Selon l'OMS, l'épidémie de Covid-19 est accompagnée d'une infodémie : un flux d'informations (vraies et fausses) énorme et incessant, difficile à gérer pour les individus. Cette infodémie pose problème car elle peut générer une incompréhension du virus, de l'anxiété et empêcher l'adoption de pratiques efficaces de lutte contre la pandémie. Une meilleure compréhension de l’infodémie permettrait d’améliorer la lutte contre l’épidémie.
Une étude interdisciplinaire coordonnée par 4 scientifiques de l’UCLouvain, Grégoire Lits, Amélie Cougnon, Alexandre Heeren et Bernard Hanseeuw, a mesuré l’évolution de cette infodémie, depuis le 30 mars, auprès de 1 817 Belges francophones. L’étude entame sa 2e phase, jusqu’au 25 mai.
Les premiers résultats, en quelques chiffres clés ?
- 90 % de la population s’informe principalement via les médias traditionnels, les jeunes sont les plus nombreux à combiner médias traditionnels et réseaux sociaux (24%)
- Les expert·es et professionnel·les de la santé constituent la source d’information à laquelle les Belges francophones font le plus confiance (83 %)
- 81 % des répondant·es jugent le gouvernement fédéral comme une source d’information fiable, c’est un niveau plus élevé que celui accordé à l’ensemble des médias traditionnels
- 1 Belge francophone sur 2 (50 %) partage des infos sur le coronavirus sur les RS : avec, en majorité, les adultes entre 26-65 ans (62 %, contre 35 % des 16-25 ans et 38 % des 66 ans et +)
- 10,4 % des répondant·es qui ont partagé des informations sur les RS reconnaissent avoir partagé par inadvertance de fausses informations, soit +/- 214 000 personnes
- Les jeunes, davantage dupés par les fake news ? Faux ! Ils sont 62 % à avoir conscience d’avoir été exposés à de fausses informations (contre 49 % pour l’ensemble de la population et 18 % pour les 66 ans et +). Ils semblent faire une utilisation plus critique des RS
- Les 66 ans et +, groupe le plus à risque dans l’infodémie : 4 seniors sur 10 (38 %) partagent des infos sur les RS et parmi eux, 25 % reconnaissent avoir partagé des contenus faux
« Le groupe le plus à risque dans l’infodémie est le même que celui le plus exposé à l’épidémie de Covid-19, il s’agit des 66 ans et plus. Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne sont pas les plus susceptibles de partager ou de croire des fake news circulant sur les réseaux sociaux. Ils semblent faire une utilisation de ces réseaux plus critique que leurs ainés. Ils sont également les plus nombreux à faire confiance aux expert·es et aux scientifiques comme source d’information de qualité », explique Grégoire Lits, chercheur UCLouvain en communication.
Les théories du complot rassurent, les expert·es sources d’angoisse ?
L’un des maître-mots de cette étude ? L’anxiété : après deux à trois semaines de confinement, 1 Belge sur 4 éprouve un niveau d'anxiété élevé ou très élevé, particulièrement chez les - de 26 ans (1 jeune sur 3). Le niveau d’anxiété est également plus élevé chez les femmes et chez les personnes qui perçoivent le virus comme une menace importante :
- Les personnes qui perçoivent le virus comme une menace importante pour leur intégrité physique ou psychologique sont plus anxieuses, ainsi que celles qui estiment manquer d’informations pour comprendre les enjeux que pose la crise sanitaire ;
- Une plus grande confiance dans les mesures prises par le gouvernement pour faire face à l’épidémie ou le fait de croire que le virus est le fruit d’un complot politique est associée à un plus faible niveau d’anxiété. À l’inverse, une confiance plus importante dans les professionnel·les de la santé est associée à un niveau d’anxiété plus élevé.
Selon Alexandre Heeren, spécialiste de l’anxiété à l’UCLouvain : « l’existence d’un lien, et ce que quel qu’en soit la direction, entre le niveau d’anxiété et la confiance envers les professionnel·les de la santé, qui nous rappellent quotidiennement l’existence et le devenir de ce danger incertain qu’est le COVID-19, est compréhensible vu la fonction de l’anxiété dont la valeur adaptative est avant tout la planification et la préparation à ces dangers potentiels et incertains. »