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Logement : prendre en compte les vulnérabilités

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16 November 2023, modifié le 13 December 2024

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Chloé Salembier, professeure à la Faculté d’architecture LOCI - LAB, décrypte les liens entre logement et care en prélude au colloque ‘Habiter le care’. Une façon radicalement différente d’envisager le logement, qui tient compte de la fragilité et de la diversité des habitant·es.

Du 22 au 24 novembre, l’UCLouvain - la Faculté d’architecture LOCI LAB et Saint-Louis Bruxelles -, La Cambre (ULB) et l’asbl Angela-D organisent un colloque international, Habiter le care : le logement et ses abords au défi des gender studies.

Qu’entend-on par ‘Habiter le care’ ?

Chloé Salembier : Depuis la Révolution industrielle, le logement est conçu pour un être humain soi-disant universel et autonome. À l’inverse, si on prend les perspectives du care et du genre, le fait d’habiter devient un enjeu politique qui demande de considérer l’être humain comme vulnérable, aux prises avec diverses formes d’interdépendance. Ce qui pose pas mal de questions, autant d’axes qui seront abordés lors du colloque.

Vous parlez des caretakers, qu’est-ce que c’est ?

habiter le careC.S. : Le premier axe du colloque concerne les caretakers. Cette notion pose la question de savoir qui prend soin des autres, avec quelles ressources et quelles difficultés. Lorsqu’on aborde cet enjeu, tout de suite apparaît la question des rapports de domination car la prise en charge est distribuée de façon inégale. La majorité des caretakers sont des femmes mais aussi des femmes pauvres et racisées. Comment voir le logement à travers le regard des femmes et des enfants, des personnes âgées, des femmes de ménage etc., et le considérer comme un lieu de travail, le care étant un travail. Or le logement et la ville plus généralement ne sont pas conçus pour accueillir et organiser ce travail essentiel à la vie. 

Et les autres axes ?

Le 2e axe interroge la façon dont les espaces peuvent être supports à ce travail de care, que ce soit dans la sphère domestique, intermédiaire ou publique. La sphère intermédiaire est particulièrement intéressante car elle permet potentiellement de mutualiser le care. C’est par exemple une crèche ou une cuisine commune, une garderie, etc.

Comment l’action publique peut-elle prendre en compte les interdépendances mais aussi les inégalités dans la division sexuelle du travail dans le logement et ses abords. C’est le 3e axe.

Enfin, dernier axe, ce sont les conceptions et représentations en architecture et la façon dont celles-ci renforcent ou non les assignations liées au genre, à la classe et les phénomènes de racisation.

Cette perspective est-elle enseignée aux futur·es architectes ?

Même si les diplômé·es en architecture sont quasi à égalité des femmes et des hommes, la professionnalisation ne le reflète pas. Cette discipline véhicule encore des valeurs largement masculines :  les architectes dédient leur vie à l’architecture, créent des bureaux, gagnent des concours, etc. alors que l’on retrouve beaucoup de femmes dans les institutions publiques. Ces valeurs imprègnent aussi l’enseignement. On y parle très peu des espaces domestiques, l’être humain y est vu comme porteur de besoins universels et les espaces sont considérés comme neutres.

Des étudiant·es invité·es à changer de lunettes

Dans le cadre de la recherche CTRL+H (Care-Takers Resilience Laboratory of Housing) menée avec le soutien d’Innoviris, Chloé Salembier, Audrey Courbebaisse, Benjamin Leclercq, Agie Galicy et Emma Peltier ont invité des enseignants·es de master 1 et 2 à travailler sur des ensembles de logements collectifs en Région bruxelloise, l’objectif étant d’inciter les étudiant·es à changer de lunettes pour envisager l’architecture à partir de la prise en compte du care et du genre.

Des espaces adaptés à des situations ordinaires

« Cette année, on a donné à une centaine d’entre elles·eux des micro-récits exposant des cas très concrets – par exemple, une famille monoparentale dont la mère est femme de ménage à mi-temps – et on les invite, à partir de ces cas, à analyser la sphère domestique et à concevoir des espaces adaptés à ces situations ordinaires. Cela s’accompagnera d’ateliers participatifs sur les sites de logements avec les acteur·rices de terrains : habitant·es, assistant·es sociaux·les, gestionnaires de logements, etc. ».