Les frères Dardenne, artistes en résidence 2005-2006

La résidence

Luc et Jean-Pierre Dardenne ont travaillé, durant le mois de mars 2006, avec des d’étudiant·es qui avaient choisi leur séminaire dans le cadre de la Mineure en culture et création. Ces étudiant·es, après une formation théorique spécialisée donnée par le Professeur Jacques Polet (COMU/ESPO), ont eu la chance immense d’être guidé·es et accompagné·es par ces maîtres du 7e art. Bénéficiant de leurs conseils et de leur expérience, ils ont pu se frotter sur le terrain aux exigences du cinéma et réaliser plusieurs courts-métrages.

Le 2 mai, aux Halles universitaires, ces courts-métrages ont été projetés et commentés par les cinéastes dans le cadre d’un après-midi de rencontre consacré à leur œuvre.

La résidence vue par un étudiant

Maxime étudie la psychologie en deuxième année de baccalauréat. Suite à la réforme Bologne, il a choisi de s’inscrire à la mineure en culture et création. Ne se considérant pas particulièrement comme un artiste, il y a trouvé l’occasion de toucher à la culture sous un angle nouveau, celui de l’enseignement universitaire prêtant une structure à ce vaste domaine. Entre théorie et mise en pratique avec les frères Dardenne, Maxime dénonce les bienfaits de pouvoir toucher à une toute autre matière que celle de son orientation principale.

"Si je devais qualifier cette mineure, je parlerais en premier lieu d’ouverture d’esprit.
Mais il faut également souligner le partage qui règne dans ce programme
et enfin j’insisterais sur mon épanouissement personnel."

Quelle est votre impression concernant ce nouveau système de majeure/mineure et qu’en est-il de votre expérience ?
Ce système consiste à choisir une majorité de crédits dans une matière tout en ayant l’opportunité de s’ouvrir à une autre faculté, un autre horizon. Une mineure consiste donc à prendre une option dans une branche qui peut être fort différente de notre orientation de base. C’est notamment mon cas. En effet, mon orientation principale est la psychologie dont je termine la deuxième année de baccalauréat alors que je me suis dirigé vers une mineure en culture et création.

S’ouvrir à un autre horizon est donné à tous les étudiants ? Cette mineure en culture et création est-elle accessible à tous ?
D’un point de vue pratique, ce système de majeure/mineure est très intéressant, mais sur le plan organisationnel il nécessite encore quelques mises au point qui viendront sans doute avec le temps. Je pense qu’il y a notamment des problèmes de juxtaposition d’horaires qui font qu’au final, tout le monde n’a pas accès à toutes les mineures. Pour ma part, il a été nécessaire de manquer des heures de ma majeure pour parvenir à suivre dans ma mineure. Il y a des gens que cela pourrait bloquer… Cependant, cela en vaut la peine.

Par contre d’un point de vue plus concret, en ce qui concerne précisément la mineure en culture et création, j’estime que les matières sont accessibles à tous. L’exemple que je peux donner porte sur le cours de psychologie du théâtre. Je n’ai personnellement que l’une ou l’autre notion de base sur le sujet. Je connais ce que l’on a appris à l’école. Je suis  toutefois parvenu à suivre le cours sans aucune difficulté.

La mineure en culture et création s’est-elle imposée à vous comme une évidence ?
Elle était pour ma part la plus attractive et cela pour deux raisons principales. La première est que je recherchais un  programme qui s’éloigne de mon orientation majeure. Je fais déjà de la psychologie toute la journée… J’ai d’ailleurs été étonné de voir que beaucoup d’étudiants de ma faculté choisissaient une mineure en psychologie.
La seconde raison est l’intérêt qui ressortait de ce programme. Cette mineure semblait être la plus intéressante. De plus, j’estime que se pencher sur la culture dans un cadre universitaire est une occasion unique. Si l’UCL nous donne cette chance, nous ne pouvons pas passer à côté. Parce qu’avec le rythme que nous impose la vie d’étudiant, nous n’avons plus toujours l’occasion d’avoir des activités extra universitaires, culturelles ou autres.

A quoi un étudiant peut-il s’attendre lorsqu’il choisit de s’inscrire à un tel programme ?
Je m’attendais principalement à ce qu’on me présente des matières portant sur l’art et la culture de manière générale. Mais il y a des choses auxquelles je n’avais pas spécialement pensées dont notamment la culture d’un point de vue anthropologique…
Il s’agit d’une mineure très ouverte qui offre beaucoup de possibilités. Il y a des cours de littérature, d’architecture et de musique...

