Comprendre l’architecture génétique des maladies rénales pour mieux les soigner

Depuis plus de vingt ans, le professeur Olivier Devuyst, responsable du pôle académique de néphrologie et coordinateur de l’Institut des maladies rares des Cliniques universitaires Saint-Luc, mène des recherches sur la base génétique des maladies rénales, grâce à une approche multidisciplinaire. Dernièrement, son laboratoire a bénéficié d’un legs important, le legs Houben, qui lui permettra de développerdes recherches sur l’uromoduline, une protéine fabriquée par le tubule rénal.

L’insuffisance rénale chronique (IRC) est un fardeau de santé global, elle touche 10 à 15% de la population mondiale et dépasse 20% chez les personnes de plus de 60 ans. Lorsque l’IRC est parvenue à un stade très avancé, le patient doit recevoir un traitement suppléant la fonction rénale, la dialyse ou la transplantation. Les patients atteints d’IRC souffrent d’une qualité de vie altérée, de comorbidités importantes et d’une espérance de vie réduite. L’existence d’une composante génétique aux maladies rénales est reconnue depuis longtemps. Une meilleure compréhension de ces facteurs génétiques et des mécanismes de la maladie permet de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques et, globalement, d’améliorer la prise en charge des patients.

Les travaux du professeur Devuyst, menés entre l’UCLouvain et l’Université de Zurich, ont permis d’identifier les mécanismes impliqués dans plusieurs maladies génétiques rares, touchant les fonctions complexes médiées par les différents segments du tubule rénal. Ces maladies se traduisent par des complications souvent graves, multisystémiques, entraînant une IRC.

Le legs Houben, honorant la mémoire d’une patiente atteinte d’IRC soignée aux Cliniques universitaires Saint-Luc, permettra à l’équipe du professeur Devuyst de développer ses recherches dans un domaine particulièrement prometteur, l’uromoduline. Il s’agit d’une protéine exclusivement fabriquée par le tubule rénal, abondamment excrétée dans l’urine. Cette protéine joue plusieurs rôles importants au niveau du rein : modulation du transport de sel et de la pression artérielle, protection contre les infections urinaires et contre la formation de calculs, régulation de l’immunité innée. L’intérêt pour cette protéine a été stimulé par des études génétiques révélant que le gène UMOD codant pour l’uromoduline est impliqué dans un éventail de maladies rénales - tant rares que communes. Les mutations rares de UMOD sont à l’origine de la maladie rénale tubulo-interstitielle autosomique dominante (ADTKD-UMOD), qui entraîne une destruction progressive des reins et une IRC – sans aucun traitement disponible.

Par ailleurs, des études d’association à l’échelle du génome ont identifié des variants génétiques fréquents du gène UMOD comme étant associés à la fonction rénale et au risque d’IRC dans la population générale. Ces facteurs génétiques ont un effet puissant, unique, également associé au risque prospectif d’insuffisance rénale. En raison de la pertinence biologique de l’uromoduline, ces travaux ont ouvert un nouveau champ de recherche en néphrologie.

L’objectif global du projet est de comprendre comment l’uromoduline est produite dans les cellules du tubule rénal et comment les variations quantitatives de sa production prédisposent à la maladie. Ces recherches seront basées sur des modèles expérimentaux bien établis, permettant d’étudier en détail les mécanismes impliqués dans la production de l’uromoduline et les conséquences des variations génétiques observées. La pertinence de ces résultats sera évaluée sur des cohortes de patients et de sujets sains.

« Ces études apporteront un éclairage nouveau sur la régulation, le mécanisme de production et la physiopathologie de l’uromoduline. Elles feront progresser nos connaissances sur la production de protéines dans les cellules épithéliales, l’architecture génétique de l’IRC et le risque de développer des infections urinaires », explique Olivier Devuyst.

Publié le 13 avril 2022