Choix professionnels et limites planétaires

Quels pourraient être les liens entre le monde du travail, les métiers, les formations et les limites planétaires dépassées ?

À l’heure où sont écrites ces lignes, nous assistons à différents événements perturbant le vivant : vagues de chaleur, déplétion de la biodiversité, six des neuf limites planétaires dépassées1, rapports du Giec alarmants, inflation et pénuries, etc.
Les nouvelles sont loin d’être réjouissantes pour la vie sur Terre.

 

Dès lors, quels pourraient être les liens entre ces éléments et le monde du travail, les métiers, les formations, les jobs ?

Quasiment tous les métiers et activités humaines sont amenés à changer nous dit, entre autres, le shift project2. Nous devons diminuer drastiquement notre consommation d'énergies fossiles, diminuer la pollution, les émissions de gaz à effets de serre, notre consommation de ressources et de facto, notre empreinte sur le système Terre pour nous diriger à l’intérieur des limites planétaires et du Donut3.

Un nombre grandissant d’étudiant·es dénoncent l’inaction des institutions formatives quant à leurs capacités à mettre en place des cursus appropriés pour embrasser la question de la durabilité (où étudier pour contribuer à la transition carbone - Education4climate). La sphère professionnelle est elle aussi à la traîne pour relever les défis majeurs de sa transformation en tenant compte des limites planétaires.

Dès lors, doit-on attendre des changements structurels et politiques pour agir ?

Des pionnier·ères existent et ont déjà tracé un bout de chemin.

Nous pouvons isoler six parcours (qui peuvent se chevaucher) chez les personnes qui ont amorcé une transformation professionnelle vers la durabilité.

Les six voies de parcours vers la durabilité4

  • Les formations en lien avec l’environnement, les géosciences, la durabilité, les métiers de la transition (quelles études choisir pour agir ?).
  • Les reconversions professionnelles "qui font plus de sens", avec une finalité sociale, davantage solidaire et locale (s'orienter au 21e siècle).
  • Les personnes éco-entrepreneures, qui "verdissent" leurs métiers, développent des éco-lieux, boulangeries bio, fabrications locales, bio et livraison à vélo, etc.
  • Les personnes intra-preneures écologiques qui transforment leurs métiers à l’intérieur des entreprises (la boîte à outils de la transition).
  • Les reconversions dans les métiers en transition, comme les domaines des énergies renouvelables, l’économie circulaire, la mobilité douce, l’agriculture respectueuse ou la rénovation des bâtiments et infrastructures.
  • Le réagencement des sphères de vie, citoyenneté engagée (engagement local, villes en transition par exemple), activisme semi-professionnel. Remise en question de la valeur "travail", de la notion de réussite, du rythme en choisissant un emploi à temps partiel ou par la diversification des activités en parallèle.

Pour toutes les personnes confrontées à un choix professionnel ou lors d’une reconversion vers la durabilité, passer en revue ces six voies peut être une source d’inspiration pour "bricoler" et innover dans un monde où presque tout est à (ré)inventer (des pistes pour s'orienter dans un monde en transition).

Il pourrait également être pertinent de cibler ses « batailles » par la définition des enjeux qui nous paraissent dans nos compétences et nos possibles.
Le risque d’épuisement guette les plus inquiet·es et les plus impliqué·es5.

Dès lors, n’oublions pas que ces transformations s’accompagneront de souffrances psychiques plus ou moins importantes, de deuils à entreprendre. Pour reprendre Bertrand Kiefer6, "La conscience éco-anxieuse émerge du fond de l’impuissance (...). Elle est à la fois l’expression d’un malaise et ce qui pousse à changer le monde". Elle nous sera, alors qu’étayée adéquatement, un moteur de transformations sociétales, professionnelles et individuelles. Transformer notre monde sera source de "stress", mais il sera accompagné d’un ré-appropriement du sens de la Vie dignifié, en accord avec les limites de la biophysique.

 

Par Sabrina Tacchini
Chercheuse Université de Lausanne
Psychologue en éco-orientation


 

Publié le 20 juin 2022