La mobilisation du droit par les mouvements sociaux et la société civile

DRT Louvain-La-Neuve

22 mars 2018

23 mars 2018

La question des usages du droit par des mouvements engagés dans des mobilisations sociales a longtemps été négligée par la sociologie des mouvements sociaux. Ce désintérêt s’explique, sans doute en partie, par la disqualification qui a largement frappé le droit au cours du 20ème siècle dans le champ de la sociologie bien qu’il ait représenté un objet d’étude privilégié pour certains fondateurs de la discipline, tels Durkheim et Weber. Mais sous l’influence de Marx, puis de Bourdieu, nombre de sociologues n’ont vu dans le droit qu’une mystification destinée à masquer les inégalités et rapports de force ainsi qu’à reproduire la domination économique et sociale.

Aujourd’hui, le changement est notable : les recherches sur le recours au droit par des mouvements sociaux sont devenues foisonnantes. Elles concernent des cas d’étude très variés, ancrés au sein de pays et contextes divers. Cette évolution scientifique correspond à une évolution sociale : dans des Etats où le droit a pris une place prépondérante, dans des sociétés travaillées par leur propre judiciarisation, le recours aux règles juridiques et aux institutions chargées de les concevoir ou de les mettre en œuvre est devenu un élément important du répertoire d’action de nombreux groupes de revendication. Cette évolution traduit également un changement de regard sur l’objet « droit » lui-même. Quoique les positions adoptées sur ce plan soient très diverses, on observe une plus grande prise au sérieux du phénomène juridique, de sa pluralité interne, de ses ambivalences et une attention plus marquée au sens que les normes et procédures juridiques peuvent revêtir pour les citoyens non juristes qui s’en saisissent.

Le champ de recherche que constitue désormais l’étude des usages du droit par les mouvements sociaux et la société civile demeure toutefois très morcelé. Entre les sociologues des mouvements sociaux, les juristes intéressé.e.s par les sciences sociales, les ethnologues du droit ou encore les anthropologues du politique, le dialogue reste entravé par le poids des barrières entre disciplines et sous-disciplines. Ainsi, les cadres théoriques et méthodologiques des un.e.s et des autres divergent ; plus regrettable, elles.ils ne portent au mieux qu’un regard distant sur leurs travaux respectifs.

Certaines innovations conceptuelles – ainsi, les notions de cadrage juridique des causes ou de structures d’opportunités juridiques (et non plus seulement politiques) – pointent pourtant l’intérêt et la fécondité du dialogue entre les disciplines sur ces objets.

Dans cette perspective, ce colloque poursuit trois objectifs principaux:

  1. Saisir la diversité et la richesse de cette évolution en rassemblant, par-delà les frontières disciplinaires et géographiques, des analyses empiriques et théoriques inédites relatives aux usages militants du droit et de l’institution judiciaire ;

  2. Promouvoir un dialogue entre chercheurs. chercheuses travaillant sur ces questions à partir de disciplines et de méthodologies différentes ;

  3. Baliser le champ et établir un bilan critique de ces usages du droit ainsi que des enjeux scientifiques que pose cette évolution.