts General Hospital (Boston), un nouveau traceur pour PET-scan cérébral est utilisé afin d’étudier l’accumulation de protéines tau au sein du cerveau des participants.

La recherche fondamentale menée sur la maladie d’Alzheimer permet de mieux comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans la perte neuronale importante qui caractérise cette maladie, dans le but de développer des outils thérapeutiques efficaces permettant de freiner son évolution.

Depuis de nombreuses années, le groupe de recherche du Pr J-N Octave étudie la fonction d’une protéine (le précurseur du peptide amyloïde) dont un fragment (le peptide β-amyloïde) s’accumule dans une des lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Le métabolisme anormal de cette protéine, constaté dans la maladie d’Alzheimer, a des conséquences dramatiques sur l’activité des neurones maintenus en culture. Dans certains cas, il est possible de corriger une activité neuronale défectueuse, en utilisant des médicaments qui existent, mais qui ne sont pas prescrits pour traiter les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Il a également observé que le précurseur du peptide amyloïde peut influencer l’activité neuronale par des mécanismes qui impliquent un récepteur présent dans le noyau des neurones. Ce récepteur (PPARα) pourrait constituer une autre cible pharmacologique intéressante.

La recherche sur la maladie d’Alzheimer : de nouveaux efforts, de nouvelles perspectives

L’effort entrepris a été de mieux caractériser les propriétés biologiques de nouvelles formes agrégées de peptide β-amyloïde et de la protéine Tau anormalement modifiée par des phosphorylations. Des effets pathologiques de ces deux acteurs essentiels de la maladie ont été caractérisés dans les modèles expérimentaux. Un des objectifs des chercheurs de l’IoNS est de mesurer leur valeur prédictive dans l’apparition de la maladie et de compléter leur répertoire de biomarqueurs en analysant des données et du matériel provenant de patients. Des chercheurs fondamentalistes et des cliniciens unissent actuellement leurs efforts pour faire avancer leurs projets dans ce sens. « C’est à ce prix que nous pourrons lever des incertitudes qui demeurent encore sur les mécanismes qui déclenchent la maladie, afin de proposer une médecine de précision pour détecter chez les patients des indicateurs précoces de la maladie et mettre en place des dispositifs empêchant son apparition », déclare le Pr Pascal Kienlen-Campard.
 

LA MALADIE DE PARKINSON

La maladie de Parkinson est une maladie dégénérative du système nerveux central, qui provoque une destruction progressive des neurones à dopamine provenant de la substance noire du tronc cérébral et se projetant vers les noyaux gris centraux. La maladie de Parkinson touche 1 à 2 % des personnes de plus de 65 ans, et près de 10 % de celles de plus de 80 ans. En Belgique, 50 000 personnes âgées sont touchées par la maladie de Parkinson. Les patients atteints de cette maladie souffrent de troubles moteurs tels que des mouvements ralentis, des tremblements et de la rigidité. Pour cette raison, la maladie de Parkinson est souvent assimilée à une maladie du contrôle moteur, bien que les patients présentent également des symptômes non moteurs, comme des troubles cognitifs.

De nouvelles hypothèses ont émergé plus récemment, proposant que certains des symptômes moteurs dont souffrent les patients parkinsoniens pourraient provenir d’un déficit de motivation. En d’autres termes, les patients parkinsoniens pourraient présenter une capacité réduite à allouer des efforts de façon appropriée, rendant l’initiation de mouvements plus difficile. 

Ces dernières années, plusieurs chercheurs de l'UCLouvain au laboratoire Cognition et Actions, dirigé par la Pre Julie Duqué, ont étudié des questions relatives à l’implication de troubles cognitifs dans la symptomatologie motrice de la maladie de Parkinson. À titre d’exemple, le Dr A. Zénon a enregistré l’activité neurale dans les noyaux gris de ces patients pendant qu’ils réalisaient des tâches de prise de décision basées sur l’effort et la récompense. Il a montré que le noyau sous-thalamique est impliqué dans le calcul du rapport coût-bénéfice des actions. Ce même noyau est également connu pour son rôle déterminant dans le contrôle inhibiteur des actions.  

En collaboration avec la Pre A. Jeanjean, la Dre E. Wilhelm applique actuellement une méthode non invasive de stimulation du cortex moteur chez des patients porteurs d’un stimulateur cérébral profond pour étudier l’implication de ce noyau dans la genèse d’influences inhibitrices ajustant l’activité motrice pendant la préparation de mouvements. Une autre étude réalisée par le Dr A. Zénon a montré que la dopamine, déficitaire dans la maladie de Parkinson, a pour effet de déterminer le rapport entre la récompense associée à une action et l’effort investi pour l’obtenir. Ces résultats cadrent bien avec l’idée que les troubles moteurs dans la maladie de Parkinson proviendraient d’une difficulté à allouer l’effort de façon optimale. 

