Priver les jeunes d’allocations n’est pas efficace

jeunes chomage

Des scientifiques de l’UCLouvain, de l’Université Saint-Louis et de l’UGent ont évalué la réforme de 2015 supprimant l’allocation d’insertion pour les jeunes de plus de 25 ans et pour les jeunes de moins de 21 ans sans diplôme de fin de secondaire. Leur analyse conclut à l’inefficacité de la loi.

La plupart des jeunes qui ne trouvent pas d'emploi après leurs études ont droit, au terme d’une période non indemnisée d’un an, à une allocation de chômage, appelée « allocation d'insertion ». En 2015, le gouvernement Michel a supprimé le droit à cette allocation pour deux groupes : les jeunes de plus de 25 ans et les jeunes de moins de 21 ans sans diplôme d'études secondaires. L'objectif était d'inciter les jeunes à chercher davantage un emploi et à ne pas quitter l'école prématurément.

Des scientifiques de l’UCLouvain, de l’Université Saint-Louis Bruxelles et de l’UGent* ont voulu savoir si ces réformes avaient atteint leurs objectifs. L’équipe publie ses résultats dans le n° 171 de la revue Regards économiques de l’UCLouvain. Elle fait trois observations en particulier.

Objectif manqué

Premièrement, pour les jeunes sans diplôme de l’enseignement secondaire, la réforme passe complètement à côté de son objectif. La suppression du droit à l’allocation d’insertion n’a d’effet statistiquement significatif ni sur les chances de trouver un emploi, ni sur l’obtention d’un diplôme ou encore sur l’abandon scolaire.

Deuxièmement, les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur trouvent plus rapidement un emploi du fait de cette réforme, mais ce n’est pas un emploi durable. Plus précisément, entre le troisième et le sixième mois suivant l’inscription en tant que demandeur d’emploi, la transition vers des emplois intérimaires de très courte durée a certes augmenté, mais les résultats indiquent que la réforme n’a pas favorisé l’accès à des emplois plus durables.

Etudes achevées plus tôt

Troisième observation enfin, il existe un effet non intentionnel de la réforme pour les jeunes de l’enseignement supérieur qui, en raison de leur âge, risquaient de perdre leurs droits aux allocations une fois sortis des études. Cette perspective a incité certains jeunes à achever leurs études plus tôt et à ne pas les arrêter prématurément. Devant ce résultat se pose la question de savoir si supprimer le droit aux allocations d’insertion après 25 ans est le meilleur moyen d’améliorer les performances académiques dans l’enseignement supérieur. Après tout, ces effets positifs ne concernent qu’un petit groupe, tandis que la suppression des allocations d’insertion est susceptible d’accroître la dépendance financière de bien des jeunes vis-à-vis de leurs familles et de plonger certains dans la pauvreté (effets qui n’ont pas pu être mesurés dans le cadre de cette étude).

L’explication de ces effets ainsi que les implications politiques des observations et la méthodologie suivie sont détaillées dans l’article publié dans le Regards économiques de ce mois de juin 2022.

 

*Muriel Dejemeppe et Bruno Van der Linden pour l’UCLouvain,  Koen Declercq pour l’Université Saint-Louis Bruxelles et Bart Cockx pour l’UGent.

Cette étude a été réalisée grâce à un financement de la Banque nationale de Belgique.

Publié le 16 juin 2022