Maxime Lambrecht

Docteur en droit, chercheur en éthique et droit d’Internet à la Chaire Hoover  MAxxime Lambrecht

Que représentent pour vous les utopies du temps présent ?

Nous vivons une période de désillusion, où l’utopie a souvent pris un sens péjoratif, comme quelque chose d'irréalisable, ou de farfelu. Alors qu’au sens originel, comme chez More, l’utopie est un « lieu autre », une autre société envisagée non par pure fantaisie, mais dans l'ambition de rendre possible un changement social.

Avoir une idée claire de l’objectif à poursuivre est indispensable afin de savoir dans quelle direction avancer pour rendre la société plus juste. Il n’est pas possible de changer la société sans utopie, sans idéaux.

Est-ce le rôle d’une université de ranimer ce besoin d’utopies ?

La nature même du travail universitaire est d'étudier le monde, et de réfléchir à ce qu'il pourrait être. L’académique est dans le temps long, il a la chance de pouvoir consacrer du temps à ces questions complexes, bien plus que le politique qui est souvent dans l'instantané.

En quoi ce thème concerne-t-il les étudiants ?

Nous sommes tous concernés par ce thème, parce que nous sommes concernés par la société dans laquelle nous vivons. A moins d’être entièrement satisfaits par l'état de la société ou entièrement sceptiques quant à la possibilité d'un changement social, il est de notre responsabilité de mettre tout en œuvre pour rendre la société plus juste.

Pour vous, que serait votre utopie pour le temps présent ?

Dans mon domaine de recherche, une utopie qui m'interpelle particulièrement est celle d'une économie dite "du partage" ou "collaborative", issue du mouvement des logiciels libres, qui vise à mettre en œuvre le potentiel émancipateur de la technologie pour transformer l'économie, afin de contribuer à une démocratisation de l'organisation du travail, ainsi qu'à une désaliénation du travail en se fondant dans des activités coopératives qui ont leur motivation intrinsèque.

Toutefois cette utopie enthousiasmante fait aujourd'hui l'objet d'une tentative de réappropriation par des startups (comme Uber ou Airbnb) qui n'en partagent nullement les idéaux, mais en utilisent le langage pour poser les jalons d'une économie dérégulée et prédatrice.

► Projet:

Colloque « Les promesses d'Internet - Utopies et dystopies »