WEP #2 - 26 février 2018
Happy Birthday Karl!
Colloque anniversaire des 200 ans de la naissance de Karl Marx.
Contact: Louis Larue et Olivier Malay
Des chercheurs et chercheuses d'horizons et de disciplines variées vont présenter une idée inspirée de l’œuvre de Marx ou du marxisme et en montrer la pertinence contemporaine pour penser ou pour agir. Rigueur analytique, idées incisives et ancrage dans le monde d'aujourd'hui seront les mots d'ordre de la journée. Vous êtes donc invités à participer à ce rendez-vous qui s'annonce d'ores et déjà riche en discussions.
Présidence: Louise Lambert (UCL - CIRTES et IRES)
Le marché peut-il être juste?
Le marché constitue une forme purement contractuelle de relation sociale qui repose sur des échanges formellement consentis de biens parfaitement aliénables contre paiement. Les écrits de Marx reconnaissent cette définition (Marx, 1993, p. 99‑100; Marx et Engels, 2008, p. 29‑30), et certains marxistes ont défendu que le marché nuisait à l’esprit de fraternité en s’appuyant sur ses écrits (Cohen, 2009). Dans leur prolongement, je défends que le marché affaiblit la valeur de l’engagement social et politique (et non pas seulement celle de la communauté) en donnant un poids excessif à l’intérêt personnel, et qu’il nuit à la possibilité pour chacun d’opérer des comparaisons signifiantes entre différents biens ou entre différentes valeurs. Ensemble, ces deux tendances nuisent à l’établissement d’une société pleinement juste.
Louis Larue (UCL - Chaire Hoover) est doctorant à la Chaire Hoover d'éthique économique et sociale et assistant à l'Economics School of Louvain, au sein de l'Université Catholique de Louvain.
The legacy of Marx in Poland: what impact on the emergence of left-wing parties?
The hypothesis tested in this presentation is whether the legacy of Karl Marx, associated with Leninism, Stalinism and post-Stalinism, has been a hindrance to the development of social-democratic parties in Poland post-1989. We explore to what extent – in combination with a number of other factors (e.g. historic inequality between land-owners and peasants, political cleavages centered around clerical and communist-legacy issues) – this can explain the relative absence of redistribution as a salient cleavage in Poland’s political sphere.
Agathe Osinski (UCL – JUR-I & LP Transition) est assistante de recherche et doctorante en sciences politiques à l’UCL, ou elle contribue à un projet de recherche sur l’économie collaborative. Elle s’intéresse aux inégalités socio-économiques et aux méthodes de recherche transdisciplinaires et participatives.
Les groupes désavantagés et le privilège épistémique
Karl Marx développe l'idée que les prolétaires et seulement eux ont une connaissance privilégiée des relations de pouvoir au sein du processus de production, en raison de leur position sociale particulière dans la société capitaliste. Le prolétaire connaît à la fois le rôle d’opprimé et celui d’oppresseur, tandis que le capitaliste ne connaît que le rôle du dominant. Cette dualité de la réalité perçue par le prolétaire lui permet de comprendre et plus tard de s'opposer aux formes existantes de domination. Dans la suite de Marx, certaines féministes comme Nancy Hartsock et Ann Ferguson ont utilisé cette idée pour mettre en évidence le savoir privilégié des femmes pour comprendre les relations de pouvoir entre les genres. Dans cette présentation, je vais 1) élargir cette idée en l'appliquant à l’ensemble des personnes désavantagées et 2) en faire découler la nécessité de défendre des mécanismes délibératif pour accéder à cette connaissance. Deux raisons plaident pour de tels mécanismes. Premièrement, car sans écouter les groupes désavantagés, il est impossible d’obtenir suffisamment de connaissances sur leur propre condition pour nourrir adéquatement les débats et les actions politiques. Deuxièmement, l’inclusion de ce type de connaissance dans un processus délibératif pourrait arriver à des décisions moins biaisées et aller au-delà d’un intérêt uniquement individuel ou des groups dominants.
Katarina Pitasse Fragoso (UCL – Chaire Hoover) est doctorante en philosophie à l’Université catholique de Louvain, boursière du Ministère d'Éducation Brésilien (CAPES). Membre de la Chaire Hoover d'éthique économique et sociale et à l’Institut Supérieur de Philosophie. Ses recherches portent sur la défense d’une politique participative pour combattre la pauvreté.
