COVID-19 : la recherche continue à l’UCLouvain

Deux ans après l’apparition du premier cas de COVID-19, les chercheuses et chercheurs de l’UCLouvain poursuivent leurs recherches afin de mieux comprendre le virus mais aussi d’analyser le comportement des Belges face à la pandémie. Les professeurs David Alsteens, François Chaumont et Olivier Luminet ont fait de nouvelles avancées.

COVID : d’un virus à bouton-pression au variant à scratch !

Une équipe de chercheurs de l’UCLouvain, dirigée par le professeur David Alsteens, est parvenue à démontrer, grâce à un microscope à force atomique (un équipement de pointe pour étudier les liaisons entre virus et cellules vivantes), la capacité des variants du COVID-19, et en particulier le nouveau variant Omicron, à mieux s’accrocher aux cellules du corps humain, et donc à expliquer la difficulté à s’en défaire.

Il y a quelques mois, les scientifiques avaient découvert un nouveau suspect responsable de la propagation des virus dans notre corps : la protéine ß1-intégrine. Des recherches plus récentes réalisées grâce à un microscope à force atomique (une bombe en terme d’équipement de pointe pour étudier notamment les liaisons entre virus et cellules vivantes), ont démontré des liaisons plus stables – et donc plus compliquées à défaire – des variants du SARS-CoV-2 avec les récepteurs de nos cellules. Combinés avec la perte d’affinité de certains anticorps pour la protéine spike des variants, ces résultats sont l’occasion de mettre sur la table la question de l’adaptation du vaccin aux nouveaux variants.

Les variants, notamment le variant Kappa proche cousin du Delta, adoptent une nouvelle stratégie pour se lier de manière plus efficace aux cellules qu’ils souhaitent envahir. Plutôt que d’augmenter la force de leur liaison à un endroit précis de nos récepteurs ACE2, porte d’entrée principale du coronavirus dans nos cellules, ils multiplient les petites liaisons sur une plus grande surface. La liaison « globale » du variant aux cellules est ainsi plus stable.

Les variants : un scratch du virus

C’est un peu comme si la souche originale du SARS-CoV-2 se liait à nos cellules au moyen d’un bouton-pression et que les variants, eux, aient plutôt opté pour un système de scratch où chaque petite liaison n’est pas aussi forte que celle du bouton-pression mais où, ensemble, toutes ces petites liaisons engendrent une interaction très stable des variants avec nos cellules. « Nous avons travaillé avec différents variants dont le Kappa qui, au moment des manipulations effectuées pour cette recherche, était le nouveau variant en provenance d’Inde. On peut supposer que le variant Delta se comporte de manière très similaire ». L’équipe du Pr Alsteens a également testé l’affinité et la liaison des deux types d’anticorps produits lors d’une exposition à la souche originale du virus ou au vaccin. L’un permettait toujours de bloquer la liaison de la protéine spike du variant Kappa sur le récepteur ACE2 tandis que l’autre n’avait plus d’effet sur cette liaison.

Adapter les vaccins aux nouveaux variants ?

Ces recherches ont permis de visualiser et mesurer concrètement comment les mutations modifient les interactions entre le virus et nos cellules. Elles permettent aussi d’introduire la question de l’adaptation des vaccins aux nouveaux variants. Au moment de la mise sur le marché des vaccins, et notamment des vaccins à ARNm, les firmes pharmaceutiques déclaraient qu’un des grands avantages de ces vaccins était d’être facilement modulables pour rester efficaces contre de nouveaux variants. Un délai de six semaines pour un vaccin adapté avait d’ailleurs été avancé.

À la question de l’adaptation du vaccin, la Pre Sophie Lucas, présidente de l’Institut de Duve de l’UCLouvain, répond que ce n’est pas encore le moment.

COVID-19 : quel est l’impact des glycanes sur le virus ?

La pandémie causée par le virus SARSCoV-2 est responsable de millions de décès à travers le monde. Plusieurs interrogations existent quant aux mécanismes moléculaires impliqués dans la reconnaissance du virus par les cellules et à son action au sein de l’organisme. Une équipe de chercheurs, supervisée par le professeur François Chaumont et la docteure Catherine Navarre, vise à déterminer l’influence du profil de glycosylation de la glycoprotéine S sur son interaction avec le récepteur hACE2.

La première étape de l’infection par le virus SARS-CoV-2 consiste en une interaction physique entre une protéine de l’enveloppe virale, la glycoprotéine Spike, et un récepteur présent à la surface des cellules humaines, le récepteur hACE2. La glycoprotéine S est modifiée par l’ajout d’oligosaccharides ou glycanes fixés à certains acides aminés asparagine de la protéine, un processus appelé la N-glycosylation. Le profil des glycanes de la glycoprotéine S est donc une propriété essentielle à étudier pour comprendre la liaison du virus au récepteur hACE2.

