Détermination ou colère ? Les émotions comptent !

 

Communiqué de presse

Une étude belge montre comment certaines émotions spécifiques influencent nos comportements liés à la pandémie du covid19.

En bref :

  • Deux études conduites par l’UCLouvain et l’UGent révèlent le rôle des émotions pour prédire des comportements de santé essentiels, ainsi que la santé mentale
  • Les résultats ? Etre plus heureux rend plus difficile la limitation des contacts sociaux ; pour les personnes les plus anxieuses, cela demande un effort particulier de suivre les recommandations sur une longue période de temps ; les personnes qui reçoivent moins de soutien social rapportent plus d’affects dépressifs et se sentent plus isolées ; enfin, la peur suscite un lavage des mains plus fréquent

Symposium : https://www.baps2020.be/baps20.html

Contacts presse :    
Olivier Luminet, chercheur à l’Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCLouvain : GSM sur demande, Olivier.Luminet@uclouvain.be
Melanie Beeckman, UGent : GSM sur demande, mebeeckm.beeckman@ugent.be

Des chercheurs belges (UCLouvain et UGent) ont investigué le rôle des émotions dans leurs études parallèles. L’équipe dirigée par Geert Crombez (UGent) a interrogé plus de 3000 personnes à trois moments différents. Une deuxième équipe, dirigée par Olivier Luminet (UCLouvain), a collecté des données sur 4840 participants. Les deux échantillons sont similaires dans leur composition (environ ¾ de femmes, niveau d’éducation assez élevé, et moyenne d’âge autour de 45 ans). Un résultat majeur révèle le rôle des émotions dans le suivi des recommandations liées à la prévention de la dissémination du covid19, un aspect largement sous-estimé jusqu’à présent.

L’étude de l’UCLouvain montre

  • Les personnes qui, soit ressentent plus de peur et d’anxiété liée à leur santé, soit celles qui sont plus attentives et déterminées, se lavent les mains plus souvent
  • Les personnes plus âgées ont plus de mal à limiter leurs contacts sociaux.
  • Les personnes qui ressentent des pressions de leur entourage social sont plus enclines à limiter leurs contacts sociaux
  • Les personnes qui ressentent de la joie et de l’enthousiasme sont moins enclines à limiter leurs contacts sociaux
  • Les personnes qui maintiennent de bonnes relations avec leur entourage sont moins susceptibles de limiter leurs contacts sociaux

L’étude de l’UGent montre que :

  • 10% de l’échantillon ne se sent pas soutenu par son entourage dans ses efforts de suivre les recommandations sanitaires. Ils rapportent des états dépressifs et se sentent plus isolés, exclus, déconnectés des autres
  • 51% sont inquiets d’être infectés ; parmi lesquels 10% se sentent très inquiets.
  • 32% rapportent des niveaux élevés d’anxiété. Ils rapportent avoir de plus en plus de difficultés à suivre les recommandations, se sentent inquiets d’être infectés à leur tour ou de répandre le virus
  • Un nombre substantiel de répondants rapportent se sentir frustrés lorsque les autres ne suivent pas les règles
  • Beaucoup rapportent que la solitude et le manque de contact avec les autres sont des raisons de ne pas (ou de ne plus) suivre les règles
  • Les gens qui vivent seuls ont plus de mal à suivre les règles. Ils rapportent des difficultés de sommeil et se sentent isolés socialement

Recommandations concrètes

  • Les prochaines campagnes de prévention en vue de maintenir les comportements sanitaires doivent prendre en compte les émotions, notamment les réactions positives (joie, enthousiasme) qu’elles pourraient susciter. Il est préférable de rester sur une communication qui accentue une attention neutre à l’information
  • Beaucoup se sentent frustrés par les personnes qui ne suivent pas les règles. S’en prendre directement à ces personnes peut avoir des effets contre-productifs, conduisant à encore plus d’irritation, de peur ou d’escalade. Il est préférable d’orienter l’attention vers ceux qui suivent les recommandations et de les encourager à poursuivre dans cette direction
  • Les études permettent de comprendre les raisons qui conduisent au non-respect des règles. Les campagnes à venir doivent aider la population à penser à des solutions futures. Les gens pourraient, par exemple, s’aider les un·es les autres en partageant les solutions auxquelles ils et elles auront pensé et qui fonctionnent. On pourrait aussi imaginer que des personnalités ou personnes modèles au sein de la société partagent leurs difficultés et solutions. Cela susciterait davantage d’adhésion, face à la situation actuelle où la communication insiste essentiellement sur le « devoir » (quelles règles il faut suivre)

Conclusions

Trop peu d’attention est accordée au rôle des émotions et plus largement au bien-être et à la santé mentale pour mieux comprendre l’adoption des recommandations sanitaires. Une attention particulière doit être accordée aux personnes qui vivent seules, qui sont plus âgées et pour celles qui ont des relations sociales étendues.

Les chercheurs et chercheuses en psychologie de la santé peuvent jouer un rôle majeur en repérant ces groupes à risque, ainsi que ceux ressentant certains états émotionnels qui les rendent plus ou moins enclins à suivre les comportements centraux, pour prévenir la propagation de la pandémie.

Publié le 27 mai 2020