Le grand rendez-vous de l'IRESP 2024 !

Le jeudi 28 mars 2024 a eu lieu le grand rendez-vous de l’IReSP (Institut de Recherche en Santé Publique) à Paris. Cet institut est une interface qui favorise les échanges entre scientifiques et décideur·euses politiques afin d’améliorer les politiques publiques. L’IReSP encourage tout particulièrement l’interdisciplinarité, la recherche interventionnelle en santé et la recherche participative.

Lors de son grand rendez-vous, plusieurs thématiques ont été abordées tout au long de la journée. Parmi les présentations auxquelles le RESO a assisté, nous retenons plusieurs éléments, voici notre partage :

 

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Retour présenté par Camille Guiheneuf
Chargée de projets en promotion de la santé

 

Ce retour est inspiré de la session inaugurale présentée par Linda Cambon.

Le « contexte » : un détail ou une question centrale pour la Recherche Interventionnelle en Santé des Populations ?

Tout d’abord, une définition est essentielle : la recherche interventionnelle en santé des populations (RISP) se définit comme l’utilisation de méthodes pour étudier et évaluer les interventions qui visent à influencer la distribution des facteurs de risque de maladies ou des déterminants de la santé au sein d’une population (Potvin et al., 2013). La RISP poursuit des objectifs d’équité en santé et de réduction des inégalités sociales de santé.

Pour produire des connaissances sur une intervention en santé des populations, la question de la documentation du contexte se pose. En effet, un individu n’est jamais isolé, il évolue dans un environnement spécifique (avec sa propre histoire, avec une certaine représentation de la santé, etc.). De plus, sa culture, ses relations sociales, son accès à des ressources ou encore son niveau socio-éducatif sont des éléments qui exerceront une influence probable sur les effets d’une intervention. Il est donc nécessaire de considérer une intervention en fonction du contexte dans lequel elle est mise en œuvre. Un effet est la résultante de l’interaction entre une intervention et des éléments contextuels. C’est pour cela qu’il est peu probable qu’une intervention reproduise les mêmes effets d’un contexte à un autre.

Dans le cadre d’une RISP, le design de l’évaluation est influencé par l’importance accordée au contexte. Si ce dernier n’est pas suffisamment documenté au cours de la mise en œuvre de l’intervention, les connaissances qui en résulteront risquent d’être incomplètes et ne permettront pas d’obtenir une compréhension globale des conditions grâce auxquelles l’intervention est efficace, limitant ainsi sa transférabilité*. Aussi, ne pas considérer l’influence du contexte peut amener à sous-estimer/surestimer des effets, ou à ne pas considérer certains impacts (potentiellement néfastes) liés à l’intervention, tels que l’augmentation d’inégalités de santé.

Avant de conclure, prenons un exemple présenté lors de cette session inaugurale : la mesure coercitive du confinement appliquée lors de la pandémie du COVID-19 pour endiguer la propagation du virus et pour réduire le taux de mortalité induit par sa contamination. Selon Linda Cambon, ce type de mesure, parce qu’il n’a pas été tenu compte des déterminants de la santé, a créé des effets négatifs pour certaines populations, notamment les enfants et les populations les plus précarisées, en réduisant leur accès aux soins, en aggravant leur situation de précarité, ou encore en impactant durablement leur santé mentale. Ceci pour démontrer que le déploiement de cette mesure sans prise en compte du contexte et sans considération des déterminants de santé à l’origine des inégalités a eu des effets délétères inégalement distribués. Car si pour certain·es les confinements successifs ont diminué le risque de morbidité et mortalité dues au COVID-19, pour d’autres, elle a augmenté le risque de morbidité et mortalité dues à d’autres causes. Ainsi, l’importance accordée (ou non) au contexte a des conséquences sur la manière de penser l’évaluation, sur la collecte de données et sur la documentation des effets des interventions.

* Pour expliquer le terme « transférabilité » nous nous référons à la définition suivante : « la mesure dans laquelle le résultat d’une intervention dans un contexte donné peut être atteint dans un autre contexte » (Wang et al., 2006 cité dans Cambon et al., 2014).

Cambon, L. Minary, L. Ridde, V. & Alla F. (2014) Un outil pour accompagner la transférabilité des interventions en promotion de la santé : ASTAIRE. Santé Publique. 26(6):783-6
Potvin, L. Ruggiero, E. & Shoveller, J. A. (2013). Pour une science des solutions : la recherche interventionnelle en santé des populations. La santé en action. 425:
13-16

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Retour présenté par Mertens Laura
Chargée de projets en promotion de la santé


Comment la Recherche Interventionnelle en Santé des Populations crée-t-elle des synergies entre différents projets pour améliorer la santé des populations ?

Lors de cette conférence, plusieurs projets de RISP ont été présentés par différents interlocuteur∙rices. J'ai trouvé intéressant de mettre en évidence, à travers ce compte-rendu, des idées similaires qui peuvent être appliquées dans des contextes différents pour obtenir des résultats probants.

