Luc Albarello

Luc AlbarelloDocteur en sociologie, professeur extraordinaire à l'UCL, membre de l'Ecole d'éducation et de formation (EDEF), coordinateur FOPES, chercheur GIRSEF/RIFA (recherche interdisciplinaire en formation d'adultes)et président du certificat et évaluation des politiques publiques (CIEPP).

Que représentent pour vous les utopies du temps présent ?

C’est un thème enthousiasmant, j’étais plongé dans le livre de Norbert Elias quand j’ai reçu cet appel à projet. L’idée même de l’utopie est fondamentale. Dans le domaine qui m’occupe, former des adultes en reprise d’études qui sont par ailleurs en activité professionnelle, est-ce une réalité ou est-ce un vœu pieu ?

L’observation des faits nous conduit à penser que nous sommes davantage dans le domaine de l’utopie que dans celui de la réalité. Il y a certes des avancées (de nombreux certificats universitaires, la valorisation d'acquis d'expériences), mais il y aussi des freins voire des régressions.

Est-ce le rôle d’une université de ranimer ce besoin d’utopies ?

Je pense que oui. S'il y a bien un lieu où l'on doit former des intellectuels, critiques certes, mais aussi imaginatifs, innovateurs, créatifs, c'est bien l'université. A mon avis, c'est même le lieu par excellence où peuvent émerger des utopies et des visions de l'avenir. Et ce, quels que soient les disciplines et les champs de recherches.

On ne peut se contenter d'une approche descriptive, compréhensive ou explicative. Les esprits doivent aussi pourvoir imaginer des pistes pour des actions, voire des scénarios pour le futur.

En quoi ce thème concerne-t-il les étudiants ?

Par exemple, un certificat interuniversitaire en analyse prospective a été mis sur pied l’an dernier entre l'UCL, l'ULG et la Région wallonne. Toutes ces notions d’utopies, de futur, d’avenir, de possibles à envisager sont au cœur même ce certificat. Une dizaine de mémoires remarquables ont été réalisés dans ce cadre et envisagent des pistes pour le futur par rapport à certaines problématiques sociétales comme le handicap, l'enseignement, l'insertion professionnelle, par exemples.

Quelle serait votre utopie pour le temps présent ?

Par rapport à la problématique concrète que je viens d'évoquer, mon utopie serait celle d'une Université réellement ouverte aux adultes qui au cours de leur carrière et au cours de leur vie, reprennent (ou commencent) un cursus universitaire. Et que les aspects pédagogiques spécifiques ainsi que les aspects pragmatiques et concrets, en termes d'aménagement des horaires par exemple, en termes de couts, en termes d'aménagement des espaces etc. soient réellement pris en considération. C''est une Utopie à portée de main mais je pense qu'il y a encore de sérieux efforts à produire pour l'atteindre.

► Projets:
1. Journée d'étude "La formation universitaire d'adultes : Utopie ou réalité ?" - 2 octobre 2015
2. 'Le beau pays de Formavie'

Parallèlement à cette journée d'étude, le groupe de recherche RIFA (Recherche interdisciplinaire en formation d'adultes) a consacré plusieurs de ses réunions à réfléchir à une utopie, laquelle s'est concrétisée sous la forme d'un récit intitulé : « Voyage utopique dans le beau pays de Formavie ».

Mais à quoi ressemble Formavie ? C’est un peu comme une île. Et l’île est inséparable de l’horizon. Thomas More invite à le désirer là où il se situe vraiment : dans l’espérance et dans le projet. Toutes sortes de limites semblent barrer le chemin.  Elles invoquent le réel alors qu’il s’agit de conventions et de situations qu’il faut pouvoir interroger…*

Partez à la découverte de Formavie, un petit pays possédant son mode de gouvernance, un système éducatif original reposant sur le principe de l’alternance entre séquences d’apprentissage sur des lieux de formation et apprentissage sur le terrain. Avec en toile de fond, le plaisir. Celui d’apprendre ou d’avoir appris, sans occulter l’effort mais en levant les peurs, en aiguisant les curiosités.

Les formations proposées ? Dans toutes les branches de la vie sociale, économique, culturelle, environnementale, sans aucun minerval ou droit d’inscription.

Et sur le lieu de travail?  On y trouve de multiples dispositifs d’aide et de soutien (crèches, garderies, cantines, etc.) destinés à soutenir les parents-travailleurs en formation. Objectif : permettre à celles et ceux qui le souhaitent de progresser vers l’émancipation, de modifier leur choix professionnel et d’augmenter leur liberté dans leur chemin de vie.

En Formavie, tout a été pensé, rien n’est laissé au hasard, sur le plan politique, social et légal, pourvu que soit préservé le développement de la puissance d’agir des individus, des groupes, des organisations. Le pouvoir que l’on développe non pas contre autrui mais bien pour soi-même ; cette capacité de mieux gérer sa propre vie, de nous ouvrir les chemins d’une émancipation entendue comme dégagement de la place qui nous a été assignée par les conditions sociales, les appartenances culturelles, le genre, ou encore les handicaps de toutes sortes.

C'est ce que les membres du RIFA ont découvert lors de leur voyage dans ce pays où la formation tout au long de la vie n'est plus une utopie mais bien une réalité.

Téléchargez la totalité de ce récit utopique «Formavie : formation continue tout au long de la vie».

Les auteurs
Luc Albarello (EDEF/FOPES) en collaboration avec Etienne Bourgeois (UNIGE), Ghislain Carlier (UCL), Gaëlle Chapelle (PSP), Marie Clerx (doctorante FSM), Olivier Collard Bovy (enseignant), Jean-Philippe Cornelis (Forum Civique), Françoise de Viron (FOPA/LSM), Christine Hesse (Sonecom), Marguerite Martin (ULg), Frédéric Nils (IPSY), Arnaud Salmon (ARES).

*Cette petite phrase d'introduction s'inspire de l'exposition Utopia/Utopies- Dans les pas de Thomas More, au Forum des Halles de Louvain-la-Neuve et ensuite à Woluwe (mars-avril 2016).