Rentrée académique 2016

Discours de rentrée académique UCL 2016-2017

Vincent Blondel, recteur

Partie 2. Discours programme du recteur

« Je crois dans le langage bien qu'il ait été meurtri, déformé et perverti par les ennemis de l'humanité. Et je continue à m'accrocher aux mots parce qu'il nous appartient de les transformer en instruments de compréhension plutôt que de mépris. A nous de choisir si nous souhaitons nous servir d'eux afin de maudire ou de guérir, pour blesser ou consoler »

Ces mots, je les reprends à Elie Wiesel, Docteur honoris causa de l’UCL en 1995 et qui nous a quittés le 2 juillet. Il a connu la pire des horreurs, la folie meurtrière portée par des idéologies monstrueuses pensées par « des ennemis de l’humanité ». Aujourd’hui plus que jamais, il nous appartient à tous de transformer le langage en instrument de compréhension plutôt que de mépris. Comme humanistes, comme universitaires, comme citoyens, nous devons utiliser le savoir, la connaissance, la science, la raison pour lutter contre les préjugés et les ostracismes, pour faire de la connaissance un instrument de compréhension plutôt que de mépris.

Dans un monde où les idéologies fondamentalistes attisent la violence, je souhaite aujourd’hui réaffirmer les missions fondamentales de notre université. Contre les extrémismes et contre les simplifications que propagent diverses formes de populisme, il importe de rappeler notre attachement au dialogue, à la raison et à l’intelligence. Les valeurs qui sont portées depuis toujours par notre université doivent plus que jamais être cultivées et transmises. Ces valeurs de solidarité, de responsabilité, de liberté, de paix, d’attention aux autres, et en particulier aux plus fragiles, sont au cœur de nos métiers et de nos engagements. Elles sont le meilleur rempart contre la peur et les meilleurs alliés pour construire un monde digne, où chacun puisse trouver sa place.

L’Université catholique de Louvain est un lieu de multiculturalité et d’écoute de l’autre. Les nombreuses initiatives en faveur des réfugiés, mises en place par plusieurs équipes de bénévoles issus de toute l’université [en collaboration aussi avec la croix rouge], témoignent de notre engagement et de notre hospitalité. Il y a quelques jours, était organisé sur un de nos sites à Bruxelles un dialogue interconfessionnel où Monseigneur De Kesel, le Grand Rabin Albert Guigui, le Président de l’Exécutif des Musulmans Salah Echallaoui, le Président de l’Eglise Protestante Unie de Belgique Steven Fuite et le Dalaï-Lama ont échangé de manière respectueuse. Dans toutes ces initiatives, le sens du dialogue, de la raison et d’un langage fait d’échange et d’ouverture est essentiel.

Les recherches scientifiques menées au sein de l’université doivent être cultivées comme autant d’antidotes contre l’attrait facile ou paresseux pour des slogans simplistes. L’homme est naturellement porté vers ce qui est simple, et pourtant le monde ne l’est pas. Qu’il s’agisse des motivations des réfugiés, de la planification en matière de soins de santé, du port de signes religieux ou de la protection de la vie privée, rares sont les situations dont la compréhension peut se réduire aux 140 caractères d’un tweet. La recherche universitaire doit proposer des réflexions, des analyses, des modélisations et des échanges pour un meilleur décodage de ces situations complexes.

Nous avons choisi de placer cette nouvelle année académique sous le signe de l’aventure scientifique. La recherche y sera à l’honneur, elle qui donne son sens à l’activité professionnelle de tant de membres de notre communauté universitaire, qu’ils soient académiques ou scientifiques, administratifs ou techniciens, chercheurs ou étudiants. De mêmes passions les animent : découvrir, interroger, comprendre, théoriser, modéliser, innover, créer, oser. Les gigantesques bases de données que stockent les serveurs informatiques de la planète nous font parfois croire que le monde est saturé d’informations. Sans doute. Mais l’information n’est pas la connaissance. La masse des données recueillies ne peut faire oublier qu’il reste tant de terra incognita sur la carte des sciences. Autant savants qu’aventuriers, les « savanturiers » sont les explorateurs et les découvreurs qui modèlent dès à présent notre futur. Leurs travaux seront mis à l’honneur tout au long de cette année. J’espère que leur passion sera contagieuse et qu’elle fera naître chez d’autres le désir de rejoindre la communauté des chercheurs, au service de la société.