D’autres travaux ont aussi permis de montrer le lien qui existe entre la dégénérescence du système noradrénergique dans la maladie de Parkinson et la fatigue que ressentent les patients – une fatigue qui peut être très sévère et invalidante et est souvent mal prise en charge par le traitement courant. Ces résultats pourraient orienter le traitement vers le versant noradrénergique (qui viserait le système noradrénergique), pour mieux traiter les symptômes de fatigue dans la maladie de Parkinson.

Des recherches ont également montré que l’exercice physique améliore les fonctions motrices et cognitives des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Le Dr Thibault Warlop travaille sur cette thématique au sein du laboratoire de la marche.

LA SCLÉROSE EN PLAQUES : À LA RECHERCHE DE NOUVEAUX BIOMARQUEURS ET DE PISTES THÉRAPEUTIQUES INNOVANTES

La sclérose en plaques (SEP) est la maladie neurologique la plus fréquente touchant l’adulte jeune. 14 000 patients en sont atteints en Belgique. Aux Cliniques universitaires Saint-Luc (CUSL), environ 1 000 patients sont suivis et 50 nouveaux diagnostics sont posés annuellement.

La sclérose en plaques est une affection inflammatoire et neurodégénérative du cerveau et de la moelle épinière, pouvant toucher l’ensemble des fonctions neurologiques de l’individu. Elle résulte d’une conjonction entre des facteurs génétiques et environnementaux encore mal connus. Elle est responsable d’une invalidité significative et reste à ce jour incurable, malgré des progrès significatifs dans les immunothérapies au cours des 20 dernières années.

Les recherches réalisées au laboratoire de neurochimie se concentrent sur deux aspects :

Tout d’abord, par la caractérisation de nouveaux biomarqueurs de la maladie. « Nous avons pour cela mis à profit la large collection d’échantillon collectés auprès des patients SEP suivis aux CUSL et caractérisé les marqueurs immunologiques en rapport avec l’activité de la maladie et plus récemment une nouvelle classe prometteuse de biomarqueurs : les microARNs (miARNs) », explique le Pr Vincent van Pesch. Les recherches ont mis en évidence que leur expression était modifiée dans le liquide céphalorachidien. Les miARNs permettent de distinguer les patients atteints de SEP de sujets sains et même d’identifier les patients en phase active de la maladie. Les perspectives
de ce projet sont d’étudier la source de ces miARNs et leur fonction, dans l’espoir de mieux comprendre certains aspects de la physiopathologie de la SEP.

Au niveau de la recherche de nouvelles pistes thérapeutiques, en collaboration avec le docteur C. Uyttenhove et le Pr Van Snick, un nouvel anticorps monoclonal neutralisant une molécule inflammatoire – appelée le GM-CSF – a été testée dans un modèle de SEP chez la souris. Ce traitement a démontré une efficacité remarquable pour empêcher les poussées primaires et ultérieures de la maladie, en bloquant toute l’inflammation au sein du système nerveux central.

Une véritable recherche translationnelle a pu être développée, en partant de l’étude d’échantillons cliniques de patients afin de caractériser de nouvelles molécules au laboratoire indiquant la présence de la maladie et son activité. L’analyse fonctionnelle de ces molécules jettera une lumière nouvelle sur les mécanismes de cette maladie et ouvrira potentiellement des pistes pour développer des stratégies thérapeutiques innovantes. « Nous collaborerons pour cela activement avec la Pre des Rieux qui développe des nanomédecines incorporant des molécules bioactives, délivrées de manière non invasive au système nerveux central (SNC), par voie intra-nasale », poursuit le Pr van Pesch.

Depuis 2015, les recherches sur la sclérose en plaque ont été menées par le Dr Ludovic D’auria (engagé dans le cadre de la campagne), la Dre Océane Perdaens (en cours de thèse au sein du laboratoire du Pr van Pesch), Z. Nasr, HA Dang (techniciennes de laboratoire) et le Pr Vincent van Pesch de l’Unité de neurochimie à l’Institut des neurosciences de l'UCLouvain.

