Opinion ou discours de haine ? La frontière est mince

 

Communiqué de presse - Recherche UCLouvain-VUB

En bref :

  • En Belgique, les propos discriminatoires sont punis par la loi. Mais que faire quand ces propos se situent à la frontière entre l’opinion et le discours incitant à la haine ?
  • L’UCLouvain et la VUB ont analysé les caractéristiques linguistiques des propos d’hommes et de femmes politiques sur les réseaux sociaux, avant et pendant la campagne électorale de mai 2019
  • Résultat ? Des stratégies incitant à la haine tout en contournant la sentence judiciaire ont clairement été identifiées

Contact(s) presse : Barbara De Cock, professeure de linguistique à l’UCLouvain : gsm sur demande, barbara.decock@uclouvain.be

Entre les discours incitant à la haine - des messages qui encouragent publiquement des personnes à discriminer ou à commettre des actes de haine et de violence -, punis par la loi, et de simples opinions, sans jugement de valeur global sur un groupe ciblé, existe une “zone grise” que des chercheurs de l’UCLouvain et de la VUB ont étudié, pour le compte d’Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances qui lutte contre les discours de haine en ligne. 

Barbara De Cock, chercheuse à l’Institut langage et communication de l’UCLouvain s’est penchée sur les messages postés sur Twitter et Facebook par tous les partis belges siégeant au Parlement, du 26 janvier au 26 février 2019 (période non-électorale) et du 26 avril au 26 mai (campagne électorale). Pour chacun d’entre eux, elle a sélectionné, tant côté FR que NL, quatre comptes : le général, celui du président, et deux comptes de membres importants ayant un lien avec les thématiques traitées par Unia, comme la discrimination.   

Notre recherche s’est concentrée sur les les discours qui créent de manière implicite ou explicite une représentation dévalorisante voire menaçante d’un groupe social donné, justifiant potentiellement la discrimination ou la haine envers ce groupe”, détaille Barbara De Cock.

Résultats ? Les messages contiennent peu d’incitations claires à la haine, mais se basent surtout sur un langage implicite et indirect. “Ils suggèrent plus qu’ils n’affirment que certains groupes représentent un problème voire un danger”, note la chercheuse UCLouvain. Dans ces messages, plusieurs stratégies sont employées.

  • Association à des actions négatives. Ex. : Yasmine Dehaene (PP) sur Facebook : “Vente de drogue à chaque coin de rue (...) les logements où vous ne trouvez plus un nom européen”. La juxtaposition de ces informations invite à faire le lien entre la vente de drogue et les non-Européens ;
  • Disqualification des discours adverses. Ex. : “La gauche nous surprendra toujours en faisant preuve d’une créativité à toute épreuve pour justifier ces chiffres (...) en vue de séduire un électorat communautaire à qui elle doit tant”, a posté sur Facebook le compte officiel des Listes Destexhe ;
  • Emploi de pronoms. Ex. : Yasmine Dehaene (PP) sur Facebook : “les quartiers où on nous chasse”. Qui se cache derrière le “on” et le “nous” ? Et e choix du verbe “chasser” évoque l’idée d’une action intentionnelle agressive.

Y a-t-il plus de messages de “zone grise” dans le nord ou dans le sud du pays ? “Il y en a eu plus en Flandre parce qu’il y a plus de tweets de manière générale pour la période sélectionnée”, répond la linguiste. Côté francophone, ces messages sont majoritairement produits par des candidat.e.s des Listes Destexhe et du Parti Populaire. Côté néerlandophone, les messages de la “zone grise” proviennent du Vlaams Belang, et dans un nombre limité de cas, de la N-VA. La conclusion, pour Barbara De Cock : “On trouve peu de messages de ‘zone grise’ chez les personnalités politiques proéminentes. Il semble qu’elles ont conscience des limites juridiques qui existent.”

Publié le 03 décembre 2020