Cette aventure de la recherche, qui doit nous aider à mieux comprendre le monde et les autres, doit aussi irriguer la formation de nos étudiants, qui seront les constructeurs de la société de demain, comme l’ont été ceux des générations qui les ont précédés. Nous en sommes cette année à 590 générations. Le 2 octobre 1425, le recteur Guillaume Neefs ouvrait la toute première année académique en présence d’une équipe de professeurs réduite à cinq juristes, un médecin et huit maîtres ès arts [maîtres en art], pour la plupart en provenance des universités de Cologne et de Paris. Après 590 générations, nous accueillons cette année le 500.000ème étudiant. Un formidable demi-million d’étudiants ! [Et c’est sans compter les centaines de milliers d’étudiants à travers le monde qui suivent nos cours en ligne MOOCs].

Parmi les quelques étudiants inscrits à la toute première rentrée académique, on trouve des Français, des Allemands et des Italiens, signalant par là, d’entrée de jeu, le caractère international de notre université. Durant ces dernières décennies, la mobilité universitaire en Europe a pour l’essentiel été « de type Erasmus » : une durée limitée de quelques mois à un an et sans l’obtention d’un diplôme de l’institution d’accueil. Depuis la mise en place en 1987 du formidable programme Erasmus, quatre millions d’étudiants ont bénéficié de ces échanges, soit 1% de la population européenne. Et cette mobilité ne se limite pas seulement à une dimension académique puisqu’une très sérieuse étude de la Commission européenne estime que près d’un million de bébés sont nés de ces échanges : c’est la vaste armée pacifique d’Érasme. Cette armée pacifique, ces échanges entre étudiants de cultures différentes, venant de tous les horizons sociaux, politiques, religieux, philosophiques, sont un des meilleurs remèdes contre l’intolérance et le mépris de l’autre.

L’Unesco estime à 2 millions le nombre d’étudiants universitaires au niveau mondial qui étudient dans un pays autre que leur pays d’origine. Ce nombre devrait croître à 7 millions d’ici 2020. La Fédération Wallonie-Bruxelles doit soutenir l’initiative et le dynamisme de la mobilité internationale, pour le bénéfice des étudiants sortants, mais elle doit l’équilibrer par une mobilité entrante qui ne pourra résulter que d’une attractivité accrue de nos universités.

Avec ses deux sites hospitaliers universitaires, son réseau santé Louvain, ses 14 facultés, ses 21 instituts, sa présence à Louvain-la-Neuve, Mons, Tournai, Charleroi, Bruxelles et Namur, l’UCL contribue très largement à l’attractivité et au développement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les Cliniques Universitaires Saint-Luc, un des premiers employeurs privés à Bruxelles, fêtent 4 décennies d’excellence clinique et s’engagent dans la construction de l’Institut Roi Albert II, qui deviendra le plus grand centre du cancer de Bruxelles et de Wallonie. La fusion de trois hôpitaux du pôle namurois s’est concrétisé cette année pour créer le CHU UCL Namur, un des acteurs majeurs de la santé en Wallonie.

En songeant à tous ces professionnels de la santé qui œuvrent et travaillent à la difficile équation d’offrir une médecine de qualité au plus grand nombre, je ne peux taire ma préoccupation majeure pour nos étudiants en médecine et médecine dentaire qui ont un droit inaliénable, après de longues études, à un numéro INAMI pour exercer leur profession. Je ne peux taire non plus mon indignation pour la situation des étudiants reçus-collés qui se trouvent encore aujourd’hui dans l’incertitude alors que nous entamons une nouvelle année académique. Ces situations sont indignes d’un état organisé. Des solutions ne peuvent se construire que collectivement et dans le dialogue, mais aussi dans le respect d’analyses objectives comme celles réalisées par le commission fédérale de planification qui recommande la révision des quotas INAMI au bénéfice du sud du pays. Tous nous soutenons un principe fondamental: les étudiants ne peuvent pas être les victimes innocentes d’un système qui tente de se soustraire à sa responsabilité. Tous nous soutenons un principe de justice : des étudiants dans une même situation doivent se voir appliquer les mêmes décisions. Il est urgent que les responsables politiques en charge de ces questions et qui ont tous, eux aussi, la volonté affichée de faire respecter ces principes, entreprennent les actions qui permettront de sortir de cette crise de manière pérenne.

