« La recherche scientifique, c'est aussi un travail engagé sur des questions d'actualité »

Tout l’été – jusqu’à la rentrée –, nous rencontrons des membres du personnel de l’UCLouvain. Découvrez ces personnes et leur quotidien fait de challenges, de réussites et de projets qui les animent. Et avec la rubrique "le temps des vacances", elles·ils vous font part de leurs coups de cœur escapade / lecture / musique pour un été placé sous le signe de la découverte. Retrouvez chaque semaine un nouveau portrait en ligne.  

Cette semaine, le portrait de : Luc Rocher, chercheur-doctorant Aspirant FNRS en mathématiques appliquées à l’institut ICTEAM. Ce natif de La Rochelle est passé par les classes préparatoires à Nantes et l’Ecole normale supérieure de Lyon avant de faire sa thèse à l’UCLouvain.

Photos : ©Martin Chavée

Quand nous rencontrons Luc Rocher dans son bureau du bâtiment Euler, sur le campus de Louvain-la-Neuve, la canicule de juillet a laissé des traces. Dans ces murs, la chaleur n’est pas encore retombée. Tout comme l’intérêt pour la récente publication du chercheur sur les limites de l’anonymisation des données personnelles dans la revue Nature Communications. Nous sommes sa 16ème interview en une semaine.

L’été à l’UCLouvain est synonyme de … ?

Je n’ai pas l’impression que ça change beaucoup l’été ! En recherche, les journées se ressemblent beaucoup au cours de l’année ! Suite à ma dernière publication, j’en ai profité pour disséminer mes travaux dans la presse en Belgique et à l’étranger, en prenant le temps de répondre aux médias intéressés.

Quelles recherches menez-vous à l’UCLouvain et dans quel contexte s’inscrit cette publication?

Je réalise un doctorat sur les limites de l’anonymisation des données personnelles, et par extension, la protection de la vie privée sur internet. Je suis dans la quatrième année avec ma défense privée prévue dans un mois. Le traitement des données personnelles, c’est un sujet qui me tenait à cœur depuis mon master où j’ai travaillé sur l’utilisation des métadonnées téléphoniques. Même si quand on commence une thèse, on ne sait pas trop où l’on va et on resserre le champ de recherche en avançant ! Ma dernière publication* est par exemple le fruit d’un travail de recherche de deux ans réalisé en collaboration avec Yves-Alexandre de Montjoye, chercheur belge à Imperial College London. Je l’ai rencontré au MIT où j’ai effectué plusieurs séjours de recherche durant mes études. C’est suite à ces séjours que j’ai découvert l’UCLouvain et les travaux de Julien Hendrickx, qui est maintenant mon promoteur ici.

Quel est l’impact d’une telle publication ?

Difficile à dire au début, mais cette étude, où l’on démontre les limites de méthodes actuellement utilisées pour ‘anonymiser’ les données personnelles, peut avoir un impact fort en termes de régulation, avec les agences de protection des données personnelles et les compagnies qui traitent et partagent les données personnelles. Cet impact, c’est l’une des raisons pour lesquelles on réalise un travail de communication sur les résultats. Cette recherche appliquée offre des réponses pratiques, donc ce serait dommage de se couper de la presse et du public. Par exemple, l’entrée en vigueur du RGPD a soulevé des questionnements, ça a permis de se demander si les cadres légaux en Europe protègent bien la vie privée des personnes, et ça a mis en valeur nos résultats.

Quels sont les challenges du quotidien en tant que jeune chercheur ?

La recherche est un milieu où l’on est perpétuellement en compétition avec des milliers de gens à travers le monde. Indépendamment du domaine de recherche, on fait partie d’une communauté internationale et il faut réussir à faire des recherches pertinentes, intéressantes et novatrices. Et les effectuer rapidement parce que si vous travaillez pendant trois ans sur un projet et qu’un mois avant la fin, quelqu’un publie quelque chose de similaire avant vous, l’impact de vos recherches - même si ça reste pertinent - est fortement diminué. Il y a clairement une course pour présenter des résultats de qualité rapidement.

Qu’est-ce qui vous plait dans ce métier ?

On se pose une question très ouverte et on se dit « Qu’est-ce que ça va apporter ? comment construire des expériences pour y répondre ? » Trouver les manières d’y arriver requiert beaucoup d’autonomie. La recherche académique est difficile pour beaucoup de gens parce qu’il y a des problèmes de débouchés en Europe. C’est dommage car on contribue à la connaissance, au monde, et à des questions à court terme comme à long terme.

*Vos données privées sont-elles vraiment anonymes ? Lire le résumé vulgarisé de la publication de Luc Rocher

 

Le temps des « vacances » avec Luc Rocher

  • Comment recharger ses batteries durant l’été ? Comme on vit souvent dans des environnements très urbains, j'aime sortir m'oxygéner en faisant de la randonnée, de la course à pied ou du vélo!

  • Un endroit pour s'évader ? Le Parc national de Sarek en Suède, au nord du cercle polaire. C'est un petit parc de 50km de large où il n'y a ni habitation, ni chemin. On y entre avec une carte et une boussole et on est directement au milieu des glaciers et des montagnes. Il y a très peu de présence humaine, c'est assez rare.

  • Un bouquin à conseiller à vos collègues ? Dernièrement, j'ai lu "Les Furtifs" d'Alain Damasio, qui est un auteur contemporain de science-fiction engagée. Avec ce "gros pavé" qui lui a pris 26 ans, il déconstruit la société capitaliste de surveillance et nos modes de vie.  C’est parfaitement bien écrit ; typographie, poésie, langage...un style majestueux!

  • Votre playlist de l'été ? La radio FIP. La programmation est très éclectique, on fait le plein de découvertes chaque jour.

Publié le 08 août 2019