La première étape du projet consiste à produire différents variants de la glycoprotéine S, qui se lie au récepteur humain. Ces glycovariants présenteront des profils de glycosylation homogènes prédéfinis de manière contrôlée. Pour ce faire, les chercheurs utilisent une plateforme d’expression de protéines dans une lignée cellulaire de cellules végétales en suspension. Il s’agit d’un système de production de glycoprotéines thérapeutiques alternatif aux plateformes de cellules animales. Ce système présente l’avantage d’un très faible risque de contamination des cellules par des pathogènes humains (virus ou mycoplasmes). Un autre avantage des cellules de plante est leur capacité à tolérer l’ingénierie des enzymes intervenant dans la voie de N-glycosylation des glycoprotéines. Le laboratoire du professeur Chaumont a généré plusieurs lignées de cellules de tabac BY-2 dans lesquelles la voie de biosynthèse des glycanes a été modifiée génétiquement. Ces lignées permettent de produire la glycoprotéine S, soit avec un profil de glycosylation complexe ressemblant à celui obtenu dans les cellules humaines, soit avec un profil de glycosylation plus homogène ne comprenant que des sucres de type oligomannosidique, ou soit avec un profil simplifié ne comportant qu’un seul résidu (N-acétyl-D-glucosamine ou GlucNAc).

Les chercheurs ont ainsi généré différentes constructions génétiques en vue d’optimiser la production d’une région de la glycoprotéine S (gS1) comprenant le domaine de liaison au récepteur humain. L’expression de la glycoprotéine a tout d’abord été testée dans des feuilles de tabac. Ce système d’expression permet de produire les différentes glycoprotéines en moins d’une semaine après infiltration des feuilles, et a permis de démontrer la production de protéine gS1.

En parallèle, les chercheurs testent également des constructions génétiques permettant de produire uniquement le domaine de liaison au récepteur RBD de différents variants du virus SARSCoV-2 (Alpha, Delta, Omicron) et du virus SARS-CoV-1. Les paramètres d’association et de dissociation entre le récepteur humain hACE2 et les différents glycovariants produits seront analysés en collaboration avec le professeur David Alsteens. Ces études permettront de mettre en évidence l’implication des glycanes dans la liaison de la glycoprotéine S sur le récepteur hACE2.

Perte des gestes barrières

En avril 2021, le professeur Olivier Luminet, psychologue de la santé, et son équipe démarraient une étude sur l’évolution du respect des gestes barrières afin de déterminer ce qui influence la population dans le suivi ou non des règles sanitaires. Les scientifiques UCLouvain observent non seulement un relâchement des gestes barrières entre les diverses vagues de la pandémie mais également un suivi moins important sur le long terme.

Depuis deux ans, notre vie est rythmée par la pandémie, le relâchement ou le durcissement des mesures, la vaccination, les diverses vagues et les recrudescences du virus. Une équipe de chercheurs de l’UCLouvain, dirigée par le professeur Olivier Luminet, a donc analysé l’évolution de l’application des gestes barrières (lavage des mains, port du masque, distanciation physique et limitation des contacts sociaux), en fonction de la situation épidémiologique, des mesures décidées par les autorités politiques et de l’état psychologique de la population. L’étude longitudinale, menée en plusieurs phases, compare le suivi des gestes barrières à six moments importants de la pandémie, entre avril et début juillet (5 collectes) et fin novembre/début décembre 2021, sur un échantillon longitudinal de 847 Belges francophones.

Cette troisième phase de la recherche survient au moment où il y a un rebond du virus en Belgique, une accélération de la vaccination avec la troisième dose et l’apparition du nouveau variant Omicron qui rappelle que les comportements sanitaires ne doivent pas être trop vite abandonnés.

Les principaux résultats

Il ressort de l’enquête que le respect des règles sanitaires tend à diminuer de manière générale. Le niveau de suivi des mesures sanitaires fin novembre est assez proche de celui observé fin juin, au moment où la situation épidémiologique était pourtant beaucoup plus favorable. Les scientifiques constatent donc un décalage important entre le degré de sévérité de la pandémie et le degré de suivi des comportements sanitaires. Cela peut s’expliquer d’une part par un effet de lassitude de la population mais également par la perception d’un risque moins élevé dû au nouveau variant.

Les jeunes de 18 à 35 ans suivent moins les comportements sanitaires par rapport aux autres groupes d’âge et cet écart s’agrandit à travers le temps. Les personnes disposant d’un niveau d’éducation plus élevé (master) tendent aussi à moins respecter les comportements sanitaires. Les personnes vaccinées respectent davantage les comportements sanitaires par rapport aux personnes non-vaccinées, et cet écart se creuse à travers le temps. Enfin, plus la perception du risque d’être infecté est élevée, plus les participants affirment appliquer les règles sanitaires.

Recommandations

« Les résultats obtenus soulignent la nécessité de campagnes régulières de sensibilisation de la population à l’importance de suivre les comportements sanitaires, particulièrement aux moments où la pandémie redevient plus sévère comme c’est le cas actuellement », explique le professeur Luminet. Le décalage observé entre le suivi des comportements et la situation épidémiologique actuelle renforce cette nécessité. Les résultats montrent également que certains groupes méritent d’être particulièrement sensibilisés à l’importance de ces comportements. « Il est important de souligner que ces mesures doivent être encouragées à la lumière des enjeux psychologiques que certains comportements sanitaires peuvent générer sur la santé mentale de la population. En effet, alors que le lavage des mains n’exerce aucun impact sur celle-ci, une limitation prolongée des contacts sociaux aura un impact négatif sur notre bien-être » conclut Olivier Luminet.

Publié le 31 janvier 2022