Maladies rares : des enjeux pour les économistes

Le 16 décembre 2019, l’Europe fête le vingtième anniversaire de l’adoption de la règlementation sur les médicaments orphelins qui encourageait les industriels à plus de recherche pour les maladies rares. Ce numéro de Regards économiques (IRES) revient sur cette thématique.

Cette règlementation a conduit à une augmentation du nombre d'essais cliniques et de publications scientifiques concernant les maladies rares expliquent Setti Raïs Ali (Paris School of Economics) et Sandy Tubeuf (IRES). Cependant, cette hausse n’a pas bénéficié équitablement à toutes les maladies rares. Les investissements en recherche et développement ciblent tout particulièrement les maladies rares les plus fréquentes dans la population; celles qui surviennent à l’âge adulte; celles qui sont caractérisées par un âge au décès prématuré chez les adultes. Ainsi, ce sont les maladies qui touchent la petite enfance qui reçoivent les plus faibles investissements alors même qu’une maladie rare sur deux touche des enfants.

De plus, s’il y a effectivement de plus en plus de médicaments orphelins qui arrivent sur le marché européen, les prix demandés par les firmes pharmaceutiques sont très élevés et sont un obstacle à l'accès des patients.

Pourquoi ces médicaments sont-ils si chers ? Le taux de succès moyen des thérapies en développement, des prémices de la recherche clinique jusqu’à l’autorisation de mise sur le marché d’un nouveau médicament, est faible. Ainsi les industriels compensent leur investissement avec un prix élevé. A cela s’ajoute la détermination du prix selon le principe du «value based pricing». Un fabricant définit le prix d'un bien qu'il produit en prenant en compte le bénéfice que tirera l'utilisateur de ce bien. Pour les maladies rares, la mise sur le marché d'un nouveau traitement alors qu’il n’en existe aucun jusqu’alors, constitue une innovation dont la valeur thérapeutique est majeure. Les industriels justifient alors un prix fort par les propriétés supérieures voire uniques du médicament.

Néanmoins, les auteurs défendent l’idée qu’il est possible de maitriser la perpétuelle hausse observée dans le prix des médicaments orphelins et formulent trois recommandations.

Premièrement, il faut poursuivre les efforts de la plupart des pays européens à établir des registres nationaux recensant les patients avec des maladies rares. La mise en commun de ces bases de données permettra de produire plus efficacement des connaissances sur les maladies rares. Elle permettra surtout de connaître précisément et en temps réel le nombre de patients concernés par un médicament orphelin. Ainsi, on pourra évaluer le véritable impact budgétaire d’une décision de remboursement de tel ou tel autre traitement sur le budget total de la santé au niveau national comme européen.

Deuxièmement, il faut accroitre le pouvoir de négociation des décideurs politiques avec les industriels. Ce pouvoir peut prendre la forme d’un partage du risque qu’un médicament ne soit pas efficace pour certains patients. Il peut également provenir d’une plus grande coordination des pays européens pour réaliser une négociation de prix commune.

Enfin, il faut accroitre la transparence des coûts de recherche et de développement et celle des négociations portant sur les prix des médicaments de manière à tendre vers des prix plus équitables. Que représentent les financements publics ou les contributions d'associations dans la recherche et le développement de chaque médicament ? Comment le gain de progrès thérapeutique est-il estimé et valorisé monétairement ? Les firmes pharmaceutiques poursuivant un objectif de profit, une façon de contenir l’impact de cet objectif dans la fixation des prix serait d'introduire des défenseurs de l’intérêt des patients et du bien commun de la société dans le conseil d’administration de ces firmes.

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Publié le 12 décembre 2019