Esther Duflo, prix Nobel d’économie

Esther Duflo, économiste franco-américaine, a reçu ce 14 octobre le Prix Nobel d’économie en même temps que les Américains Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour leurs travaux ‘qui ont considérablement amélioré notre capacité à lutter contre la pauvreté sur un plan pratique’. Esther Duflo, qui est la 2e femme à recevoir ce prix et aussi la plus jeune, a reçu un doctorat honoris causa de l’UCLouvain en 2010, tandis que son mari Abhijit Banerjee était fait docteur honoris causa de la KU Leuven en 2014.

En février 2010, l’UCLouvain a remis le titre de docteur honoris causa à Esther Duflo, professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT aux côtés de Boris Cyrulnik, neuro-psychiatre, Venantie Bisimwa Nabintu, du Réseau des femmes pour la défense des droits et de la paix à Bukavu et Herman Van Rompuy, alors président du Conseil européen.

Recherche académique et implication directe

« La lutte contre la pauvreté est la réponse à une crise permanente ». Ainsi s’exprimait Esther Duflo lors de sa leçon inaugurale de la chaire « Savoir contre pauvreté », le 8 janvier 2009 au Collège de France, expliquait en février 2010 Bruno Van der Linden, professeur à l’IRES.
Le désastre humain de la pauvreté, dans nos pays comme dans le reste du monde, est un cri permanent pour qui cherche à l’entendre. Esther Duflo a entendu ce cri très tôt (…). Étudiante en histoire, elle fait la rencontre d’économistes qui lui révèlent qu'une proximité entre la science économique et de grands enjeux sociaux est possible. La combinaison d’une vie unifiée, faite de recherche académique et d’implication directe dans le devenir des gens, lui ouvre une perspective dans laquelle elle s’engouffre. Avec une énergie et une intelligence peu communes. Après une maîtrise en histoire et une autre en économie, elle part pour les Etats-Unis où elle achève une thèse au MIT à l'âge de 27 ans. Elle est actuellement professeur au MIT. Elle a fondé et dirige le Poverty Action Lab, un réseau de chercheurs qui évalue actuellement une centaine de projets de par le monde. Sa recherche et son engagement sont reconnus par de très nombreux prix.
Bruno Van der Linden ajoute encore : Esther Duflo ne se contente pas d'évaluer l'efficacité des projets menés dans le sud. Elle veut comprendre les raisons des succès et des échecs et les processus sous-jacents (…). Cette démarche conduit par exemple à réviser nos conceptions sur les processus de diffusion de l'innovation, sur le choix d'investissement et sur la prise de décision au sein des ménages, en tout cas dans les contextes vécus par les populations étudiées. L’expérimentation permet in fine d’enrichir nos constructions théoriques.

Une innovation qui échoue est plus utile qu’une autre qui a un succès formidable

Esther Duflo s’est alors adressée aux étudiant·es. « Quels que soient vos talents, vous avez la capacité et l’opportunité de trouver un problème que vous pouvez résoudre si vous consacrez l’énergie, si vous prenez le temps d’écouter, si vous prenez le temps de réfléchir. Ne vous laissez pas décourager par l’ampleur du problème. Il n’y a pas d’avancée trop petite. La pauvreté est faite de cercles vicieux qui peuvent aussi se transformer en cercles vertueux grâce à une petite intervention dont vous ne réalisez pas forcément toutes les implications quand vous y pensez. Ainsi un kilo de lentilles bien utilisées peut multiplier les taux de vaccination par huit. Une formation peut transformer une jeune femme en une fée qui développe le secret de la lecture à des enfants qui sont perdus depuis quelques années. La seule chose importante, à part bien sûr d’avoir l’énergie de commencer et d’avancer, c’est d’accepter la possibilité de l’erreur. Une innovation qui échoue et qui est reconnue comme telle est plus utile qu’une autre qui a un succès formidable mais dont on ne tire jamais une leçon. »

Publié le 14 octobre 2019