Les résumés ci-dessous contiennent des liens vers différents projets de RISP présentés lors de la conférence, offrant des descriptions plus détaillées.

Encourager des Comportements sains chez les Enfants et les Adultes

Le Grand Défi Vivez Bougez (GDVB), présenté par Florence Cousson-Gelie et Jean-Louis Roumegas, et le projet ALAPAGE, présenté par Anne-Fleur Jacquemot, partagent un objectif commun : encourager des comportements sains chez des groupes d’âge différents. Alors que le projet GDVB se concentre sur l’activité physique chez les enfants, le projet ALAPAGE vise à promouvoir l’alimentation équilibrée et l’activité physique chez les seniors.

Les deux projets mettent en œuvre des approches participatives et collaboratives pour impliquer leurs publics cibles. Le projet GDVB vise à encourager plus de 22 000 enfants chaque année à augmenter leur activité physique quotidienne, mesurée en "cubes énergie". Tandis que le projet ALAPAGE a été initié pour promouvoir l'alimentation et l'activité physique chez les séniors à travers des ateliers collectifs. Ces deux approches démontrent comment des interventions basées sur la participation peuvent encourager des comportements sains à différents stades de la vie.

Réduction des Risques et Adaptabilité des Interventions

L’intervention IACA !, présentée par Judith Martin-Fernandez et Emmanuelle Latourte, et le projet EVA-JAFA, présenté par Olivier Aromatario, illustrent l’importance de la réduction des risques et de l’adaptabilité des interventions. IACA ! se concentre sur la réduction des risques liés à la consommation d’alcool en fournissant un cadre structuré pour les professionnel·les de santé, tandis qu’EVA-JAFA vise à réduire l’exposition au chlordécone chez les auto-consommateur·rices en Guadeloupe et en Martinique.

Ces deux projets soulignent l’importance de l’adaptabilité et de la flexibilité des interventions. IACA ! met en place des méthodes mixtes pour évaluer son impact dans différents contextes, permettant aux professionnel·les d’ajuster leurs pratiques de réduction des risques en fonction des besoins spécifiques. EVA-JAFA utilise une approche itérative pour comprendre les facteurs contextuels qui influencent l’efficacité de l’intervention, mettant en lumière l’importance de l’ajustement des programmes en fonction des réalités locales.

Lutte contre le Tabagisme et Transférabilité des Interventions

Le projet PRODEVCAMPUS, présenté par Karine Gallopel Morvan et Marie-Hélène Renault, et l’étude-STOP, présentée par Fabienne El Khoury, illustrent les efforts de lutte contre le tabagisme et la transférabilité des interventions. PRODEVCAMPUS vise à développer des campus sans tabac, tandis que l’étude-STOP évalue l’efficacité de l’accompagnement au sevrage tabagique pour les personnes en situation de précarité socio-économique.

Les deux projets mettent en évidence la nécessité de tenir compte du contexte lors de l’élaboration d’interventions en santé des populations. PRODEVCAMPUS montre que le succès des campus sans tabac dépend de campagnes de communication efficaces et de programmes de soutien pour les fumeur·euses. STOP, en tant qu’essai pragmatique, démontre comment des interventions efficaces peuvent être facilement transférées à d’autres structures de soins, contribuant à réduire les inégalités sociales associées au tabagisme.

Démarche communautaire et Empowerment

Le projet de Médecins du Monde au Centre Pénitentiaire de Nantes, présenté par Eric Le Grand, et le dispositif StopBlues, présenté par Kathleen Turmaine et Sénia Fellah, mettent l’accent sur la démarche communautaire et l’empowerment des individus. Le programme expérimental de Médecins du Monde promeut la santé en milieu carcéral en s’appuyant sur la participation et l’empowerment des détenus, tandis que StopBlues utilise une approche similaire pour prévenir le mal-être à travers une application et un site internet.

Ces projets soulignent l’importance de l’implication des parties prenantes dans le succès des interventions en santé des populations. Ils montrent que des approches participatives et l’autonomisation des individus peuvent jouer un rôle clé dans la réussite de ces initiatives, même dans des contextes complexes comme les établissements pénitentiaires.

Conclusion

Les projets de recherche interventionnelle en santé des populations présentés lors de ce grand rendez-vous mettent en évidence des approches diverses pour améliorer la santé des populations. Qu’il s’agisse d’encourager des comportements sains, de réduire les risques, de lutter contre le tabagisme ou de promouvoir l’empowerment, ces projets démontrent l’importance de l’adaptabilité, de la flexibilité et de l’implication des parties prenantes pour garantir le succès des interventions en santé des populations. Les liens entre ces projets offrent une perspective holistique sur la manière de construire des interventions efficaces dans des contextes variés.