SOUTENANCE PUBLIQUE DE THÈSE DOCTORALE : Sophie ALLAUX-IZOARD

Louvain-La-Neuve

03 mai 2019

11h00

Auditoire Montesquieu (MONT 01), Place Montesquieu à Louvain-la-Neuve.

SOUTENANCE PUBLIQUE DE THÈSE DOCTORALE

Madame Sophie ALLAUX-IZOARD, de Pau (France), présentera sa dissertation doctorale pour l’obtention du grade de docteur en théologie et la soutiendra publiquement le vendredi 3 mai 2019 à 11h dans l’auditoire Montesquieu (MONT 01), Place Montesquieu à Louvain-la-Neuve.

                                                                                                    

Le jury est composé de MM. les professeurs

B. Bourgine, président

L.-L. Christians et W. Lesch, promoteurs

E. Gaziaux,                                                                                  

M. Detchessahar, correcteur extérieur (Professeur à l’Université de Nantes)

J. Verstraeten, correcteur extérieur (Professeur à la KU Leuven)

Spiritualité et management : entre imposture et promesse. Une lecture théologique.

La présente étude prend naissance dans le constat d’une double lacune. Une omission fondamentale, tant dans la littérature théologique contemporaine, qui semble ne pas percevoir les enjeux analytiques d’un retour de la « spiritualité » dans les réquisits des sociétés sécularisées et matérialistes, que dans la littérature consacrée au management, du moins en Europe. Autant les librairies foisonnent-elles de références spirituelles, que ce soit dans les rayons bien-être, organisation professionnelle, que dans les rayons « religions », autant la littérature universitaire semble ne pas prendre au sérieux ce retour du spirituel. Or, une telle réalité soulève des enjeux théoriques et épistémologiques sur la capacité des sciences sociales à se saisir seules du phénomène spirituel, sans que les élucidations expertes et critiques de l’éthique théologique ne soient mobilisées. En sens inverse, il apparaît que le discours théologique ne peut plus ignorer la fécondité sociale nouvelle de la référence spirituelle en management de la diversité. 

Cette recrudescence d’intérêt est alimentée, en grande partie, par l’affaiblissement des liens avec l’environnement naturel, l’hypertechnicisation de la société, où, sous l’emprise d’une force centrifuge, l’individu est empêché d’entrer « au-dedans de soi », désertant sa demeure et devenant comme étranger à lui-même. La valorisation d’une « spiritualité thérapeutique » dans les organisations semble en effet procurer des ressources significatives pour prévenir la souffrance, surmonter l’épreuve, alléger le travail de sa pesanteur, permettre une prise de distance, et par conséquent trouver une validation à son action. Cependant, subtile et paradoxale, la thématisation croissante de l’humain et du spirituel ne tient-elle pas à l’efficacité qu’elle produit, en jouant sur les ressorts du bien-être des salariés? La question spirituelle devient alors l’alibi parfait pour ne pas partager un projet collectif réel, une altérité bienheureuse et créatrice.

Face au consensus qui émerge autour de ce "nouveau paradigme", cette recherche entend reconstruire les dérives d’un travestissement néolibéral, aussi bien que les demandes légitimes d’une pratique libératrice, qui humanise et sensibilise les décideurs, aux enjeux de leur pouvoir. Issu d’un ancrage dans des expériences anthropologiques fondamentales, tant rationnelles, imaginatives, que narratives, un lien singulier semble émerger entre la façon dont le référent spirituel permet de dépasser les tensions entre le subjectif et l’objectif, et les modalités par lesquels il structure l’idée même de communauté et refonde en définitive la figure de l’altruisme et de la vulnérabilité partagée. Cette réflexion éthique orientée vers les questions de l’épanouissement personnel et de la quête du sens dans une vie bonne, désormais avec et pour autrui, entend ne pas perdre de vue la problématique de la justice sociale et de l’équité.

Plusieurs axes de réflexion sont proposés, moyennant notamment la lecture de la catégorie des « signes des temps », en vue d’apprécier la diversité des apports théologiques à une approche critique. Comment la théologie, à partir de ses propres ressources, peut-elle se laisser enseigner par la pluralisation du phénomène spirituel, de manière générale et tel qu’il se décline dans la relation de la personne au travail. En retour, on s’interroge sur le mode dont l’espace symbolique du management accueille de se laisser irriguer par le concept de vulnérabilité, comme canal d’expression du spirituel dans l’organisation. A ce titre, le recours aux écrits pauliniens autorise l’ouverture d’une brèche dans le discours dominant, à partir de « ce qui n’est pas » (1 Co 1, 28) : ni sage, ni puissant. Issu en partie du courant de la « théologie faible », un management vulnérable serait une condition de la décision responsable, et des modalités lui permettant de se transformer en délibération et en capacité d’action.