La fin de la croissance économique, c'est la fin de la social-démocratie?
La croissance économique a été, au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, un instrument ayant permis de pacifier les rapports entre travail et capital. Avec un gâteau grossissant à un rythme de 4 ou 5% par an, il fut possible de mettre en place des Etats-providences en Europe (contentant le monde du travail) sans pour autant déposséder les détenteurs de capital (contentant ces derniers). La croissance fut la base matérielle de la social-démocratie. Pour la première moitié du XXIème siècle certains économistes parmi les plus influents anticipent une « stagnation séculaire » en Occident, c'est à dire une période prolongée de croissance faible voire nulle. Si c'est le cas, une redistribution des fruits de la croissance entre travail et capital sera compliquée… vu qu’il n’y aura presque plus de croissance. Dans une telle configuration, la plupart des gains pour le monde du capital devront se faire par un prélèvement au monde du travail, et vice versa. Il faudrait donc anticiper 1) un renchérissement important de la lutte des classes 2) une disparition de la social-démocratie, qui voit la base matérielle de ses politiques s'éroder (déjà en cours) 3) la progression de partis axés sur la lutte des classes. Tout cela pouvant mener à moyen termes et dans certains pays à a) des prises de pouvoir socialistes b) une recomposition social-démocrate de gauche, c) une recomposition libérale vers le keynésianisme ou d) le fascisme.
Olivier Malay (UCL – IRES & Chaire Hoover) est doctorant en sciences économiques à la Chaire Hoover d’éthique économique et sociale et à l’IRES (UCL). Ses recherches portent sur les indicateurs alternatifs au PIB et la transition écologique et sociale. Il a reçu le prix « jeune chercheur » 2017 de l’European Society for Ecological Economics.
Le fétichisme de la concertation sociale
La concertation sociale est très présente en Belgique à différents niveaux. Mais les mutations économiques, politiques et idéologiques des 40 dernières années ont transformé la concertation sociale de « moyen » pour parvenir à améliorer le quotidien des travailleurs à « une fin » en soi: être autour de la table pour ... être autour de la table.
Cette transformation a de nombreuses origines (économiques, politiques, idéologiques générales) mais sont également spécifiques à une certaine vision du syndicalisme (syndicalisme de marché, syndicalisme réformiste, syndicalisme de classe) dont la forme majoritaire en Belgique est le syndicalisme réformiste. Le fétichisme de la concertation consiste (en très bref) à doter la concertation de pouvoirs « magiques » (qui seraient d’avoir des accords qui conviennent à tout le monde) plutôt que de la voir comme un prolongement d’un rapport de force « brut » à un moment donné, mais qui sera inévitablement suivi d’un nouveau rapport de force qui sera moins civil que la concertation sociale.
Nic Görtz (ULB – Solvay Business School) est docteur de sciences économiques et de gestion (Solvay Brussels School of Economics & Mangement, ULB). Sa thèse (2017) proposait une analyse marxiste des trajectoires des organisations syndicales en Belgique. Auteur de plusieurs articles sur les syndicats, il a également contribué à réintroduire Saul Alinsky dans le monde francophone. Il est actuellement permanent syndical à la CSC.
15h40 L’idéologie, camera obscura ou langage de la vie réelle ?
Les signes idéologiques (mots, concepts, etc.) sont le lieu d’un conflit entre des accentuations renvoyant à des horizons de classe distincts, en faisant une arène privilégiée de la lutte politique. Prenant le contre-pied d’une conception négative de l’idéologie comme antithèse de la science – notamment présente chez Althusser – qui la réduit ainsi à une forme de « fausse conscience » – sur base d’une lecture partielle de L'idéologie allemande suivant laquelle l'idéologie travestirait nécessairement le rapport au réel en présentant les rapports sociaux « la tête en bas, comme dans une camera obscura » – cette communication entend aborder les idées et les représentations d’une manière plus porteuse sur le plan philosophique et politique, en les considérant, à l’instar de Marx et Engels dans leur ouvrage précurseur, comme « langage de la vie réelle ». C’est alors un tout autre développement du programme de recherche marxiste qui se trouve éclairé, passant par la philosophie du langage de Voloshinov et la théorie politique de Gramsci, valorisant toutes deux l'importance de la lutte entre des accentuations idéologiques, entre des conceptions du monde, articulées à des horizons historiques et politiques de classe distincts. Il devient alors à la fois possible de saisir la manière dont l'idéologie dominante parvient à se hisser au rang de seule alternative possible – semblant conférer à des concepts politiques aussi fondamentaux que ceux de liberté, de démocratie ou de révolution une signification unique – mais également de souligner en quoi l’approfondissement des contradictions du capitalisme et l’accélération du rythme de l’histoire peuvent contribuer à faire exploser cette apparente monoaccentuation, rendant ainsi toute sa vitalité dialectique à la scène idéologique.