La première année de mon mandat de recteur a été en partie consacrée à la définition avec la communauté universitaire du plan stratégique Louvain 2020. Cette feuille de route a défini des axes prioritaires, parmi lesquels l’internationalisation, le positionnement de l’université en matière de recherche, le développement d’une université numérique, l’ancrage de l’université comme acteur de société. La deuxième année de mon mandat a été celle des premiers effets du plan stratégique et de la négociation du refinancement. Le décret voté à l’entrée de l’été promet, dès 2017, et ce jusqu’à la fin de la législature, un refinancement progressif de l’enseignement supérieur. Le refinancement, de quelques pourcents, est modeste et nous laisse encore bien loin du financement par étudiant des années 2000, mais il témoigne, dans un contexte financier difficile, de la détermination de la Fédération Wallonie-Bruxelles et du ministre Marcourt, d’entamer la compensation d’un définancement progressif qui a résulté de l’enveloppe fermée. Comme l’a souligné le ministre à de nombreuses reprises, ce refinancement n’est qu’un début qui doit impérativement se poursuivre sous la prochaine législature. Je préciserai, dès le début de l’année, quel sera à l’UCL le niveau de ce refinancement afin que nous puissions, avec l’éclairage du conseil académique, du conseil d’entreprise, et en couplage avec la définition de la prochaine prospective académique, l’affecter de manière optimale. Nous utiliserons au mieux ces moyens nouveaux pour alléger prioritairement les surcharges de travail, dans le respect d’un équilibre budgétaire à maintenir.

Avec le plan stratégique Louvain 2020 et le refinancement, la troisième année de mon mandat sera également marquée par le projet de fusion avec l’Université Saint-Louis Bruxelles. Comme le titre « La Savate », le journal étudiant, dans son édition d’aujourd’hui « Le cœur du recteur entre en fusion ». [En fusion contrôlée heureusement].

L’UCL et Saint-Louis se sont engagées lors de fiançailles conclues dans la compréhension mutuelle et dans le respect des intérêts de chacun. L’UCL est une université bruxelloise depuis près d’un demi-siècle. Nous ne sommes plus en 1425, lorsque les Bruxellois avaient décliné l’offre d’installer dans leur ville l’université qui allait devenir l’Université de Louvain, par souci pour la vertu de leurs filles ! Saint-Louis et Louvain sont depuis longtemps proches, comme en témoignent les collaborations de recherche existantes et les nombreuses formations déjà organisées en commun, comme le master en droits de l’homme, les masters en études européennes ou encore le certificat en Islam contemporain [organisé depuis une dizaine d’années]. De nombreux professeurs enseignent à l’UCL et à Saint Louis. C’est le cas en particulier de la presque totalité des enseignants en traduction et interprétation issus de l’Institut Marie Haps. Mais avec le recteur Pierre Jadoul et les équipes de Saint-Louis, nous avons désiré aller plus loin dans cette collaboration, qui doit être regardée dans la perspective de la continuité, et non de la transformation. Le maintien des formations est assuré : aucune d’entre elles ne sera supprimée. Saint-Louis conservera bien sûr ses précieuses spécificités, comme l’enseignement dans plusieurs langues, y compris en néerlandais en partenariat avec la KULeuven, et une forte recherche interdisciplinaire. Une même continuité prévaudra pour les différentes catégories de personnel. Je veux ici être très clair. Il y aura maintien de tous les personnels dans leurs implantations actuelles. Appartenir à une entité plus vaste sera source d’opportunités pour tous. Par cette fusion, en intervenant ensemble de manière renforcée dans une région où les enjeux de multiculturalité, du dialogue, de l’intégration sociale sont essentiels, nous affirmons notre rôle majeur pour réussir ce défi de l’intégration par le biais de la formation et de l’éducation.

