Jean-Claude Mangeot, garde forestier du Bois de Lauzelle, veille avec passion et ténacité sur le bois et ses habitants depuis près de 36 ans. Cette exposition est aussi une manière de lui rendre hommage, à l’aube de sa retraite bien méritée.
Un garde sachant garder
Jean-Claude Mangeot est originaire d’Arlon. Après des études secondaires à Huy, il travaille « une heure et demie » dans une banque, ce qui, dit-il, lui suffit pour savoir exactement ce qu’il ne fera jamais de sa vie. Alors il suit une année de sylviculture à La Reid, près de Spa, aujourd’hui Institut provincial d’enseignement agronomique. Il passe ensuite le Jury central à Bruxelles pour obtenir son diplôme de garde forestier. C’est le moment du service militaire. Son père est de santé fragile et souvent hospitalisé ; Jean-Claude est le petit homme de la maison et l’argent ne coule pas à flots. Le jeune homme est déjà marié ; un enfant est en route ; il s’engage deux ans dans l’armée et suit la filière du génie civil. Cela lui permet d’apprendre à piloter et à entretenir toutes sortes d’engins à moteur et de passer quelques examens et brevets, ce qui lui servira bien par la suite dans le bois !
Au terme de ces deux ans, le voilà ouvrier forestier à l’Administration des eaux et forêts, sous la houlette de l’ingénieur responsable du cantonnement de Spa, Pierre Noé. Il a posé sa candidature comme agent technique des eaux et forêts à Vielsalm ; il attend qu’un poste s’ouvre… quand un de ses anciens professeurs le recontacte pour lui dire qu’on recrute quelqu’un à l’Université. Ce serait bien qu’il aille jeter un oeil là-bas. Il répond à l’appel, il va voir sur place, et il y est encore trente ans plus tard.
Il commence par… ouvrir une carte de Belgique pour voir où se trouvent Ottignies et Louvain-la-Neuve : « Je n’avais jamais voyagé, Namur c’était loin, Bruxelles c’était le bout du monde, je n’avais jamais vu une université, je me demandais bien où on pouvait y trouver des arbres ! » Il se présente pour une audition devant le professeur Pierre André, le patron de la sylviculture à l’époque. On l’engage. « Je ne savais pas où aller, où loger : ma première nuit dans le bois, je l’ai passée dans la voiture ! »
Il campe trois mois dans une roulotte de chantier, au milieu des arbres, en allant retrouver sa petite famille le week-end à Verviers… puis il loue une maison à la Baraque mais c’est un peu trop loin du bois : pas facile d’intervenir rapidement. Enfin, une maison se libère juste à l’orée : il l’habite encore.
« Je n’avais jamais voyagé, Namur c’était loin, Bruxelles c’était le bout du monde, je n’avais jamais vu une université, je me demandais bien où on pouvait y trouver des arbres ! »
Ses premières impressions du Bois de Lauzelle, c’est que c’est tout petit… en même temps il se rend compte qu’il y a moyen d’y faire des choses formidables, vu la diversité des sols et des reliefs. Jean-Claude a bien envie de faire un petit bout de chemin dans cette aventure où l’université se retrouve avec un bois à gérer… Il y a quelques petits problèmes au départ : « Par exemple, l’ancien garde du bois, retraité, était toujours là, et lui, c’était un garde-chasse » – le bois étant auparavant un bois privé. Or, il y a une contradiction fondamentale entre l’activité de garde-chasse et celle de garde forestier. Malgré les apparences, malgré le fait que le milieu de travail soit le même, c’est tout à fait antinomique...
La collaboration avec les universitaires est une autre paire de manches. Au début, on lui donne des listes de choses à faire, ce qui n’est guère au goût de cette forte tête. Petit à petit, la confiance s’installe, il propose des petits projets, on lui laisse une marge de manœuvre. Aujourd’hui encore d’ailleurs, il lui arrive d’appeler le Pr Pierre André, aujourd’hui émérite, pour lui poser une question, lui faire part d’un doute.
C’est précisément parce que Jean-Claude Mangeot travaille pour les arbres et pour les bêtes que les humains se trouvent bien dans « son » bois.
En quelques années, le jeune garde se taille une réputation. Il ne plaît pas à tout le monde. Son projet, au fond, est très lisible, très simple : favoriser la plus grande biodiversité possible dans le Bois de Lauzelle. Davantage d’essences forestières : il n’y a que des hêtres et des chênes, et un peu de frênes, alors que le bouleau, les fruitiers comme les sureaux ou les pruniers, qui nourrissent les oiseaux en hiver… Quelques années plus tard, son réseau s’est développé ; avec ses amis et collègues forestiers, ils partagent leurs expériences, toujours dans le but d’embellir la forêt, de préserver sa richesse naturelle. Sans oublier les gens, d’ailleurs. C’est précisément parce que Jean-Claude Mangeot travaille pour les arbres et pour les bêtes que les humains se trouvent bien dans « son » bois.
Extrait du livre Le Petit Bois de Lauzelle Illustré. Conversations avec Jean-Claude Mangeot, Presses universitaires de Louvain, coll. "Cordouan", à paraître en septembre 2020
Découvrir le reportage de TV Com
Le Petit Bois de Lauzelle Illustré. Conversations avec Jean-Claude Mangeot
A paraître en septembre 2020 : Le Petit Bois de Lauzelle Illustré raconte le Bois de Lauzelle au fil de textes issus d'entretiens avec Jean-Claude Mangeot. Il est illustré de photographies émanant de toute la communauté d’Ottignies-Louvain-la-Neuve.
Découvrir le documentaire sonore "Lauzelle" "Une forêt se gère avec de la poésie, avec beaucoup d'amour, et surtout avec une réflexion : chaque arbre que l'on coupe est un bouquin qui tombe, une page qui se tourne..." Jean-Claude Mangeot guide la réalisatrice Héléna Verrier le temps d'un balade dans le bois.