Working Papers de Jean De Munck

Parution du 78ème Working Papers du CriDIS par Jean De Munck "La sémiotique postcoloniale de Kame Daoud"

Cet article propose une approche de l’œuvre littéraire du journaliste et écrivain algérien Kamel Daoud. Il met en évidence le diagnostic que construit cet auteur sur sa condition postcoloniale au travers de son œuvre romanesque. On peut le considérer comme un exemple de critique artiste qui débouche sur une critique très efficace des idéologies qui minent son pays.

La démarche romanesque de Daoud le conduit à construire la problématique postcoloniale comme une problématique de perte de sens en raison des blocages discursifs de l’Algérie contemporaine. En parcourant « Meursault, contre-enquête », l’article montre comment la construction formelle met en œuvre un rapport ambivalent à Albert Camus, symbole du colonisateur blanc. Le dispositif narratif permet la transformation d’une critique existentielle (pour reprendre les termes de Luc Boltanski) en une critique artiste. Le style intertextuel adopté par l’auteur fonctionne comme une utopie politique d’égalité des imaginaires issus des différentes cultures mondiales. Dans « Zabor, ou Les psaumes », l’auteur construit la problématique de la langue qui pèse aujourd’hui sur l’Algérie. L’article déplie les raisons qui poussent Kamel Daoud à rejeter l’arabe classique, et à opter pour le français, et il souligne aussi sa préférence pour le développement d’une langue algérienne (le djazairi), une langue nationale qui serait construite sur le modèle du français. Dans « Le peintre dévorant la femme », Daoud aborde un second débat : celui qui oppose l’orient à l’occident sur le statut de l’image. Il s’agit dans ce cas de comprendre la puissance de sublimation de la sexualité de la peinture occidentale, permettant une réconciliation avec le langage de l’image refoulé par la culture islamique. Le u regard critique sur les tendances qui minent sa propre culture, pousse l’auteur de Meursault, contre-enquête à adopter une attitude cosmopolite décidée, aux antipodes du discours identitaire.

Publié le 23 janvier 2020