Deux voix peuvent changer une majorité

Des chercheurs de l’UCLouvain, Edouard Cuvelier et Olivier Pereira, ont analysé l'impact des erreurs de comptage sur les résultats électoraux. Ce qu’ils ont observé ? Lors des élections communales 2018, 64 communes wallonnes ont connu une situation critique, où une erreur d’attribution des votes de - de 1 % aurait pu conduire à de nouvelles configurations de majorité. Conclusion ? Des recomptages plus fréquents, via notamment des outils d’audit statistique, permettraient de mieux quantifier les erreurs et ainsi les éviter à l’avenir.

Le système d'attribution des sièges que la Belgique emploie, lors des élections, est extrêmement sensible aux erreurs de comptage. Dans de nombreuses communes wallonnes, lors des élections communales de 2018, une erreur de seulement quelques centièmes de pourcent peut amener à un changement de majorité.

Des chercheurs de l’UCLouvain, Edouard Cuvelier et Olivier Pereira, ont analysé l'impact des erreurs de comptage sur les résultats électoraux et comment améliorer la qualité de ces résultats. Concrètement, ils ont déterminé le nombre de votes minimum nécessaires pour changer le résultat d’une élection. Soit, dans le cadre des élections communales de 2018, combien de votes (en plus ou en moins) pouvaient induire une modification des majorités possibles.

Un exemple ? A Wavre, sur les 21 711 bulletins de vote comptabilisés, une erreur de 5 votes était suffisante pour permettre un changement de majorité : une liste a obtenu la majorité absolue mais, si ces 5 votes avaient été comptés autrement, une majorité alternative aurait pu émerger. Une telle différence de 5 votes pourrait simplement provenir de différences d’interprétation à la lecture de bulletins. Le cas de Wavre n’est pas isolé : au total, 64 communes wallonnes ont connu une situation critique, où une erreur d’attribution des votes de - de 1 % aurait pu conduire à de nouvelles configurations de majorité.

Autre exemple ? Les élections fédérales de mai 2019. Les chercheurs UCLouvain ont, là aussi, observé que quelques voix peuvent faire toute la différence : sur les 188 681 votes comptabilisés en province du Luxembourg, une erreur de comptage de 306 votes (soit moins de 0,2 %) seulement aurait conduit au transfert d’un siège d’un parti au profit d’un autre.

Edouard Cuvelier et Olivier Pereira ont ensuite cherché à quantifier l’erreur de comptage qui survient naturellement lors du décompte des bulletins papiers. Cette partie de l’étude était plus compliquée : il n’existe pas de recomptage systématique (est souvent incomplet et fait suite à une décision d’une instance de contrôle saisie par un candidat s’estimant lésé). Les données collectées indiquent une fourchette d’erreurs de 0,08% à 2,5 %. Partant de l’hypothèse que les erreurs de comptage surviennent aléatoirement et se distribuent de manière égale entre les partis, l’analyse UCLouvain démontre que les taux d’erreurs, avec des bulletins papiers, restent au-dessus de seuils acceptables et mènent donc rarement à une modification du résultat.

Les chercheurs UCLouvain proposent trois pistes pour limiter l’incertitude des résultats provoqués par les erreurs de comptage :

  • Des recomptages plus fréquents et standardisés permettraient de mieux objectiver et quantifier les erreurs de comptage ;
  • L’utilisation de techniques d’audit statistique pour limiter le risque (risk limiting audit) assurerait des garanties élevées sur la correction des résultats sans devoir nécessairement procéder à un recomptage complet. Exemple : en province du Luxembourg, cet outil statistique permettrait, grâce à une méthode aléatoire, de s’assurer de justesse des résultats, en ne vérifiant qu’une partie des bulletins (2 963 sur les 188 681 votes comptabilisés) ;
  • L'utilisation de machines de vote produisant des bulletins de vote papier et des "accusés de réception" permettrait d’éviter les erreurs de comptage dues à des interprétations humaines.

Infos : https://decryptage.be/2019/10/deux-voix-pour-changer-une-majorite/

Publié le 13 décembre 2019