Anatomie de paysages en projet
En compagnie de l’architecte paysagiste français Michel Desvigne des étudiant·es de Louvain-la-Neuve, issu·es de toutes facultés, ont appris à « lire » un paysage -en particulier un paysage urbain- et à le transformer, non sans se poser un certain nombre de questions éthiques : quel paysage pour quelle société ? Comment habiter le territoire ? Quelle ville pour demain ? A partir d’images aériennes de paysage, classées selon quelques grandes thématiques, les étudiants ont produit des collages. Ces dessins sont à la fois le support de l’observation mais aussi l’occasion de prendre position sur leur évolution future. Les visiteurs pourront découvrir ces dessins -en métamorphose- photographiés pour composer une sorte de mosaïque de projets possibles : définir la ville, faire passer une voie ferrée, créer un réseau d’espaces publics, organiser un quartier…
"L’objectif est avant tout de voir, d’apprendre à voir les paysages qui nous entourent. Comprendre les mécanismes qui les produisent, décrypter les évolutions, situer les enjeux." Michel Desvigne
Les paysages aujourd’hui ne résultent pas seulement de la géographie naturelle – celle des reliefs et des cours d’eau. Ils procèdent encore d’une géographie artificielle, administrative et réglementaire, technocratique et technique, qui les a profondément modifiés et qui a agi et agit avec beaucoup plus de vigueur, voire de brutalité, que le travail de composition et de négociation à laquelle a obligé la première pendant des siècles. L’accélération des aménagements, les moyens mécaniques démultipliés dont ils disposent, ont eu pour effet de gommer, d’effacer ou à tout le moins d’estomper les caractéristiques naturelles des sites. Il faut pouvoir regarder les paysages qui en résultent comme une autre forme de naturalité avec laquelle composer – moins au sens de dessiner et disposer qu’à celui d’arranger et d’accommoder. Il peut s’agir du paysage des infrastructures, puissantes, comme de celui des emprises qui ont façonné le territoire.
Ces deux « natures », l’une naturelle, l’autre artificielle, ne rentrent pas nécessairement en conflit. Si on les oppose ici, c’est pour mieux les distinguer, pour mieux en jouer comme d’un ressort dialectique. Celui-ci peut être à l’œuvre dans l’aménagement d’un parc, en travaillant avec les traces d’une activité industrielle disparue. Il faudrait aussi le prendre en compte dans l’aménagement territorial, en considérant aussi bien les invariants naturels, et leur cortège d’obligations, réveillées par l’impératif durable qui s’impose, que les marques plus récentes dans l’histoire, qui créent des contraintes plus puissantes et que l’on ne peut se contenter d’ignorer. Elles conduisent à des stratégies de réparation, mais pas seulement : elles peuvent avoir produit des formes que nous devons accepter. C’est une affaire de renversement du regard. A cet égard, le changement de celui posé sur le patrimoine industriel est une leçon.
Le paysage est aujourd’hui souvent, abordé du seul point de vue de sa protection. Le transformer est considéré a priori comme suspect. C’est au contraire l’observation des transformations, des projets qui nous intéresse. Ces observations ont comme support la manipulation d’images, la production de collages. Cette manipulation nous entraîne au-delà de la stricte analyse pour envisager d’autres transformations, d’autres projets.
Les supports sont des photographies aériennes. Une collection d’images est projetée, décryptée au cours des présentations en abordant quelques grandes thématiques : le paysage agricole, la périphérie des villes, le paysage des infrastructures, la ville diffuse, paysage et espaces publics, manières d’habiter le paysage...
Chaque présentation donne lieu à expériences : à partir d’images aériennes de paysage, les étudiant·es produisent des sortes de collages. Ces collages sont à la fois le support de l’observation de sites mais aussi l’occasion de prendre position sur leur évolution future. Trois programmes sommaires ont été proposés : transformer des structures boisées existantes, structurer l’extension de la ville, accompagner la mutation de sites industriels. Les dessins en métamorphose ont été scannés, composant pour chaque site une mosaïque de projets possibles.
La dimension éthique est importante. Quel paysage pour quelle société ? Comment habiter le territoire ? Quelle ville pour demain ?
Michel Desvigne
Outre son titre de paysagiste obtenu à l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, Michel Desvigne est diplômé de botanique et de géologie. Il est professeur invité à l’Academia di architettura di Mendrisio en Suisse depuis 2000, et a eu plusieurs activités d’enseignement, depuis 1985, dans diverses écoles d’architecture et d’aménagement européennes. Michel Desvigne est l’auteur de nombreux projets à grande échelle sur divers continents et est intervenu sur l’œuvre d’autres à la demande de grands noms de l’architecture. Il est actif sur le territoire belge, notamment pour le tribunal de justice de Gand en collaboration avec S.Beel, et à Liège avec le bureau Anorak. Il travaille également avec la ville de Bordeaux, pour laquelle il établit une charte des aménagements paysagers.
Michel Desvigne s’est exprimé sur son œuvre lors de conférences dans différents pays, et a fait l’objet de plusieurs expositions, dont une aux Beaux-Arts de Bruxelles.