Sebastien Antoine (UCL Mons & LAAP) est docteur en sciences politiques et sociales et chargé de cours invité à l'UCL-Mons. Sa thèse portait sur la dimension politique de la pratique enseignante, mobilisant les contributions de la philosophie du langage de Voloshinov, de la psychologie sociale de Vygotski et de la théorie politique de Gramsci, sur base d'une ethnographie comparée au sein d'écoles secondaires publiques de Bruxelles et São Paulo.
16h20 Marxisme, justice et normativité : que faire de la philosophie après Marx ?
Dès L’idéologie allemande (1845) et jusqu’au Capital (1867) Marx élabore une théorie matérialiste de l’inscription de la pensée au sein de la structure sociale dont elle est un élément « superstructurel », à la fois déterminé et néanmoins doté d’une forme d’« autonomie relative » ou d’« action en retour ». Cette thèse a deux implications majeures concernant le statut de la philosophie et la possibilité d’une philosophie normative : (1) Marx introduit un doute radical quant à la possibilité pour la pensée de se ranger d’un côté ou de l’autre de l’alternative opposant le « descriptif » et le « normatif » ; (2) à l’intersection indécidable du descriptif et du normatif, il invite à remettre en question la pertinence de la catégorie de « justice », au profit d’une norme historique et immanente de « liberté-puissance » qui ne s’oppose pas tant à « l’injuste » qu’à « l’intolérable » qu’il faudrait entendre au sens immunitaire de ce qu’une forme de vie ne peut supporter sans se voir détruite. Faire face à l’intolérable suppose alors un tout autre type de « travail » collectif que celui de la discussion à visée normative : la formation d’une culture alternative au sein de diverses formes d’organisations et d’institutions de luttes encore à construire – une tâche qui conditionne et déborde largement les ressources du seul travail théorique.
Jean Matthys (UCL – CPDR) est doctorant en philosophie, titulaire d’un mandat « Aspirant » du Fonds de la Recherche Scientifique – FNRS. Rattaché au Centre de Philosophie du Droit et à l’Institut Supérieur de Philosophie de l’Université catholique de Louvain, il est également membre du Groupe de Recherches Matérialistes. Ses recherches portent sur les réceptions françaises de Spinoza en lien avec les théories politiques marxistes au XXème siècle.
WEP #1 - 20 mars 2017
With the collaboration of Cefises
Contact: Louis Larue
With Philippe Mongin (HEC, CNRS), Maxime Desmarais-Tremblay (Université de Lausanne), Francois Maniquet (CORE, UCL), Antoinette Baujard (GATE, Université de St-Étienne), Irène Berthonnet (Ladyss, Paris 7), Danielle Zwarthoed (Chaire Hovver, UCL).
9:00 Accueil (Louis Larue)
Chair : Louis Larue
9:05 François Maniquet : L’articulation entre les démarches positive et normative dans quelques branches de l’économie
Discutant : Pierre Dehez
10:05 Danielle Zwarthoed : « Il est toujours préférable d'avoir plus que moins »: proposition factuelle ou parti pris normatif?
Discutant : Louise Lambert
11:05 : Philippe Mongin : Les origines de la distinction entre positif et normatif en économie,
Discutant : Clément Fontan
Chair : Katarina Pitasse Fragoso
14:00 Antoinette Baujard : Quatre modèles pour penser à la normativité des recommandations de politique par les économistes
Discutant : Olivier Malay
15:00 Irène Berthonnet : L’impossible objectivation de l’efficacité économique
Discutant : John Nève
16:00 Maxime Desmarais-Tremblay : Les sources de la normativité en économie. Le cas des principes de l’impôt
Discutant : Juliana Mesen Vargas
17:00 Table ronde animée par Thomas Michael Mueller
18:00 Fin
Avec le soutien de Iacchos et de l'école doctorale de philosophie de l'UCL.