« Ce qui m'anime ? L’inconnu »

LOUVAINS

 

Trois ans : c’est le délai dont dispose Damien Debecker, défenseur de la chimie verte, pour se consacrer pleinement à ses recherches. Par quel miracle ? Grâce à un mandat de ‘professeur de recherche Francqui’.

« Depuis tout petit, j’ai de fortes convictions écologiques », sourit Damien Debecker, professeur à la Faculté des bioingénieurs. Son laboratoire veille d’ailleurs à coller, autant que possible, aux douze principes qui définissent la chimie verte. « La catalyse, qui, par définition, permet d’accélérer une réaction chimique, est déjà en soi un des piliers de la chimie verte puisqu’elle rend les réactions efficaces, rapides et sélectives, en limitant notamment le recours aux réactifs agressifs ou aux températures élevées. » La catalyse est loin de vos préoccupations ? Elle est pourtant à la base de la majorité des réactions chimiques qui se produisent au quotidien, naturellement ou au sein de l’industrie. 

‘Biosourcée’ plutôt que ‘Pétrosourcée’ 

De plus en plus, le laboratoire du Pr Debecker travaille sur des thématiques environnementales. Parmi celles-ci, la valorisation de la biomasse, pour le développement d’une chimie ‘biosourcée’ plutôt que ‘pétrosourcée’. « Cela implique de réinventer tout un catalogue de catalyseurs qui soient adaptés aux réactions chimiques qu’il faut appliquer à ces biomolécules très fonctionnelles pour obtenir des molécules utiles. » Par ailleurs, la communauté scientifique consacre beaucoup d’efforts à la séquestration géologique du dioxyde de carbone. « Mais nous voudrions plutôt utiliser le CO2, en le transformant pour le faire ré-entrer dans la chaîne de consommation. À condition de trouver les catalyseurs adéquats ! » La catalyse permet aussi d’envisager l’intensification des procédés chimiques. « Plutôt que d’avoir plusieurs réactions successives, de A vers B, de B vers C, etc., l’idée est de faire se succéder ces réactions dans un seul réacteur, en mettant au point des catalyseurs multifonctionnels. » 

Combiner catalyseurs vivants et inorganiques

Ce nouveau mandat est une belle opportunité d’alléger les tâches d’enseignement au profit de la recherche. Damien Debecker est honoré de la confiance qui lui est faite… et ne cache pas que ce mandat tombe à point nommé. Grâce à une série de nouveaux projets, la taille de son équipe grandira fortement dans les prochains mois. Son ambition, durant ces trois années ? Développer le concept de catalyse hybride dont le principe est de faire travailler ensemble des catalyseurs artificiels, inorganiques, avec les catalyseurs du monde vivant (les enzymes) où les réactions chimiques sont facilitées par ces protéines très particulières. Ces biocatalyseurs sont à la fois hyper spécialisés (centrés sur un type de transformation) et hyper efficaces. « L’idée est de fabriquer des catalyseurs hybrides qui tirent parti des avantages respectifs des deux partenaires. Dans notre projet, nous viserons des réactions en cascade, où cette combinaison apporte une réelle plus-value, parce qu’elle permet de valoriser des molécules biosourcées ou de produire de manière plus verte des molécules à haute valeur ajoutée, comme des médicaments. » 

S’échanger des tyaux et des idées

Damien Debecker est un chercheur qui communique. « Un post sur Twitter, c’est comme faire une conférence à l’étranger pour parler de nos dernières trouvailles et engager la discussion avec la communauté. Le flux d’infos scientifiques est tel que si on se contente de publier un article, il risque d’être noyé. » Ce qui l’anime en tant que chercheur ? « L’ inconnu. Observer un phénomène neuf et consulter la littérature scientifique pour voir si quelqu’un l’a observé avant nous. Les interactions avec les chercheurs. Me frotter aux collègues biologistes ou chimistes des matériaux et s’échanger des tuyaux, des méthodes, des idées. Être chercheur, c’est découvrir du nouveau tous les jours. » 

Dominique Hoebeke
Communication UCLouvain Bruxelles

Professeur à la Faculté des bioingénieurs, chercheur à l’Institute of Condensed Matter and Nanosciences, Damien Debecker est docteur en sciences agronomiques et ingénierie biologique de l’UCLouvain. Il a été post-doc à l’Université Pierre et Marie Curie et à l’Université de Manchester.

> www.damiendebecker.com
> https://twitter.com/deuxbeck 
> https://www.francquifoundation.be/
> uclouvain.be/plein-pot-catalyse

Article paru dans le Louvain[s] de septembre-octobre-novembre 2020