«Les objectifs visés par cette fusion sont de mettre en exergue les points forts des deux institutions et de s’appuyer sur ce qui fonctionne bien pour former une institution unique plus forte, plus stable, plus attractive»

Cette dernière phrase n’est pas de moi. Je l’ai empruntée à notre ministre de l’enseignement supérieur qui soutenait ainsi, avec force et conviction, il y a quelques semaines, la fusion de deux hautes écoles pour former HE2B, la Haute Ecole de Bruxelles Brabant, qui développe son offre d’enseignement à Bruxelles et dans le Brabant. À l’image de cette fusion de deux hautes écoles du réseau officiel, la fusion de nos deux universités du réseau libre se fera sans création ni suppression de programme, et donc sans modification de concurrence, en particulier sur Bruxelles. Ce mariage se fera au bénéfice de tous avec un renforcement du rayonnement international de l’enseignement et de la recherche, sans coût supplémentaire pour la collectivité mais, au contraire, au bénéfice de toute la Fédération Wallonie-Bruxelles par une mise en commun et une utilisation plus efficace des moyens publics. Nous ne doutons pas de la réalisation de ce formidable projet. [Et nous espérons, Monsieur le ministre, vous voir soutenir cette fusion d’université avec le même enthousiasme.]

 

En ce début d’année académique, permettez-moi de souhaiter à chacun, étudiants, enseignants, chercheurs, mais aussi à chacun d’entre vous, d’inscrire l’aventure à votre agenda, dans un esprit de dialogue et d’écoute.

[Après ce petit atterrissage virtuel.] A l’occasion de cette nouvelle année académique de l’aventure scientifique, 34 nouveaux professeurs, savants et saventuriers, rejoignent notre Université. Je les invite à me rejoindre sur scène.

Avec les membres du conseil rectoral, nous avons le plaisir et la très grande fierté d'accueillir:

- à la Faculté de théologie : Jean-Pascal Gay

- à la Faculté de droit et de criminologie : Henri Culot et Yannick Radi,

- à la Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication : Anne-Sophie Gijs, Johannes Johnen, Stéphane Moyson, Thibault Philippette, Miguel Souto Lopez, Patricia Vendramin, Danielle Zwarthoed,

- à la Louvain School of Management : Karine Charry, Julie Hermans, Gordy Pleyers et Joy Zhang,

- à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation : Liesje Coertjens et Virginie März,

- à la Faculté de philosophie, arts et lettres : Gaëtanelle Gilquin,

- à la Faculté de médecine et médecine dentaire : Laurent Knoops, Isabelle Leclercq et Sophie Lucas,

- aux Cliniques universitaires Saint-Luc et au sein de la Faculté de médecine et médecine dentaire : Alessandra Camboni, Julian Leprince, Louis Libbrecht, Xavier Libouton, Johann Morelle, Sophie Pierard, Maria Stoenoiu et Olivier Van Caenegem,

- au CHU UCL Namur et au sein de la Faculté de médecine et médecine dentaire : Antoine Guedes, Jean-François Rahier et Sébastien Van der Vorst.

- à la Faculté de pharmacie et des sciences biomédicales : Laure Bindels,

- à la Faculté de santé publique : Séverine Henrard,

- à la Faculté des sciences : Charles Hachez et Donatien Hainaut,

- à l’Ecole Polytechnique de Louvain : Siegfried Nijssen,

- à la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme : Gérald Ledent et Luca Sgambi,

- à la Faculté des bioingénieurs : Iwona Cybulska et Guillaume Lobet,

Quatre chercheurs ont été nommés chercheurs qualifiés du Fonds de la Recherche Scientifique:

- Magali Paquot, au sein de l’Institut Langage et Communication,

- Wen Hui Lien au sein de l’Institut de Duve,

- Patrick Meyfroidt au sein de l’Earth and Life Institute,

- Hosni Idrissi au sein de l’Institute of Mechanics, Materials and Civil Engineering.

On behalf of our community , I welcome all these new colleagues and hope they will find at the University of Louvain a place of fruitful exchanges and of unique professional and human experiences.

Chers collègues, la curiosité, la rigueur, l’esprit de réussite, d’audace et d’excellence animent vos recherches. C’est en espérant que ces mêmes valeurs nous accompagnent et nous inspirent toutes et tous que je déclare ouverte, l’année académique 2016-2017.