Se sentir une âme d’artiste est une condition sine qua non pour s’engager dans cette mineure ?
Je ne l’ai pas ressenti de cette manière puisque pour ma part je pratique juste un peu de musique. Quoiqu’il en soit, de par son cadre universitaire, cette formation est principalement théorique. Je ne m’attendais évidement pas à y jouer de la musique. Par contre le programme proposait un cours d’histoire de la musique du 20ième siècle. Cinquante années de rock commentées par un musicologue est une expérience très intéressante. Le professeur nous a parlé de groupes comme les Rolling Stones… à l’Université !

Le travail effectué dans le cadre des « artistes en résidence » est l’aspect « pratique » de cette mineure…
C’est exact. Au cours de ce programme, il nous est proposé d’élaborer un projet avec un artiste professionnel. Cette année, nous avons eu le choix entre les frères Dardenne et Pietro Pizutti. J’étais plus attiré par le cinéma que par le théâtre, ce pourquoi j’ai choisi de travailler avec Jean-Pierre et Luc Dardenne.

Comment cela se passe-t-il concrètement ?
Ce programme se déroule en deux phases. Tout d’abord, nous avons assisté à trois journées théoriques au cours desquelles les frères Dardenne nous ont expliqué leurs différents films et  leur vision du cinéma, tout en commentant certains extraits.
C’est un aspect de la formation qui m’intéressait beaucoup. Depuis lors je vois leurs films différemment. Les frères Dardenne ne sont pas réputés pour faire du cinéma joyeux. Désormais je perçois mieux leur message et je saisis mieux les difficultés de la réalisation. En effet, je me suis rendu compte que le moindre plan de leur film demandait un grand travail de réflexion alors que tel ou tel effet dans une scène pouvait nous paraître involontaire.

Après cette mise en bouche vous êtes donc allés sur le terrain…
Nous avons eu l’occasion de réaliser un court métrage pendant deux jours sous l’œil bienveillant des frères Dardenne. On nous a fourni un micro et une camera et bien que nous étions relativement limités dans le temps, l’expérience était très intéressante.

Nous leur avons proposé un scénario assez détaillé. Ils nous donnaient alors leur avis de manière constructive. C’est à dire qu’ils ne nous disaient pas,  « ceci est bien ou ne l’est pas »,  mais ils évaluaient si notre projet était réalisable ou non. De plus, l’unique chose qui était imposée était le thème qui portait sur « la déclaration ». Nous devions donc faire une déclaration qui n’était pas nécessairement d’amour… Nous avions la liberté de partir dans toutes les directions jusqu’à la déclaration de guerre si nous le désirions.

Une déclaration d’amour  n’est pas vraiment leur thème de prédilection… Ont-ils justifié ce choix ?
Ils ont choisi ce thème en fonction de nos limites matérielles. Ayant tous le même âge, il nous était difficile par exemple de se mettre dans des rôles d’enfants. Une déclaration peut être réalisée avec peu de moyens et peu de temps, ce qui était précisément notre cas. Nous nous retrouvions entre jeunes étudiants d’une vingtaine d’années dans la peau d’auteurs, acteurs et réalisateurs de courts métrages. Nous avons tout de même reçu l’aide de deux étudiants de l’IAD. L’un nous filmait, l’autre était preneur de son. Notre formation touchait alors ses limites.

Y a-t-il un geste, une attitude ou un comportement qui vous a particulièrement marqué chez les frères Dardenne ?
J’en retire une impression générale de forte disponibilité. Ils sont parvenus à être tout le temps présent, à être à notre écoute sans jamais rien nous imposer. Ils ont su trouver un équilibre entre leur présence, indispensable face à notre inexpérience et notre liberté sans nous montrer ou nous faire ressentir que nous ne savions rien faire au regard de leur professionnalisme. Ils ont réussi à nous prendre au sérieux alors que le projet que nous développions se faisait sans grands moyens… Ils ont pris ce projet à cœur et ils nous ont pris au sérieux !

Ce programme de mineure dans sa globalité a-t-il développé ou tout simplement conforté chez vous un goût pour la culture et la création ?
Pour rester dans le cadre du travail avec les Dardenne, je dois reconnaître qu’avant cette expérience, le monde du cinéma ne m’attirait pas particulièrement. J’aimais regarder un film de temps à autres.
Aujourd’hui, je ne prétends pas du tout m’y connaître en cinéma mais je me suis rendu compte de l’immense travail qui se cache derrière la moindre scène d’un film, ce à quoi nous ne pensons pas forcément. Ce projet « d’artiste en résidence » m’a donc ouvert les yeux de ce point de vue et a attisé ma curiosité.

Si cette mineure devait être définie en quelques mots, lesquels vous viendraient rapidement à l’esprit ?
Si je devais qualifier cette mineure, je parlerais en premier lieu d’ouverture d’esprit. Mais il faut également souligner le partage qui règne dans ce programme et enfin j’insisterais sur mon épanouissement personnel.