Le microbiote intestinal, une piste pour traiter l’alcoolisme

alcoolisme

 

Communiqué de presse - Recherche UCLouvain
 

En bref :

  • L’alcoolisme touche 8% de la population belge, or les traitements pharmacologiques actuels se révèlent peu efficaces
  • Des chercheur·es de l’UCLouvain et des Cliniques universitaires Saint-Luc ont interrogé le rôle du microbiote intestinal et ont procédé à une transplantation fécale du microbiote de patients alcooliques à des souris.
  • Résultat ? Ces souris étaient plus asociales et dépressives tandis que le taux sanguin de BHB, un métabolite produit par le foie connu pour ses effets bénéfiques sur les fonctions cérébrales, avait baissé. Quant aux patients alcooliques, plus le taux de BHB est bas, plus ils sont dépressifs et dépendants à l’alcool.
  • Le microbiote intestinal apparaît donc comme une nouvelle cible thérapeutique
  • Cette recherche est publiée dans la revue américaine Cell reports.

Contacts presse :
Pre Nathalie Delzenne, présidente du Louvain Drug Research Institute, gsm sur demande
Pr Philippe de Timary, Institut des neurosciences, Institut de recherches psychologiques et Cliniques universitaires Saint-Luc, gsm sur demande ou Service communication des Cliniques, 02 764 11 45 
Sophie Leclercq, chercheuse qualifiée au Louvain Drug Research Institute

L’alcoolisme touche 8% de la population belge – 5 à 10% dans le monde – et a de lourdes conséquences sur la santé physique et mentale de la personne concernée, sur son entourage mais aussi sur le plan socio-économique. Or les traitements pharmacologiques actuels, visant à rétablir un équilibre au niveau des neurotransmetteurs cérébraux, montrent une efficacité limitée puisque 70 à 90% des patients rechutent dans l’année qui suit une cure de désintoxication.

Le rôle du microbiote intestinal

Sophie Leclercq, chercheuse qualifiée au Louvain Drug Research Institute de l’UCLouvain (LDRI), s’est intéressée, sous la supervision des professeur·es Philippe de Timary (Institut des neurosciences, Institut de recherches psychologiques et Cliniques universitaires Saint-Luc) et Nathalie Delzenne, présidente du LDRI, au rôle du microbiote intestinal dans le développement des symptômes émotionnels et cognitifs qui caractérisent l’addiction à l’alcool. Pour rappel, le microbiote est cet incroyable écosystème composé de centaines de milliards de bactéries qui colonisent notre intestin.

Une transplantation fécale

Concrètement, l’équipe de recherche a procédé à une transplantation fécale en administrant le microbiote intestinal de patients alcooliques à des souris. Objectif : étudier l’effet de cette transplantation sur le comportement et les fonctions cérébrales. Un ‘groupe contrôle’ de souris a, lui, reçu le microbiote intestinal de sujets sains (non-alcooliques).

Moins de BHB, plus de symptômes dépressifs

Du côté des souris, les chercheur·es ont constaté que le transfert de microbiote de patients alcooliques les rendait plus dépressives, plus stressées, et moins sociables. Ils ont aussi constaté des modifications de voies neurobiologiques qui touchent des régions cérébrales importantes dans la régulation des mécanismes de récompenses aux drogues. Enfin, ils ont mis en évidence une baisse des taux sanguins d’un métabolite produit par le foie, le β-hydroxybutyrate (BHB), connu pour avoir de nombreux effets bénéfiques sur les fonctions cérébrales et le comportement. La raison de cette baisse ? L’organisme surproduit l’éthanol qui inhibe la voie de synthèse du BHB. Autrement dit, certaines espèces bactériennes présentes dans le microbiote de patients alcooliques sont capables de produire elles-mêmes de l’éthanol, ce qui impacte tant le métabolisme que le comportement.

Dans le cas de patients alcooliques, les chercheur·es ont découvert que les concentrations sanguines de BHB étaient corrélées à la sévérité des symptômes psychologiques : les patients avec des taux bas de BHB étaient plus dépressifs, moins sociables et présentaient une appétence à l’alcool plus élevée.

Le microbiote intestinal, une cible thérapeutique

Conclusion ? Les données expérimentales et cliniques montrent que l’axe intestin-foie-cerveau joue un rôle dans la pathologie alcoolique et que le microbiote intestinal apparaît comme une nouvelle cible thérapeutique dans la prise en charge des patients souffrant d’addiction à l’alcool.

Cette recherche est publiée dans la revue américaine Cell reports.

Publié le 15 octobre 2020