Un exemple de tiers lieu inspirant : La Maison Folie à Mons

Rencontre avec Charlotte Jacquet, cheville ouvrière du projet, et Sébastien Fevry (ESPO UCLouvain et responsable académique de la cellule culture de l’UCLouvain FUCaM Mons)

Comment a émergé cette idée de Tiers-lieu pour Mons ?
Charlotte Jacquet La Ville de Mons a été capitale culturelle européenne en 2015. À cette occasion, les connexions entre culture et territoire se sont multipliées au travers de nombreux projets. Grâce à ceux-ci, les citoyen·nes et les opérateurs culturels ont développé une sensibilité particulière et une ouverture à ce genre de projets hybrides, déjà bien implantés à Lille. Et en mars 2020, en plein confinement, lorsque la culture a été qualifiée de « non-essentielle », il nous a paru fondamental de montrer à quel point elle était au cœur de la vie des gens. C’est à peu près à ce moment qu’est née la volonté de développer une activité de type Tiers-lieu à la Maison Folie, cette tendance étant clairement dans l’air du temps.

Un tel projet nécessite un consensus de la part de nombreux acteurs publics et privés… Comment avez-vous procédé pour parvenir à la construction d’un projet commun ?
CJ
Nous avons véritablement senti une convergence d’envies et de besoins. Les autorités de la Ville étaient désireuses de trouver des espaces pouvant accueillir de nombreuses associations, les équipes de Mars-Mons arts de la scène rêvaient de pérenniser l’énergie et la philosophie de l’année capitale, les citoyen·nes étaient très enthousiastes, les espaces de la Maison Folie devaient être réhabilités... bref, dès les prémices, le projet s’est construit autour d’un noyau dur et sur des fondations solides.

Comment se construit et se gère un tel projet au quotidien ?
CJ
Ce projet citoyen s’appuie sur une structure professionnelle forte pour son démarrage. C’est donc Mars qui encadre le projet. Il lui donne les ressources financières, humaines et sa compétence en matière d’organisation d’événements. La gouvernance, elle, est ouverte aux citoyens et citoyennes. Rapidement en effet, des groupes de travail thématiques se sont créés et autogérés. Mars définit un cadre précis, à l’intérieur duquel les citoyen·nes engagé·es ont toute latitude pour développer leurs projets. Certains groupes rassemblent des citoyen·nes qui organisent des activités ensemble : groupe brasserie, groupe musique, groupe « fais-le toi-même »… ; d’autres groupes organisent la vie du lieu et du projet au quotidien : le groupe communication, administration, comité des fêtes…

Pendant cette année de jachère, quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? les freins ? les belles surprises ?
CJ
Impliquer tout le monde, demander l’avis de toutes et tous, faire passer les infos, s’adapter à d’autres manières de faire… tout cela prend énormément de temps et nous sort radicalement de notre zone de confort professionnel ! Mais je suis persuadée que ce temps long était nécessaire pour que ce projet infuse et pour que cet écosystème se mette en place. Et d’ailleurs, au lendemain du premier bilan de cette année jachère, lorsque l’on ressent l’enthousiasme des gens, on se dit que « ça prend » !

Quelle est la genèse de l’implication de l’UCLouvain FUCaM  Mons dans ce projet ? En quoi consiste-t-elle ?
Sébastien Fevry
En tant que responsable du Master en communication, ce qui était en train de prendre forme du côté de la Maison Folie m’intéressait à plus d’un titre. D’abord d’un point de vue pédagogique puisqu’il s’agit d’un formidable laboratoire pour les étudiant·es, particulièrement celles et ceux de la finalité « Culture et communication » ; ensuite parce que ce projet nourrit nos recherches dans le domaine des publics et de la médiation culturelle.

