Première Rencontre de Théorie Politique Analytique

CHAIRE HOOVER Louvain-La-Neuve

15 juin 2021

13:45 - 18:20

Aubervilliers

Campus Condorcet

Organisée le 15 juin 2021, dans la salle 0.033, rez-de-chaussée du bâtiment de recherche Sud, Campus Condorcet, 15 cours des humanités, 93322 Aubervilliers, par Victor Mardellat (victor.mardellat@ehess.fr), doctorant à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (CESPRA) et Pierre-Étienne Vandamme (pierre-etienne.vandamme@ulb.be), chargé de recherches FNRS à l’Université libre de Bruxelles (Cevipol) et chargé de cours invité à l’UCLouvain. Avec le soutien du CESPRA et de la Chaire Hoover d’éthique économique et sociale.

Inscription obligatoire auprès des organisateurs, que ce soit pour y assister sur place ou à distance.

Lien pour participer en ligne (via Microsoft Teams)
Il n’est pas nécessaire d’avoir un abonnement ni d’avoir téléchargé l’application pour participer.

 

 

Programme :

13h45 : Accueil et introduction
14h : Sandrine Baume (Université de Lausanne) – Jusqu’où la démocratie peut-elle aller pour se protéger ? L’approche kelsénienne et ses échos contemporains
14h40 : Alice el-Wakil (Université de Zurich) – Agenda politique et systèmes démocratiques
15h20 : Pierre-Étienne Vandamme (Université libre de Bruxelles) – Qu’est-ce qui fait la légitimité de la représentation par tirage au sort ?

16h : pause

16h20 : Pierre Crétois (Université Bordeaux-Montaigne) – Le concept de propriété : entre réalisme et conventionnalisme
17h : François Boucher (KU Leuven) – Injustice structurelle, responsabilité collective et allocation des obligations de protection des réfugiés
17h40 : Victor Mardellat (EHESS) – Une solution contractualiste au problème du tramway ?
18h20 : fin de la journée

La rencontre sera suivie par une discussion sur la création d’un réseau de chercheur.e.s en théorie politique analytique.

Résumés des interventions :

Jusqu'où la démocratie peut-elle aller pour se protéger ? L'approche kelsénienne et ses échos contemporains (Sandrine Baume, Université de Lausanne)

Since the 1930s, there have been intense debates about how far democracy can go to secure itself against its enemies. In regard to this controverse, Hans Kelsen’s antagonistic relationship with militant democracy is well established in the literature and is not a matter of controversy. Indeed, Kelsen indisputably opposed “militant democracy” (Capoccia 2013; Müller 2016; Malkopoulou and Nordman 2018; Bruijnaers 2018) and emerged as a serious challenger of this paradigm, which Loewenstein pioneered and elaborated in the interwar years. Kelsen very clearly manifested his opposition to democratic governments attempting to assert themselves “against the will of the majority” in any way (Kelsen 1932, my translation).

Although, Kelsen’s opposition to “militant democracy” appears undisputable, I examine his position for two reasons, each of them in a specific section of my paper. In the section 1, I would like to anchor more deeply and systematically Kelsen’s opposition to militant democracy in his own theory of democracy, with an intent to explain why his opposition was so surprisingly immune to the defeat of democracies, as painfully observed in the 1930s. In section 2, the paper, on the one hand, re-evaluates the widespread opinion according to which Kelsen would not have any contemporary supporters regarding his rejection of militant democracy, and on the other hand, discusses the lines of consistency–inconsistency between Kelsen and a new generation of authors sharing doubts regarding militant democracy. Along with historical reasons, this evaluation will also show how delicate it is to endorse Kelsen’s arguments and mainly his relativism to reject militant democracy. Through these two steps, this paper provides a fresh perspective on the strengths and weaknesses of Kelsen’s perspective on militant democracy and evaluates his influence on that matter in the contemporary literature.