LA DOULEUR CHRONIQUE 

Près de 30 % de la population souffre ou souffrira un jour de douleurs chroniques. Les conséquences sont d’ordre psychologique, socioprofessionnel et économique, ce qui en fait un problème de santé publique majeur. La douleur chronique se définit comme une douleur persistant plus de 3 à 6 mois. Les interventions chirurgicales sont une cause fréquente de douleur chronique dont l’incidence varie selon le type d’intervention. Une fois installée, la prise en charge de la douleur chronique est difficile car les traitements disponibles sont d’efficacité limitée et souvent responsables d’effets secondaires importants. Il est aujourd’hui primordial d’identifier les mécanismes physiopathologiques responsables de la chronicisation de la douleur après une intervention chirurgicale afin de pouvoir identifier les facteurs prédisposant et d’envisager des stratégies de prévention. La compréhension de ces mécanismes est aussi essentielle pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques afin de développer de nouveaux médicaments et optimiser l’utilisation des traitements existants. À l’UCLouvain, les chercheurs des laboratoires de neuropharmacologie et d’algologie et du service clinique d’anesthésiologie réalisent des travaux complémentaires sur cette thématique de la douleur chronique post-chirurgicale.

Les chercheurs ont mis au point un protocole expérimental consistant à appliquer de brèves stimulations électriques à haute fréquence sur la peau et à étudier le développement d’une hypersensibilité dans la périphérie de la zone stimulée. Chez des volontaires sains, une très grande variabilité interindividuelle a été observée et il est proposé que l’intensité de cette hypersensibilité reflète directement la prédisposition de l’individu à développer des douleurs chroniques après une intervention chirurgicale ou un traumatisme. Ces travaux se poursuivent aujourd’hui en clinique, en appliquant le protocole à des patients dans les jours qui précèdent l’intervention chirurgicale afin de prédire le risque individuel de douleur chronique et d’optimiser la prise en charge avant, pendant et après l’opération.

Des travaux complémentaires sont menés chez les rongeurs, ceux-ci sont également soumis à des chirurgies. Dans les modèles développés à l’UCLouvain, certains animaux opérés développent une sensibilité élevée à des stimulations mécaniques ou thermiques tandis que d’autres gardent une sensibilité normale. Des études biochimiques réalisées dans les différents groupes d’animaux ont permis d’établir un lien entre l’hypersensibilité et l’augmentation d’expression de certaines protéines dans leur moelle épinière. L’administration de substances inhibant ces protéines s’est révélée protectrice contre l’apparition des douleurs chroniques. Ces travaux laissent entrevoir des opportunités originales dans le développement de traitements prometteurs.

Les recherches dans le domaine de la douleur chronique sont menées conjointement par le Pr Emmanuel Hermans, au sein du laboratoire de Neuropharmacologie, le Pr André Mouraux, au sein de l’unité d’Algologie et par la Pre Patricia Lavand'homme, au sein du service d’anesthésiologie.

LES ÉQUIPEMENTS

Au-delà du financement de la recherche dans le domaine des quatre thématiques en neurosciences, la campagne a également permis l’acquisition de plusieurs équipements scientifiques de pointe. Ces équipements joueront un rôle essentiel dans les recherches futures de l’Institut des neurosciences (IoNS) de l’UCLouvain.

Trois nouveaux appareillages seront installés au sein de la plateforme d’étude du comportement animal :

  • une chambre de conditionnement opérant ou « boîte de Skinner » pour étudier les mécanismes neurobiologiques sous-tendant l’apprentissage, les addictions et l’anxiété ;
  • un labyrinthe à huit bras pour étudier la mémoire spatiale ;
  • un système d’étude du comportement animal par enregistrement des vocalisations ultrasoniques.

Ces trois dispositifs permettront d’étudier l’impact de différents mécanismes pathologiques caractérisés aux niveaux cellulaires et moléculaires sur le fonctionnement du système nerveux et le comportement. Par exemple, le labyrinthe permettra d’étudier les troubles de la mémoire spatiale qui sont associés à la maladie d’Alzheimer.

Une plateforme permettant l’enregistrement de l’activité électrique cérébrale couplé à un système vidéo pour l’étude du comportement, sera mise en place. Cette plateforme d’électroencéphalographie-vidéo permettra d’évaluer de nouveaux traitements pour l’épilepsie et de mettre au point de nouvelles méthodes de détection de la survenue des crises. Elle sera utilisée pour développer un programme de recherche translationnelle en épilepsie, en collaboration étroite avec le centre de référence pour l’épilepsie réfractaire des Cliniques universitaires Saint-Luc.

Enfin, l’Institut fera l’acquisition d’une boîte de synthèse de radiotraceurs pour la neuroimagerie par émission de positrons. Ces radiotraceurs sont utilisés pour étudier les processus neurobiologiques normaux et pathologiques chez l’homme, tels que les plaques amyloïdes associées à la maladie d’Alzheimer. La boîte de synthèse permettra de développer de nouveaux traceurs pour les neurosciences, par exemple, des traceurs permettant d’étudier les processus inflammatoires associés à de nombreuses pathologies neurologiques, telles que la sclérose en plaques, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies neurodégénératives ou encore la douleur chronique.

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Publié le 10 octobre 2019