En quoi consiste le partenariat entre les deux structures ? 
SF Les collaborations sont à géométrie variable et très souples. Il s’agit davantage d’un compagnonnage, d’un dialogue qui s’est mis en place petit à petit. Nous avons commencé en 2018 par l’organisation de plusieurs workshops autour de la notion 
« Habiter la ville, habiter la culture ». Ceux-ci réunissaient autour de la table des étudiant·es, des professionnel·les de la culture, des chercheurs et chercheuses, des médiateurs et médiatrices… L’idée n’était pas de proposer un colloque mais plutôt de créer un espace de discussion et de rencontre… déjà dans la philosophie d’un Tiers-lieu.

Outre la dimension « théorique » de ce partenariat, comment la communauté universitaire de Mons pourrait-elle être impliquée dans ce projet ?
SF Les implications pédagogiques sont multiples… Nos étudiant·es ont des opportunités de stages, de mémoires, de recherches… L’expertise universitaire a pu aider notamment à la consultation citoyenne et à la construction d’un questionnaire. Par ailleurs, les collaborations avec les autres partenaires du projet sont très intéressantes pour l’UCLouvain FUCaM Mons.

Pourrions-nous imaginer ce type de lieu à Louvain-La-Neuve ou sur un autre campus de l’UCLouvain ?
SF
Il me semble que le mouvement doit être « bottom up » et qu’il doit répondre à un besoin exprimé. 
CJ Il est essentiel de poser ces questions aux gens : qui veut quoi ? de quoi avez-vous besoin ? quelles sont vos envies ? C’est à partir de là qu’on peut créer du commun, et un espace des possibles.

La Maison Folie, ancienne école primaire reconvertie en espace culturel, poursuit sa dynamique de Tiers-lieu entamée depuis 2004 (dans le sillage de Lille, capitale culturelle européenne). Il s’agit d’un projet co-construit en partenariat par Mars – Mons arts de la scène, la ville de Mons, la Fondation Mons 2025 et Article 27. L’idée est de créer ensemble, avec les ingrédients du territoire (ses habitant·es, ses artistes, ses institutions et entreprises…), un lieu de vie qui, à travers la culture, expérimente de nouvelles manières de recréer du lien. Une première phase de mise en test du projet a été lancée en septembre 2021. Le projet est aujourd’hui bien actif après un an.  

En voici les axes prioritaires :
—  Tout d’abord, la volonté d’ouvrir la gestion du lieu à la participation citoyenne.
Il s’agit d’un modèle de gouvernance partagée où chacun et chacune peut trouver sa place.

—  Ensuite, provoquer la rencontre à un même endroit entre des personnes qui ne se rencontrent pas naturellement.  
On l’observe, notre société actuelle fonctionne souvent par silos et les croisements entre les milieux ou les personnes ne s’organisant pas naturellement. C’est pourtant une des clés pour améliorer le vivre ensemble : s’ouvrir à ceux qui nous ressemblent le moins.  Deux exemples de projets qui tentent d’atteindre cet objectif : les “Jattes de folie” ont rassemblé tous les mardis des personnes d’horizons différents afin de leur demander leur avis et leurs besoins quant au projet Maison Folie. Ensuite, la Maison du projet a été ouverte sur base de ce qui a été entendu lors de ces « jattes ». En effet, les citoyens et citoyennes ont exprimé le besoin d’avoir un lieu pour se rencontrer et organiser des activités ensemble. 

—  Enfin, l’envie d’ouvrir grand le mot “culture” 
et de le faire évoluer en “les cultures”; ouvrir les espaces au théâtre, à la musique, à la danse, mais également à d’autres formes culturelles telles que le jardinage, le bricolage, la cuisine, tout ce qui peut exprimer la richesse culturelle de chacun·e. 

La grande idée : se donner le temps de la réflexion grâce à une année « jachère », qui a permis de prendre le pouls du territoire, de sonder les véritables besoins des habitant·es et de s’organiser en groupes de travail. Les grandes étapes du projet ont donc été la consultation citoyenne, qui a guidé la mise en test, qui elle-même a généré la mise en œuvre. Plus d’infos sur leur site 

Article publié en février 2023 dans TRACES, le magazine de l'actualité culturelle à l'UCLouvain. Lire la suite 

Publié le 13 février 2023