Qu’est-ce qui fait la légitimité de la représentation par tirage au sort ? (Pierre-Etienne Vandamme, Université libre de Bruxelles)

Cet article explore les sources possibles de légitimité des assemblées citoyennes tirées au sort. De tels organes sont de plus en plus appelés à faire des recommandations au nom du grand public et sont même considérés par certains théoriciens politiques comme une forme de représentation préférable à la représentation électorale. Hélène Landemore a récemment soutenu que la légitimité d’une telle représentation « lotocratique » découlerait essentiellement d'un moment d’autorisation populaire – une autorisation à être représenté par tirage au sort, exprimée par exemple dans un référendum. Cet article traite de la question préalable : quelles raisons les citoyens pourraient-ils avoir d'autoriser une telle forme de représentation, et pour quelles fonctions ? L’égalité politique, la représentativité statistique, l’ordinarité et l'impartialité font l’objet d'une discussion critique et sont rejetés comme bases solides de légitimité. Le potentiel délibératif et épistémique d’assemblées citoyennes correctement conçues est alors défendu comme une source de légitimité plus forte, mais pour des assemblées citoyennes complétant la représentation électorale, avec un rôle politiquement influent mais subordonné. L’article rejette donc à la fois l'affirmation de C. Lafont selon laquelle les assemblées de citoyens devraient informer l’opinion publique mais pas la prise de décision politique, et celle de Landemore selon laquelle elles pourraient être le principal organe législatif.

Le concept de propriété : entre réalisme et conventionnalisme (Pierre Crétois, Université Bordeaux-Montaigne)

Le concept de propriété a fait l’objet de quelques développements philosophiques dans le contexte français récent mais qui restent assez rares alors que de nombreux articles et livres importants ont pu être écrits à son sujet en langue anglaise. Est-ce à dire que la common law rend plus ouverte la réflexion en la matière ? Il est vrai que le droit continental semble avoir tranché le problème de la nature du droit de propriété dans le du code civil à l’article 544 : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » Cette position est celle que j’appellerais réaliste pour deux raisons, d’abord au sens le plus standard de la méta-éthique parce qu’elle donne au droit de propriété un contenu objectif, ensuite, en un sens plus spécifique à mon approche, parce qu’elle caractérise la propriété comme une relation qui attribue une ressource matérielle (res) à une personne.

Prima facie, on se demande légitimement comment définir autrement le droit de propriété. Pourtant, en analysant la notion de plus près, on découvre qu’il existe plusieurs façons possibles de prendre une distance théorique à l’égard du réalisme sous-jacent aux conceptions dominantes. Je les limiterai à trois que je déclinerai en jouant sur une différenciation entre le fondement et le contenu du concept de propriété. (a) Le fondement du concept de propriété désigne dans notre approche ce qui explique son existence : la propriété est-elle une réalité normative dont l’existence est relativement indépendante des institutions ou une convention ? (b) Le contenu du concept de propriété désigne l’ensemble de ses caractéristiques essentielles : les caractéristiques du concept de propriété dépendent-elles ou non de nos attentes subjectives ou ont-elles, au contraire, une dimension objective relativement indépendante des orientations de l’esprit ? Notre exposé permettra d’établir une typologie entre trois conceptions différentes du droit de propriété : un réalisme du fondement et du contenu ; un conventionnalisme du fondement avec réalisme du contenu ; un conventionnalisme du fondement et du contenu. Cette typologie est de nature à éclaircir certaines incompréhensions conceptuelles au sujet de la propriété et à clarifier les positions en présence.

Injustice structurelle, responsabilité collective et allocation des obligations de protection des réfugiés (François Boucher, KU Leuven)

(Pas de résumé)

Une solution contractualiste au problème du tramway ? (Victor Mardellat, EHESS)

Pour résoudre le problème du tramway, les contractualistes scanloniens doivent établir qu’il existe un principe qui (i) autorise un passant à dévier un tramway sur une personne innocente si cela est nécessaire pour empêcher que le tramway ne renverse et ne tue cinq autres innocents, (ii) interdit à un chirurgien de tuer un patient non consentant afin de greffer ses organes viables sur cinq autres personnes qui mourront si la greffe n’est pas réalisée, et (iii) est tel qu’aucune des personnes concernées ne pourrait raisonnablement le rejeter. Dans cette contribution, on s’intéressera au Principe des Séquences Causales, qui remplit les conditions (i) et (ii) en ce qu’il attache une importance morale particulière à la distinction entre créer et rediriger des menaces. Nous montrerons d’abord que les contractualistes ex post – qui évaluent la rejetabilité raisonnable d’un principe donné sur la base des fardeaux et préjudices que ce principe autoriserait les individus à faire peser sur autrui – sont incapables d’expliquer pourquoi le passant est autorisé à dévier le tramway. Nous avancerons ensuite un argument visant à démontrer que le contractualisme ex ante – dans le cadre duquel la rejetabilité raisonnable d’un principe donné est fonction du risque que tel ou tel fardeau ou préjudice s’abatte sur les personnes occupant certaines positions génériques – est en mesure de produire une défense convaincante du Principe des Séquences Causales, et ainsi de résoudre le problème du tramway.