Les tests d’orientation sont des instruments d’évaluation dont la fonction est de procurer des informations valides, fiables, précises et utiles à la démarche de choix d’études et de profession. Analysons ce que cet outil est et n'est pas...
D'un point de vue général, le test d'orientation comprend...
une série d’items mis au point minutieusement, et auxquels l’usager réagit.
Les tests d’orientation permettent de mesurer à quel degré une caractéristique d’ordre psychologique est présente ou absente chez ce dernier en comparant les résultats obtenus à des normes établies à partir d’une population de référence.
Historique et utilisation des tests
Dans le conseil en orientation, qui s’est développé au début du XXème siècle, la passation de tests a été la pratique la plus systématique jusque dans les années 60’. Jusqu’aux années 30', ces tests portaient sur les aptitudes physiques et/ou cognitives des jeunes. Le conseiller les appliquait et disposait de tables reprenant les aptitudes requises pour toute une série de métiers. Sur la base de ces informations et des résultats obtenus aux tests, un « matching » était réalisé et le jeune était encouragé à s’orienter vers les métiers requérant les aptitudes qu’il possède.
Durant les années 20’, les tests d’intérêts professionnels sont nés, et se sont très largement répandus pour devenir les tests d’orientation les plus utilisés. C’est encore le cas actuellement. Dans ces tests, les bénéficiaires du conseil indiquent l’attrait qu’ils éprouvent pour toute une série de métiers et/ou d’activités professionnelles. A partir des réponses, des scores sont calculés, informant à propos des grandes dimensions d’intérêts professionnels sur lesquelles les notes les plus élevées ont été obtenues et les métiers, ou classes d’activités professionnelles, qui leur correspondent. Parallèlement à l’utilisation de ces tests d’intérêts professionnels, certains conseillers optent aussi pour des tests qui évaluent les valeurs en lien avec la sphère professionnelle, ou des tests de personnalité. Par contre, l’utilisation de tests d’aptitudes cognitives a largement diminué depuis les années 60’-70’.
Il semble que deux raisons expliquent ce désamour. D’une part, ces tests ont été considérés par certains comme des instruments participant à la légitimation des discriminations à l’égard de minorités. D’autre part, les aptitudes cognitives (mais on devrait plutôt parler de compétences acquises ici) seraient évaluées en permanence pendant le cursus scolaire, ce qui rendrait inutile la passation de tests supplémentaires.
Aujourd’hui, face à l’échec massif dans les premières années de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, certains avancent la proposition de systématiser la passation de tests d’orientation basés sur l’évaluation des aptitudes cognitives des jeunes en fin de parcours secondaire. Notons que de tels tests sont déjà utilisés, comme le SIMON en Flandre.
1 - Il serait préjudiciable de confondre les tests d’orientation avec les tests d’admission ou de sélection. Le bénéficiaire d’un test d’orientation est la personne qui passe ce test. Sur la base des informations qui en découlent, elle reste libre de ses choix pour s’orienter vers les études ou métiers auxquels elle aspire. Par contre, les tests d’admission ou de sélection se font au bénéfice d’institutions qui décident de fixer un seuil minimal d’accès à un programme d’études, seuil en dessous duquel elles estiment que le jeune n’aura pas ou peu de chances de réussir son parcours académique. L’examen d’entrée en sciences médicales ou dentaires en est une illustration.
2 - Dans la sphère de l’évaluation des aptitudes ou compétences cognitives, il serait aussi hasardeux de confondre ce que l’on appelle classiquement « fonctions exécutives » (à savoir l’attention, la concentration, la mémoire de travail, la vitesse de traitement de l’information ou encore le raisonnement logique), qui sont habituellement évaluées via des tests d’intelligence, et les compétences scolaires, acquises pendant un long cursus et souvent spécifiques à des matières enseignées (mathématiques, sciences, langues,…). Ce sont bien deux entités distinctes, toutes deux des prédicteurs massifs de la performance académique, mais la première est stable tandis que la deuxième est bien plus malléable et tributaire du type de parcours scolaire réalisé. Il est intéressant de constater que le SIMON utilisé en Flandre comprend exclusivement des mesures des fonctions exécutives.
3 - Or, comme le montrent les enquêtes PISA et une série importante de publications empiriques, le système éducatif en FWB, plutôt que de gommer les inégalités sociales de départ via le développement de hautes compétences chez tout un chacun, ne fait que les reproduire, voire les renforcer.
Par exemple, Galdiolo, Nils et Vertongen (2012) ont montré que (a) les origines sociales déterminent en partie le choix de l’école secondaire fréquentée et les options suivies en fin de secondaire ; (b) ces deux choix ont un impact significatif sur les compétences acquises en fin de scolarité obligatoire ; (c) ces compétences sont des prédicteurs importants de la réussite en première année de l’enseignement supérieur.
Dès lors, un test d’orientation qui mesure les acquis scolaires en fin de cursus secondaire reflétera probablement les inégalités sociales sur la base des inégalités d’acquis scolaires, et la prise en compte des résultats d’un tel test risque de contribuer à la reproduction de ces inégalités.
Oui, mais à certaines conditions.
Premièrement, ces tests d’orientation ne doivent pas contraindre les futurs étudiants à renoncer à leurs aspirations initiales. Autrement dit, ces tests doivent garder une fonction d’orientation pour l’usager et non de sélection pour l’institution d’enseignement.
Deuxièmement, il serait socialement injuste, et par ailleurs, réducteur, de limiter l’évaluation aux seuls acquis scolaires. Comme indiqué plus haut, cela contribuerait à la reproduction des inégalités sociales et laisserait de côté d’autres ingrédients majeurs de la réussite tels que les fonctions exécutives et les intérêts professionnels.
Troisièmement, si les acquis scolaires sont évalués, cette évaluation devrait se dérouler suffisamment précocement pour que, si des lacunes sont identifiées, le jeune puisse y remédier. Dans cette logique, un tel test devrait être accompagné de pistes pour des remédiations (lectures, cours d’été, exercices en ligne,…) afin de permettre des mises à niveau.
Quatrièmement, même si un test d’orientation s’avère utile, n’avoir recours qu’à cette pratique pour aider les jeunes dans leurs choix vocationnels est insuffisant. Il est nécessaire et justifié d’intégrer le testing dans un dispositif plus large et à plus long terme, comme la démarche de l’approche orientante, qui se déroule idéalement sur plusieurs années durant le cursus secondaire.
Enfin, apprendre par un test d’orientation que l’on a des déficits suffisamment importants pour empêcher la réussite dans un cursus d’études supérieures que l’on a envie de poursuivre peut provoquer un choc. Ce choc peut résulter en une baisse de l’estime de soi et de la motivation, ou en un déni complet des conclusions du test.
De ce fait, il importe de soigner la présentation de ces conclusions et de privilégier leur restitution par un conseiller compétent qui va accompagner le jeune dans sa réflexion plutôt que via un rapport en ligne.
Par Frédéric NILS, chercheur et professeur - UCLouvain.
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- Un test d'orientation dans le supérieur est une mauvaise idée - article LaLibre.be (04/10/19) - opinion de Renaud MAES, sociologue, professeur à l'Université Saint-Louis.